Au cours de la précédente campagne, les Charentais ont encaissé une chute brutale de leurs vins de table et une baisse virtuelle de leurs eaux-de-vie. C'est la conséquence d'une surproduction qui ne peut plus être épongée par l'augmentation des stocks. Le vignoble doit se réorienter ou se réduire.
Au cours de la précédente campagne, les Charentais ont encaissé une chute brutale de leurs vins de table et une baisse virtuelle de leurs eaux-de-vie. C'est la conséquence d'une surproduction qui ne peut plus être épongée par l'augmentation des stocks. Le vignoble doit se réorienter ou se réduire.
Le problème qu'affrontent les vignerons charentais tient en quelques mots. La région produit annuellement une moyenne de dix millions d'hectolitres de vins blancs. Ses sorties d'eaux-de-vie sont de l'ordre de 470 000 hl d'alcool pur si l'on additionne les ventes et les pertes par évaporation au cours du vieillissement. Pour les couvrir, il suffirait de la moitié de la récolte, soit un peu plus de 5 Mhl de vin. C'est la surproduction. La surcapacité de production, disent certains pour souligner le parallèle avec les autres secteurs économiques dont l'outil productif dépasse également les besoins commerciaux.Le fait n'est pas nouveau. La région s'en accommode depuis longtemps car elle avait plusieurs raisons de ne pas s'attaquer à ses excédents. Ils lui ont permis d'augmenter ses stocks au moment où le marché asiatique, demandeur d'eaux-de-vie âgées, croissait à un rythme soutenu. Les chais abritent aujourd'hui les besoins de sept années alors que les eaux-de-vie de compte d'âge inférieur ou égal à quatre représentent 80 % des ventes. Les stocks sont donc nettement supérieurs aux besoins. Seule la confiance dans l'expansion du marché asiatique pouvait justifier qu'ils soient si élevés. Or, l'an dernier, elle s'est effondrée. Au cours des six premiers mois de 1997, le Japon et Hong Kong ont réduit leurs commandes de 20 %. Ce sont les deuxième et troisième clients des Charentais. Ils délaissent le cognac au profit du vin rouge.Bien avant ce retournement, les négociants avaient déjà freiné leurs achats pour les ramener au niveau de leurs besoins réels. Les stocks ne s'accumulaient plus chez eux mais à la propriété. Pour mettre fin à leur gonflement, l'Interprofession a réduit la quantité normalement vinifiée (QNV) pour la campagne 1996-1997.Cette décision, ajoutée à la politique de repli des acheteurs, a permis de ramener la distillation de cognac nettement sous le seuil des 500 000 hl d'alcool pur, ce qui n'était pas arrivé depuis le gel de 1991. Mais la récolte n'en fut pas diminuée pour autant.Outre le cognac, les Charentes produisent des volumes importants de vins de table et de jus de raisin. Les cours des premiers se sont effondrés. Ils ont dégringolé de 21,50 F/°hl en 1995-1996 à 15,80 F en 1996-1997. Il s'agit des prix moyens enregistrés sur des volumes qui furent voisins de 1 Mhl lors de ces deux campagnes. Ces vins furent produits à l'intérieur de la QNV. Ils auraient donc pu être distillés. Par ricochet, leur chute a entraîné celle des eaux-de-vie qui se négocient en dehors des contrats pluriannuels passés entres les grandes maisons de négoce et les vignerons.Ce marché dit ' libre ' ou ' spot ', ou encore ' marché de la casse ', ne traite pas plus de 5 % des volumes aux dires des représentants du négoce. Lorsque les affaires sont moroses, il est toujours inférieur au marché contractuel. Ces dernières années, il s'était établi cinq à dix points en dessous de lui. En 1997, l'écart de prix s'est aggravé pour atteindre, à la fin de l'année dernière, 25 à 40 % selon les chiffres qui circulent sur place. Les vignerons qui travaillent en dehors de contrats ont ainsi vu leurs revenus s'éroder de toutes parts. Les autres ont eu un signe clair des désordres causés par la surproduction et que leur cache le lent dérapage des cours officiels des eaux-de-vie.C'est sous ce climat déprimé qu'a démarré la première campagne d'arrachage avec abandon définitif. La mesure fut instaurée en décembre 1996. Le montant de la prime était de 100 000 F/ha. Malgré ce niveau élevé, l'objectif d'éliminer au minimum 2 000 ha n'a pas été atteint. ' Il s'est arraché un peu moins de 1 000 ha ', regrette Alain Philippe, le directeur du Bureau national interprofessionnel du cognac. Cela représente à peine 1 % de la superficie du vignoble.L'opération est reconduite jusqu'au 31 mars 1998. Rien ne dit qu'elle remportera plus de succès. Les Charentais en ont vu d'autres. Ils ont déjà traversé des périodes difficiles. Ils gardent leur confiance dans la viticulture qui, lors des belles années, procure des revenus importants. Mais la situation actuelle ne saurait s'éterniser. Des producteurs sont déjà au bord de la ruine. Ils risquent de devoir se désengager du cognac en ayant tout perdu. Et ceux qui résisteront pourraient avoir à payer fort cher la persistance de cours très bas. Tôt ou tard, il faudrait qu'ils expliquent aux consommateurs par quel miracle ils font un produit de luxe avec une matière première à vil prix.Pour assainir la situation, l'Interprofession a voté en juin un plan qui vise à encourager l'arrachage définitif ou temporaire et à accélérer le remplacement de l'ugni blanc par d'autres cépages. ' Le but est d'enlever 12 000 ha de l'aire délimitée en trois ans ', explique Alain Philippe. L'idée est d'attribuer aux vignerons un droit à produire qui resterait fixe pendant huit ans. Même s'ils supprimaient des vignes ou s'ils décidaient de planter du chardonnay ou du merlot, ils pourraient toujours distiller la même quantité de cognac (les variations dues aux arrêtés de campagne mises à part) que lors de la signature du plan. Sur les parcelles restantes, les rendements en eaux-de-vie pourront augmenter, ce qui diminuerait les coûts de revient.Les syndicats de vignerons qui ne sont pas représentés au BNIC ont vivement critiqué ce plan. Ils se sont si bien faits entendre que les réunions avec le ministère de l'Agriculture ont été déplacées des bureaux de l'Interprofession vers ceux des chambres d'agriculture où tous les syndicats ont des élus. La dernière en date s'est tenue le 23 décembre. Les fonctionnaires du ministère avaient alors fait savoir que le plan ne pourrait durer que cinq ans. Mais à la fin de l'année, aucune mesure n'avait été définitivement adoptée.Place maintenant aux bonnes nouvelles. Les ventes de pineau des Charentes ont atteint leur meilleur score depuis 1988. Elles se sont établies à près de 12 millions de bouteilles. Par ailleurs, la campagne lancée en France pour inciter les consommateurs à boire le cognac en apéritif commence à porter ses fruits. Sur une période de douze mois arrêtée fin novembre, les ventes sur notre territoire avaient progressé de 7 % par rapport aux douze mois précédents. Mieux encore, les Charentais se prennent au jeu. Ils n'hésitent plus à faire goûter le cognac sur glace ou le cognac-schweppes. Ils ouvrent les portes de leurs distilleries et de leurs chais afin que les visiteurs découvrent leur travail. Ils dansent jusqu'au bout de la nuit lors de soirées arrosées de leur belle eau-de-vie. Puisse-t-elle leur rendre la confiance qu'ils conservent en elle.
Le problème qu'affrontent les vignerons charentais tient en quelques mots. La région produit annuellement une moyenne de dix millions d'hectolitres de vins blancs. Ses sorties d'eaux-de-vie sont de l'ordre de 470 000 hl d'alcool pur si l'on additionne les ventes et les pertes par évaporation au cours du vieillissement. Pour les couvrir, il suffirait de la moitié de la récolte, soit un peu plus de 5 Mhl de vin. C'est la surproduction. La surcapacité de production, disent certains pour souligner le parallèle avec les autres secteurs économiques dont l'outil productif dépasse également les besoins commerciaux.Le fait n'est pas nouveau. La région s'en accommode depuis longtemps car elle avait plusieurs raisons de ne pas s'attaquer à ses excédents. Ils lui ont permis d'augmenter ses stocks au moment où le marché asiatique, demandeur d'eaux-de-vie âgées, croissait à un rythme soutenu. Les chais abritent aujourd'hui les besoins de sept années alors que les eaux-de-vie de compte d'âge inférieur ou égal à quatre représentent 80 % des ventes. Les stocks sont donc nettement supérieurs aux besoins. Seule la confiance dans l'expansion du marché asiatique pouvait justifier qu'ils soient si élevés. Or, l'an dernier, elle s'est effondrée. Au cours des six premiers mois de 1997, le Japon et Hong Kong ont réduit leurs commandes de 20 %. Ce sont les deuxième et troisième clients des Charentais. Ils délaissent le cognac au profit du vin rouge.Bien avant ce retournement, les négociants avaient déjà freiné leurs achats pour les ramener au niveau de leurs besoins réels. Les stocks ne s'accumulaient plus chez eux mais à la propriété. Pour mettre fin à leur gonflement, l'Interprofession a réduit la quantité normalement vinifiée (QNV) pour la campagne 1996-1997.Cette décision, ajoutée à la politique de repli des acheteurs, a permis de ramener la distillation de cognac nettement sous le seuil des 500 000 hl d'alcool pur, ce qui n'était pas arrivé depuis le gel de 1991. Mais la récolte n'en fut pas diminuée pour autant.Outre le cognac, les Charentes produisent des volumes importants de vins de table et de jus de raisin. Les cours des premiers se sont effondrés. Ils ont dégringolé de 21,50 F/°hl en 1995-1996 à 15,80 F en 1996-1997. Il s'agit des prix moyens enregistrés sur des volumes qui furent voisins de 1 Mhl lors de ces deux campagnes. Ces vins furent produits à l'intérieur de la QNV. Ils auraient donc pu être distillés. Par ricochet, leur chute a entraîné celle des eaux-de-vie qui se négocient en dehors des contrats pluriannuels passés entres les grandes maisons de négoce et les vignerons.Ce marché dit ' libre ' ou ' spot ', ou encore ' marché de la casse ', ne traite pas plus de 5 % des volumes aux dires des représentants du négoce. Lorsque les affaires sont moroses, il est toujours inférieur au marché contractuel. Ces dernières années, il s'était établi cinq à dix points en dessous de lui. En 1997, l'écart de prix s'est aggravé pour atteindre, à la fin de l'année dernière, 25 à 40 % selon les chiffres qui circulent sur place. Les vignerons qui travaillent en dehors de contrats ont ainsi vu leurs revenus s'éroder de toutes parts. Les autres ont eu un signe clair des désordres causés par la surproduction et que leur cache le lent dérapage des cours officiels des eaux-de-vie.C'est sous ce climat déprimé qu'a démarré la première campagne d'arrachage avec abandon définitif. La mesure fut instaurée en décembre 1996. Le montant de la prime était de 100 000 F/ha. Malgré ce niveau élevé, l'objectif d'éliminer au minimum 2 000 ha n'a pas été atteint. ' Il s'est arraché un peu moins de 1 000 ha ', regrette Alain Philippe, le directeur du Bureau national interprofessionnel du cognac. Cela représente à peine 1 % de la superficie du vignoble.L'opération est reconduite jusqu'au 31 mars 1998. Rien ne dit qu'elle remportera plus de succès. Les Charentais en ont vu d'autres. Ils ont déjà traversé des périodes difficiles. Ils gardent leur confiance dans la viticulture qui, lors des belles années, procure des revenus importants. Mais la situation actuelle ne saurait s'éterniser. Des producteurs sont déjà au bord de la ruine. Ils risquent de devoir se désengager du cognac en ayant tout perdu. Et ceux qui résisteront pourraient avoir à payer fort cher la persistance de cours très bas. Tôt ou tard, il faudrait qu'ils expliquent aux consommateurs par quel miracle ils font un produit de luxe avec une matière première à vil prix.Pour assainir la situation, l'Interprofession a voté en juin un plan qui vise à encourager l'arrachage définitif ou temporaire et à accélérer le remplacement de l'ugni blanc par d'autres cépages. ' Le but est d'enlever 12 000 ha de l'aire délimitée en trois ans ', explique Alain Philippe. L'idée est d'attribuer aux vignerons un droit à produire qui resterait fixe pendant huit ans. Même s'ils supprimaient des vignes ou s'ils décidaient de planter du chardonnay ou du merlot, ils pourraient toujours distiller la même quantité de cognac (les variations dues aux arrêtés de campagne mises à part) que lors de la signature du plan. Sur les parcelles restantes, les rendements en eaux-de-vie pourront augmenter, ce qui diminuerait les coûts de revient.Les syndicats de vignerons qui ne sont pas représentés au BNIC ont vivement critiqué ce plan. Ils se sont si bien faits entendre que les réunions avec le ministère de l'Agriculture ont été déplacées des bureaux de l'Interprofession vers ceux des chambres d'agriculture où tous les syndicats ont des élus. La dernière en date s'est tenue le 23 décembre. Les fonctionnaires du ministère avaient alors fait savoir que le plan ne pourrait durer que cinq ans. Mais à la fin de l'année, aucune mesure n'avait été définitivement adoptée.Place maintenant aux bonnes nouvelles. Les ventes de pineau des Charentes ont atteint leur meilleur score depuis 1988. Elles se sont établies à près de 12 millions de bouteilles. Par ailleurs, la campagne lancée en France pour inciter les consommateurs à boire le cognac en apéritif commence à porter ses fruits. Sur une période de douze mois arrêtée fin novembre, les ventes sur notre territoire avaient progressé de 7 % par rapport aux douze mois précédents. Mieux encore, les Charentais se prennent au jeu. Ils n'hésitent plus à faire goûter le cognac sur glace ou le cognac-schweppes. Ils ouvrent les portes de leurs distilleries et de leurs chais afin que les visiteurs découvrent leur travail. Ils dansent jusqu'au bout de la nuit lors de soirées arrosées de leur belle eau-de-vie. Puisse-t-elle leur rendre la confiance qu'ils conservent en elle.