La carence en manganèse était jusqu'à présent peu répandue dans le vignoble du fait de l'utilisation fréquente d'anticryptogamiques contenant du manganèse. Elle le deviendra peut-être avec la baisse des traitements au mancozèbe.
Les techniciens connaissent bien les symptômes de la carence en manganèse : une coloration jaune ' sale ' et diffuse du limbe qui se manifeste en fin de cycle vers juillet, touchant des feuilles adultes sur tout le rameau et laissant verte une bande étroite du limbe autour des nervures. En fin de saison, les feuilles des cépages rouges prennent une couleur brun rouge. Pas de confusion possible avec la chlorose qui se manifeste dès la floraison et touche les feuilles de l'extrémité, ni avec la carence magnésienne qui provoque un jaunissement plus éclatant et touche les feuilles de la base du rameau. L'analyse foliaire permet d'identifier cette carence avec certitude : les feuilles carencées contiennent moins de 20 ppm de manganèse alors que les feuilles saines en contiennent 35 à 100 ppm mais les symptômes sont généralement suffisants.Le manganèse est un oligo-élément intervenant dans la synthèse de la chlorophylle et dans la réduction des nitrites. Les conséquences de cette carence sur la vigne sont généralement minimes : la mise en réserve n'est pas affectée, la pérennité de la plante n'est donc pas menacée et l'on n'observe généralement pas d'effet sur le rendement et la qualité. Sauf dans certaines carences très sévères mais rares qui peuvent provoquer une sénescence précoce ou accentuer la coulure : la maturité est alors incomplète, les baies sont peu sucrées et ne se colorent pas normalement. Cependant, la carence en manganèse n'est pas à ignorer car elle reflète un déséquilibre alimentaire ou une erreur agronomique.La carence peut être vraie en sol calcaire : le calcium prend la place du manganèse sur le complexe absorbant (matière organique et argile du sol) et le manganèse est lessivé. La plante n'en a alors pas assez à sa disposition. La carence se manifeste également en sol acide : le manganèse se trouve dans le sol mais la présence d'ions antagonistes (principalement le fer mais aussi zinc et cuivre) empêche son absorption par la plante. Dans ce cas, il s'agit d'une carence induite. Les conseillers viticoles ont identifié plusieurs types de situations à risques : Daniel Abrial, oenologue à Bandol (Var), rencontre des carences manganiques sur des sols calcaires, à pH élevés. Bertrand Sutre, conseiller indépendant, signale des cas de carence sévère dans le Médoc, en Gironde, sur des graves acides, très lessivés et surtout s'ils ont été chaulés, ou encore sur des sols renfermant du fer en profondeur. Arnaud Descottes, du CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne), en voit surtout sur des sols chlorosants, traités aux chélates de fer et sur des sols pauvres en matière organique. Il ne semble pas y avoir de différence significative de réponse à la carence entre les différents cépages. Toutefois, Daniel Abrial souligne que le cépage mourvèdre en est plus fréquemment atteint que le carignan ou le cinsaut. La première mesure prophylactique est le maintien d'un bon taux de matière organique dans le sol au moyen d'amendements organiques, ce qui permet d'augmenter sa capacité de fixation des éléments minéraux.L'apport de manganèse au sol est absolument inefficace s'il s'agit d'une carence induite et le traitement par voie foliaire s'impose. Il faut donc identifier les causes avant de traiter : une analyse de sol est nécessaire (et en particulier un dosage du fer assimilable). S'il s'agit d'une carence vraie, on peut choisir d'apporter au sol un engrais riche en manganèse : sulfate de manganèse (peu efficace) ou scories de déphosphoration.Mais on devra le plus souvent compléter par un apport foliaire. Celui-ci doit être réalisé le plus tôt possible dans la saison car la carence n'est pas réversible. Un traitement en juillet à l'apparition des symptômes n'a aucun effet. Le traitement, de deux à cinq applications selon la gravité, est effectué autour de la floraison (par exemple, aux stades grappes visibles, boutons floraux séparés, puis nouaison). Plusieurs produits foliaires à base de manganèse sont disponibles sur le marché (voir tableau ci-dessous); leur efficacité est comparable. Le CIVC conseille d'éviter les associations manganèse-bore.En revanche, le sulfate de manganèse et le sulfate de magnésie peuvent être mélangés entre eux et à la bouillie fongicide. Bertrand Sutre conseille d'utiliser Mantrac 500, plus concentré, et qui, selon lui, se mélange mieux aux autres produits. Ces produits apportent, de 250 g/ha de manganèse et par application (Mangafol, For Mn 48), à 500 g/ha (Mantrac, MF 135 Mn).