Si depuis toujours, les Québécois ont tenté de produire localement leur vin de messe ou de consommation familiale, le monopole gouvernemental sur la vente d'alcool interdisait la naissance d'un vignoble commercial. La législation a évolué en 1985 grâce à la détermination d'irréductibles producteurs. Aujourd'hui, vingt-huit exploitations se répartissent 109 hectares de vignes.
Si depuis toujours, les Québécois ont tenté de produire localement leur vin de messe ou de consommation familiale, le monopole gouvernemental sur la vente d'alcool interdisait la naissance d'un vignoble commercial. La législation a évolué en 1985 grâce à la détermination d'irréductibles producteurs. Aujourd'hui, vingt-huit exploitations se répartissent 109 hectares de vignes.
Au Québec, les exploitations sont de petites tailles en raison des difficultés climatiques. ' A L'Orpailleur, avec 13 ha, nous avons le plus grand vignoble, explique Charles-Henri de Coussergues, un Nîmois installé depuis 1982. C'est considérable lorsqu'on sait que nous n'avons que six mois pour effectuer tous les travaux viticoles. ' La longueur et la rigueur de l'hiver québécois conditionnent les techniques de production mises en oeuvre. Avec des températures descendant couramment sous les 35°C, on ne choisit pas de la même manière son matériel végétal. ' Depuis que je me suis installé en 1986, j'ai testé quarante-quatre variétés de cépages, déclare Victor Dietrich, un Alsacien. J'ai bien essayé de faire pousser des cépages de chez moi mais ce n'est pas rentable. Seuls les hybrides permettent de produire entre 30 et 60 hl/ha. ' Le seyval en blanc et le maréchal foch en rouge sont les deux cépages les plus courants mais compte tenu de l'absence de tradition, chacun fait des essais. Victor Dietrich envisage ainsi de produire du muscat sous serre qu'il vinifiera en macération pelliculaire pour donner davantage de goût à ses assemblages. Parallèlement, il teste un hybride très rustique, le mitchurinetz d'Ouzbékistan.Dans son encépagement actuel, le vignoble demande beaucoup de travail après les vendanges. Pour supporter l'hiver, les vignes doivent être butées sur des hauteurs de 40 à 50 cm. ' En janvier 1996, la température est remontée à 15°C avec de la pluie. Une fois la butte effondrée et boueuse, il a gelé à - 25°C, raconte Jean-Paul Martin, technicien conseil formé à l'ITV de Beaune. Le meilleur isolant, c'est la neige mais comme les vignobles sont implantés dans les zones les plus chaudes, elle manque souvent. 'Sous les Charmilles, le vignoble le plus haut du Québec, à 290 m d'altitude, a développé une technique originale à base d'enfouissement dans un boudin de feuilles mortes. Réalisé à la main, sa confection réclame, pour un vignoble de 1,4 ha, 40 t de feuilles récoltées dans la ville voisine.Ces techniques nécessitent une taille très basse, généralement une Kniffen, sorte de gobelet rabaissé en éventail. ' Je ne taille plus avant le buttage qui a lieu en novembre, explique Jean-Paul Martin, car la moitié des bourgeons pourrit dans la terre. J'attends le plus tard possible pour le débuttage de manière à passer les dernières gelées d'avril-mai et après, ce sont trois semaines de taille à genoux. 'Il ne faut pas perdre de temps, les premières gelées arrivent avec la première lune de septembre. Aussi, tout est fait pour accélérer la maturation des raisins : les rangs sont espacés de 3 m afin que l'ombre portée d'un rang ne nuise pas à l'ensoleillement de son voisin.Si un tel acharnement peut se comprendre de la part des Québécois, on peut être surpris de la présence de ces viticulteurs français. Les trois ' spécimens ' rencontrés partagent tous le même enthousiasme. Défi, aventure, liberté de produire sont les principales qualités qu'ils retiennent de leurs expériences. ' Le prix des vignes en Alsace ne nous permettait plus de nous développer. Alors partir pour partir, autant partir loin ', explique Victor Dietrich. Le prix de 1 ha au Québec ne dépasse pas 16 000 FF.Et puis ce terroir a aussi des avantages. ' Les maladies n'existent quasiment pas, raconte Charles-Henri de Coussergues, à peine un peu d'oïdium et encore, jamais avant la floraison. Je ne fais pas plus de trois traitements par an, toutes maladies confondues. ' Les premiers prédateurs du vignoble sont les merles et les étourneaux, d'où la pratique d'installer des filets sur les rangs de vignes ou d'utiliser un leurre acoustique.La vinification ne pose pas de problèmes majeurs, sauf en cas d'utilisation de levures indigènes, mal connues. ' Je peux faire mon vin comme je l'entends, s'enthousiasme Jean-Paul Martin, tout est une question d'éthique personnelle. A moi de décider si je chaptalise en une ou plusieurs fois, si je désacidifie sur moût ou sur vin... 'Cette liberté se retrouve dans la variété des vins produits : blancs secs, demi-secs, vendanges tardives, rouges, rosés, mousseux, mistelles, élevés sur lies, en fûts de chêne américain... Mais tous sont conscients de la nécessité de s'astreindre à la qualité. L'association des viticulteurs québécois a déposé un dossier auprès du gouvernement fédéral pour mettre en place un agrément baptisé ' Vin de qualité agréé '. La dénomination VQA est déjà utilisée en Ontario et le sera également en Nouvelle-Ecosse.Parmi les stipulations du dossier, un certain nombre de règles encadreront dorénavant la production d'ice wine. ' Le vin de glace est un produit de prestige, juge Victor Dietrich. C'est lui qui doit tirer l'ensemble du vignoble. ' Le ramassage et le pressurage se feront obligatoirement à - 8°C minimum, ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes : il fait couramment - 15°C dès début décembre...A l'inverse de la production, la commercialisation est sévèrement réglementée. ' Avec une production de 300 000 cols pour une consommation de 75 millions de cols, nous ne devrions pas avoir de problème de commercialisation, déclare Charles-Henri de Coussergues. C'est ma plus grande déception. Je pensais qu'après quelques années, les contraintes administratives disparaîtraient. Si rien n'évolue, je remettrai en cause ma présence ici. 'En effet, la viticulture commerciale n'a été autorisée que dans une optique agrotouristique. La délivrance du permis d'exploitation est conditionnée à la présence d'activités annexes et n'autorise que la vente sur place. ' Nous disposons seulement des cinq mois de la saison touristique, qui sont aussi les mois où il faut s'occuper de la vigne, pour vendre les 80 000 cols produits en moyenne à L'Orpailleur. ' Chacun se débrouille selon ses moyens : restauration et accueil des groupes pour les plus grands, soirées médiévales ou cours de danse japonaise pour les plus originaux.Depuis juillet 1996, une timide ouverture s'est faite avec l'autorisation de vendre aux restaurateurs. Malheureusement, la livraison est interdite et ceux-ci doivent impérativement venir chercher leurs commandes sur place. Le seul autre débouché autorisé réside dans les magasins de la SAQ, le monopole d'Etat.' En 1995, nous avons produit 112 000 cols, raconte Charles-Henri de Coussergues. La SAQ m'en a acheté une partie à 5,45 dollars pour la revendre 14,55 dollars. Nous supportons les mêmes taxes que les vins importés, ce qui nous oblige à baisser considérablement notre prix de vente pour rester compétitif en magasin. ' Le prix moyen des bouteilles à la propriété oscille entre 10 et 12 dollars avec un seuil psychologique à 13 dollars. Le coût de production brut varie entre 3 et 4 dollars auxquels il faut ajouter les frais de communication pour attirer les consommateurs. Un panneau d'information touristique est facturé par la Province entre 700 et 1 500 dollars/an selon la taille de la route.Malgré tout, la notoriété des vins québécois se développe pas à pas. Des dégustations sont organisées pour éveiller l'intérêt des journalistes, au départ plutôt sceptiques. La couverture médiatique des vendanges 1997 a été excellente. Le nombre d'exploitations ne cesse de croître, même s'il s'agit davantage de hobby de retraités ou d'activité annexe. L'exemple de la province voisine, l'Ontario, où les vins locaux sont devenus les premiers fournisseurs du monopole, augure bien de l'avenir de ce nouveau vignoble canadien.
Au Québec, les exploitations sont de petites tailles en raison des difficultés climatiques. ' A L'Orpailleur, avec 13 ha, nous avons le plus grand vignoble, explique Charles-Henri de Coussergues, un Nîmois installé depuis 1982. C'est considérable lorsqu'on sait que nous n'avons que six mois pour effectuer tous les travaux viticoles. ' La longueur et la rigueur de l'hiver québécois conditionnent les techniques de production mises en oeuvre. Avec des températures descendant couramment sous les 35°C, on ne choisit pas de la même manière son matériel végétal. ' Depuis que je me suis installé en 1986, j'ai testé quarante-quatre variétés de cépages, déclare Victor Dietrich, un Alsacien. J'ai bien essayé de faire pousser des cépages de chez moi mais ce n'est pas rentable. Seuls les hybrides permettent de produire entre 30 et 60 hl/ha. ' Le seyval en blanc et le maréchal foch en rouge sont les deux cépages les plus courants mais compte tenu de l'absence de tradition, chacun fait des essais. Victor Dietrich envisage ainsi de produire du muscat sous serre qu'il vinifiera en macération pelliculaire pour donner davantage de goût à ses assemblages. Parallèlement, il teste un hybride très rustique, le mitchurinetz d'Ouzbékistan.Dans son encépagement actuel, le vignoble demande beaucoup de travail après les vendanges. Pour supporter l'hiver, les vignes doivent être butées sur des hauteurs de 40 à 50 cm. ' En janvier 1996, la température est remontée à 15°C avec de la pluie. Une fois la butte effondrée et boueuse, il a gelé à - 25°C, raconte Jean-Paul Martin, technicien conseil formé à l'ITV de Beaune. Le meilleur isolant, c'est la neige mais comme les vignobles sont implantés dans les zones les plus chaudes, elle manque souvent. 'Sous les Charmilles, le vignoble le plus haut du Québec, à 290 m d'altitude, a développé une technique originale à base d'enfouissement dans un boudin de feuilles mortes. Réalisé à la main, sa confection réclame, pour un vignoble de 1,4 ha, 40 t de feuilles récoltées dans la ville voisine.Ces techniques nécessitent une taille très basse, généralement une Kniffen, sorte de gobelet rabaissé en éventail. ' Je ne taille plus avant le buttage qui a lieu en novembre, explique Jean-Paul Martin, car la moitié des bourgeons pourrit dans la terre. J'attends le plus tard possible pour le débuttage de manière à passer les dernières gelées d'avril-mai et après, ce sont trois semaines de taille à genoux. 'Il ne faut pas perdre de temps, les premières gelées arrivent avec la première lune de septembre. Aussi, tout est fait pour accélérer la maturation des raisins : les rangs sont espacés de 3 m afin que l'ombre portée d'un rang ne nuise pas à l'ensoleillement de son voisin.Si un tel acharnement peut se comprendre de la part des Québécois, on peut être surpris de la présence de ces viticulteurs français. Les trois ' spécimens ' rencontrés partagent tous le même enthousiasme. Défi, aventure, liberté de produire sont les principales qualités qu'ils retiennent de leurs expériences. ' Le prix des vignes en Alsace ne nous permettait plus de nous développer. Alors partir pour partir, autant partir loin ', explique Victor Dietrich. Le prix de 1 ha au Québec ne dépasse pas 16 000 FF.Et puis ce terroir a aussi des avantages. ' Les maladies n'existent quasiment pas, raconte Charles-Henri de Coussergues, à peine un peu d'oïdium et encore, jamais avant la floraison. Je ne fais pas plus de trois traitements par an, toutes maladies confondues. ' Les premiers prédateurs du vignoble sont les merles et les étourneaux, d'où la pratique d'installer des filets sur les rangs de vignes ou d'utiliser un leurre acoustique.La vinification ne pose pas de problèmes majeurs, sauf en cas d'utilisation de levures indigènes, mal connues. ' Je peux faire mon vin comme je l'entends, s'enthousiasme Jean-Paul Martin, tout est une question d'éthique personnelle. A moi de décider si je chaptalise en une ou plusieurs fois, si je désacidifie sur moût ou sur vin... 'Cette liberté se retrouve dans la variété des vins produits : blancs secs, demi-secs, vendanges tardives, rouges, rosés, mousseux, mistelles, élevés sur lies, en fûts de chêne américain... Mais tous sont conscients de la nécessité de s'astreindre à la qualité. L'association des viticulteurs québécois a déposé un dossier auprès du gouvernement fédéral pour mettre en place un agrément baptisé ' Vin de qualité agréé '. La dénomination VQA est déjà utilisée en Ontario et le sera également en Nouvelle-Ecosse.Parmi les stipulations du dossier, un certain nombre de règles encadreront dorénavant la production d'ice wine. ' Le vin de glace est un produit de prestige, juge Victor Dietrich. C'est lui qui doit tirer l'ensemble du vignoble. ' Le ramassage et le pressurage se feront obligatoirement à - 8°C minimum, ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes : il fait couramment - 15°C dès début décembre...A l'inverse de la production, la commercialisation est sévèrement réglementée. ' Avec une production de 300 000 cols pour une consommation de 75 millions de cols, nous ne devrions pas avoir de problème de commercialisation, déclare Charles-Henri de Coussergues. C'est ma plus grande déception. Je pensais qu'après quelques années, les contraintes administratives disparaîtraient. Si rien n'évolue, je remettrai en cause ma présence ici. 'En effet, la viticulture commerciale n'a été autorisée que dans une optique agrotouristique. La délivrance du permis d'exploitation est conditionnée à la présence d'activités annexes et n'autorise que la vente sur place. ' Nous disposons seulement des cinq mois de la saison touristique, qui sont aussi les mois où il faut s'occuper de la vigne, pour vendre les 80 000 cols produits en moyenne à L'Orpailleur. ' Chacun se débrouille selon ses moyens : restauration et accueil des groupes pour les plus grands, soirées médiévales ou cours de danse japonaise pour les plus originaux.Depuis juillet 1996, une timide ouverture s'est faite avec l'autorisation de vendre aux restaurateurs. Malheureusement, la livraison est interdite et ceux-ci doivent impérativement venir chercher leurs commandes sur place. Le seul autre débouché autorisé réside dans les magasins de la SAQ, le monopole d'Etat.' En 1995, nous avons produit 112 000 cols, raconte Charles-Henri de Coussergues. La SAQ m'en a acheté une partie à 5,45 dollars pour la revendre 14,55 dollars. Nous supportons les mêmes taxes que les vins importés, ce qui nous oblige à baisser considérablement notre prix de vente pour rester compétitif en magasin. ' Le prix moyen des bouteilles à la propriété oscille entre 10 et 12 dollars avec un seuil psychologique à 13 dollars. Le coût de production brut varie entre 3 et 4 dollars auxquels il faut ajouter les frais de communication pour attirer les consommateurs. Un panneau d'information touristique est facturé par la Province entre 700 et 1 500 dollars/an selon la taille de la route.Malgré tout, la notoriété des vins québécois se développe pas à pas. Des dégustations sont organisées pour éveiller l'intérêt des journalistes, au départ plutôt sceptiques. La couverture médiatique des vendanges 1997 a été excellente. Le nombre d'exploitations ne cesse de croître, même s'il s'agit davantage de hobby de retraités ou d'activité annexe. L'exemple de la province voisine, l'Ontario, où les vins locaux sont devenus les premiers fournisseurs du monopole, augure bien de l'avenir de ce nouveau vignoble canadien.