ImprimerAvant la plantation, le drainage est un investissement important mais qui apporte des gains de rendement et de qualité sur les parcelles souffrant d'excès d'eau. Sur la vigne en place, on peut l'installer si nécessaire mais c'est beaucoup plus onéreux.
Sur les sols sujets aux excès d'eau, même temporaires, il est souhaitable de drainer. Beaucoup de sols bordelais sont drainés et depuis longtemps : dans certaines parcelles, la nappe remonte à 60-70 cm en hiver. Jean-Pierre Argillier, de la chambre d'agriculture de l'Hérault, souligne également que de nombreux sols méditerranéens ont besoin de drainage. ' Prenons l'exemple du plateau de Vendres, au sud de Béziers : une accumulation d'argile imperméable à 80 cm de profondeur où l'eau s'accumulait en hiver. En surface, un sol de cailloutis et de graves très secs en été. Le drainage dans cette zone a été bénéfique. Il n'y a pas que les zones basses, proches des rivières, qui ont besoin d'être drainées... 'Le plus souvent, on draine les parcelles en hiver, avant plantation. Les drains sont posés dans des tranchées et recouverts de graviers (voir infographie). Le prix de l'équipement varie selon la profondeur et l'écartement des drains et selon l'épaisseur de la couche de graviers posée. Albert Pouquet, de la Cuma périgourdine d'assainissement, en Dordogne, et Gilles Daragnez, de la société Fournier, à Bordeaux, deux entreprises spécialisées dans le drainage, tablent sur 15 000 à 50 000 F/ha. A noter qu'il est possible de ne drainer qu'à l'emplacement de la mouillère quand l'excès d'eau est très localisé.Le drainage a donc un prix élevé. Otto Rettenmaier, au château Latour-Figeac, et Alain Vauthier, au château Moulin-Saint-Georges, ont fait drainer de nombreuses parcelles à Saint-Emilion. ' L'investissement est amorti dès la première récolte, vu le gain de rendement et le prix du vin, déclare l'un d'eux. En effet, si l'on plante sur un terrain hydromorphe, la vigne a du mal a s'implanter et il y a des manquants. En drainant, on gagne 20 hl/ha en moyenne car tous les pieds produisent. ' Une augmentation du rendement sur parcelles drainées a également été observée en Bourgogne par Christophe Roubal, professeur au lycée viticole de Beaune (Côte-d'or), qui a travaillé sur le sujet.Le gain de qualité est également remarquable. ' La vigne s'alimente mieux et plus régulièrement. Il n'y a pas de blocage de maturation ', explique l'un des producteurs de Saint-Emilion. En effet, en cas d'excès d'eau en hiver, les racines sont asphyxiées et meurent. Le système racinaire est limité aux zones superficielles et de ce fait, la vigne souffre davantage de la sécheresse en été. En cas de stress hydrique sévère, on observe même des blocages de maturation.En drainant, le système racinaire se développe plus en profondeur. Ainsi, la vigne a-t-elle accès aux couches d'argiles profondes qui l'alimentent en eau, en été, et en éléments minéraux. Cette régularité d'approvisionnement est favorable à la structure du vin.' En été, le drainage peut permettre de capter l'excès d'eau superficiel s'il pleut pendant la phase de maturation, ajoute-t-il. L'eau s'évacue plus vite, la vigne absorbe moins d'eau : c'est moins préjudiciable à la récolte. On limite l'effet de dilution de la vendange à la suite des pluies de fin d'été... 'Par ailleurs, les parcelles drainées ont un microclimat plus favorable. Sur une parcelle gorgée d'eau en hiver dont le sol ressuie mal, l'humidité est toujours présente. Au printemps, l'évaporation de l'eau refroidit l'air au niveau du sol et accentue les risques de gelées. L'humidité favorise également le développement des maladies cryptogamiques : les flaques d'eau résiduelles sont des réservoirs à mildiou et le botrytis se plaît dans un climat humide. Toutefois, Christophe Roubal émet une restriction quant à l'effet bénéfique du drainage sur la pourriture grise : ' Le drainage diminue l'humidité mais il favorise la vigueur de la vigne qui, elle, est favorable au botrytis '.Le drainage facilite également le travail de la vigne, difficile sur un sol hydromorphe : on gagne en temps de travaux. En effet, sur les zones de mouillères, la portance est médiocre, on ne peut pas entrer en tracteur. Et comme le sol ressuie lentement, la parcelle reste impraticable plusieurs jours après la pluie, ce qui peut poser des problèmes pour exécuter les traitements phytosanitaires à temps. Les caractéristiques du sol vont en se dégradant : sur sol engorgé, la pénétration des machines agricoles crée un compactage important qui diminue encore la porosité du sol et aggrave la stagnation de l'eau.Si l'investissement n'a pas été fait à la plantation, il est possible de drainer sur la vigne en place. La société Fournier possède des trancheuses-poseuses adaptées, aux chenilles rapprochées pour passer entre les rangs. Mais la présence de la vigne complique la tâche et ne permet pas toujours une implantation idéale par rapport à la topographie : les drains ne coupent pas forcément l'écoulement de l'eau. Au château Latour-Figeac, une parcelle en place a été drainée. ' Le passage des machines entre les rangs occasionne un compactage important et endommage un peu la vigne ', déclare le propriétaire qui est malgré tout satisfait des résultats.De plus, on doit être prudent avant de drainer une vieille vigne car elle n'a pas forcément la capacité de s'adapter au changement de régime hydrique : si le système racinaire ne se développe plus, elle peut souffrir de manque d'eau au printemps et en été. Toutefois, au château Latour, à Pauillac, des vignes de 20-25 ans ont été drainées sans problème. Compte tenu des difficultés à drainer une vigne en place, le coût de l'installation est double et il faut compter de 40 000 à 80 000 F/ha. Mieux vaut donc si possible drainer avant la plantation car l'investissement s'amortit plus facilement.