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Favoriser l'enracinement

La vigne - n°86 - mars 1998 - page 0

Pour assurer une bonne installation de la vigne, la préparation des sols reste déterminante. Lorsqu'elle est faite dans de mauvaises conditions, la mortalité des jeunes plants augmente. Par la suite, les vignes sont plus sensibles aux excès ou manques d'eau.

Les racines d'un jeune plant, pour s'installer sans problème, ont besoin de trouver une terre meuble bien affinée. Pour obtenir ce résultat, il faut choisir un itinéraire adapté au type de sol et surtout intervenir au bon moment, ce qui n'est pas toujours évident dans la pratique. ' Sur sols argilo-calcaires, il faut jouer avec le climat et travailler les sols avant l'hiver lorsqu'ils sont bien ressuyés de façon à profiter ensuite de l'effet du gel et du dégel pour améliorer la structure ', souligne un technicien bourguignon. A éviter, les préparations de dernière minute donnant des sols soufflés et les préparations en conditions humides qui conduisent à un tassement.' Après deux années de dépérissement, j'ai dû replanter complètement une parcelle dont le sol avait été mal préparé ', raconte Eric de Suremain, vigneron à Monthélie (Côte-d'Or). Le labour effectué à l'automne sur un sol trop humide avait provoqué la formation de mottes dures, qui ont été enfouies sans être brisées par un passage de rotobêche deux mois après. Le sol s'est compacté au niveau des racines qui ont fini par s'asphyxier, entraînant le dessèchement des plants.Une mauvaise préparation de sol, sans avoir de conséquences aussi extrêmes, peut entraîner une perte de vigueur de la vigne qui ne se révélera que les années difficiles. Pour mieux cerner ce risque, le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) a mis en place un essai à Verzy (Marne), sur une parcelle divisée en deux. La préparation de la première partie s'est étalée sur dix-huit mois, les interventions ayant lieu sur un sol bien ressuyé. Sur la seconde moitié, les travaux ont été réalisés rapidement sur sol humide en fin d'hiver, ce qui a entraîné une nette diminution de la porosité du sol.La vigne a été installée en 1990. La reprise a été meilleure dans la partie travaillée en conditions sèches avec une mortalité de 3 %, contre 8 % dans l'autre partie où la croissance des plants est également plus irrégulière. Les premières années, aucune autre différence significative n'a été relevée entre les deux parcelles, qu'il s'agisse de rendement, de degré, d'acidité, de poids des bois de taille ou des baies. En 1995, année sèche, une différence nette est apparue sur le poids des bois de taille. Il fut le plus élevé là où le sol avait bien été préparé. En 1997, année très humide, dans cette même partie, le rendement avait été le plus élevé. Ces observations semblent indiquer que la structure du sol et l'enracinement permettent à la vigne de mieux faire face aux fluctuations du régime hydrique.' Nous allons poursuivre cet essai dans les années à venir et creuser des fosses pour observer précisément la structure du sol et la répartition des racines ', souligne Anne-France Doledec, du CIVC.Avant de commencer à produire, la vigne a besoin de bien installer son système racinaire. Récolter dès la troisième feuille, comme cela se fait dans la plupart des régions, a des effets positifs sur la trésorerie des vignerons. Dans des sols bien structurés, profonds et avec de bonnes conditions de plantation, tout se passe bien. Mais sur des sols plus superficiels ou mal préparés, pour peu qu'il survienne un incident climatique, l'enracinement peut être perturbé.' Si la vigne manque d'éléments nutritifs, elle sacrifie la croissance racinaire pour donner priorité à la nutrition des grappes. Cela se traduit par des pertes de vigueur qui entraînent à leur tour une plus grande sensibilité aux maladies. On entre alors dans une spirale négative qui peut remettre en cause la rentabilité ', affirme Jean-Pierre Argillier, de la chambre d'agriculture de l'Hérault. Dans le cadre d'une étude sur la baisse des rendements, il a pu observer les systèmes racinaires dans trois cent cinquante parcelles. ' Les vignes anciennes présentent des enracinements à deux ou trois étages qui atteignent facilement 2 m de profondeur. Dans les parcelles plantées il y a dix ou quinze ans, il n'y a souvent qu'un seul étage avec un développement des racines essentiellement horizontal ', constate-t-il. Tant que l'horizon superficiel est bien approvisionné en eau, la vigne pousse normalement. Mais en plein été, lorsque cet horizon se dessèche, elle ne peut plus accéder aux réserves d'eau de la nappe souterraine, faute de racines descendantes. Si la période de sécheresse dure trop longtemps, la maturation des raisins peut être compromise, de même que l'accumulation de réserves.' En sols difficiles, il ne faut pas concurrencer l'établissement des racines par une trop forte charge durant les cinq premières années car après, cela ne se rattrape pas. Pour durer, la vigne a besoin d'un enracinement profond. Les ceps les plus âgés produisent souvent les meilleurs vins. Donnons aux plantations actuelles la possibilité de vieillir ', souligne, de son côté, René Morlat, de l'Inra d'Angers (Maine-et-Loire).Pour jouer à plein leur rôle d'absorption, les racines ont besoin de vivre dans un sol biologiquement actif. Elles fonctionnent en association avec des bactéries qui les entourent au sein d'un manchon de plasma argileux et qui jouent un rôle important dans la digestion de la matière organique. Si les conditions d'aération du sol ne sont pas satisfaisantes, cette flore meurt et la racine s'affaiblit.' J'avais constaté sur certaines parcelles une baisse inexpliquée du rendement. Après avoir observé l'enracinement, nous avons découvert avec les techniciens que les racines profondes dépérissaient dans un sol tassé, asphyxiant, pauvre en matière organique et peu actif biologiquement ', souligne Luc Carriol, vigneron à Saint-Bauzille-de-la-Sylve (Hérault). Au-delà de l'implantation, le choix des techniques d'entretien doit être raisonné afin de préserver la vie du sol et la santé des racines.

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