La couleur des vins est liée aux anthocyanes libres puis combinées aux tanins. Son évolution au cours de l'élaboration et du vieillissement dépend d'un ensemble complexe de réactions, sous l'influence de nombreux facteurs.
La couleur des vins rouges est due aux anthocyanes extraites de la pellicule de la baie pendant la macération et aux complexes tanins-anthocyanes qui se forment par la suite. Dans les baies de raisins rouges, on trouve en moyenne 500 à 3 000 mg/kg d'anthocyanes et 1 000 mg/kg de tanins. Mais la coloration est un phénomène complexe : la couleur du vin n'est pas proportionnelle à la concentration en pigments mais sous la dépendance d'autres facteurs tels que le pH, le potentiel redox, la teneur en SO2 libre. De plus, tous les pigments n'ont pas la même couleur. Lors de la vinification, ce sont des anthocyanes libres qui sont extraites en premier : de couleur rouge vif, très décolorables par le SO2 et très sensibles aux variations de pH. Il y a un équilibre entre plusieurs formes : la forme rouge, prédominante au pH du vin, la forme bleue, majoritaire dès que le pH dépasse 4,5, et plusieurs types de formes incolores qui peuvent augmenter avec la température. Le SO2 a une action décolorante car il se lie avec la forme rouge pour donner un complexe incolore mais qui peut revenir à une forme colorée par oxydation ou réaction avec des tanins... Par ailleurs, les anthocyanes libres sont instables et dégradées irréversiblement par l'oxydation.Rapidement, des réactions de combinaison ont lieu entre anthocyanes libres et tanins; elles sont inéluctables car ces composés réagissent spontanément entre eux. Le déroulement de ces réactions dans le milieu est complexe, accéléré par la température et variable selon les proportions des différents composants. Schématiquement, s'il y a davantage de tanins dans le milieu, ceux-ci vont se polymériser en grosses molécules et, en réagissant avec les anthocyanes, vont former des composés de couleur rouge-orangé à brun, les complexes formés entre anthocyanes et petits tanins étant plutôt rouge brique.Par ailleurs, un autre type de liaison peut se créer entre tanins ou entre tanins et anthocyanes, si de l'éthanal est présent dans le milieu, soit produit à l'issue de la fermentation, soit produit chimiquement à partir de l'alcool et en présence d'oxygène. Ces composés, liés par des ' ponts éthanal ', sont responsables de colorations rouge-violet dans les vins.Toutes ces réactions sont diversement influencées par la présence d'oxygène, la température, la proportion des différentes molécules dans le milieu, la teneur initiale en SO2 libre qui ralentit les combinaisons. Selon Yves Glories, de la faculté de Bordeaux, les ellagitanins cédés par le bois de chêne ont un rôle de catalyseur. Michel Moutounet, de l'Inra de Montpellier, souligne également l'influence du pH : à des pH élevés se forment davantage de pigments bruns en présence de O2. ' Selon la teneur initiale en anthocyanes ainsi que les conditions d'élaboration et de stockage, il n'en reste plus sous forme libre après deux ou trois ans ', estime-t-il. Ces phénomènes de condensation se traduisent généralement par une augmentation de l'intensité colorante du vin lors des six premiers mois.Une fois les anthocyanes sous forme combinée, elles sont moins sensibles aux décolorations par le SO2, aux variations de pH, aux dégradations. On a donc stabilisé la couleur. Cependant, il existe désormais un risque d'instabilité colloïdale : les complexes de gros tanins et d'anthocyanes ont tendance à précipiter. L'évolution de la couleur vers des reflets tuilés au cours du vieillissement en bouteilles est encore mal expliquée. Yves Glories estime que les ' ponts éthanal ' des molécules bleues sont rompus dans le milieu réducteur de la bouteille. Pour Michel Moutounet, les complexes violets sont instables dans le temps : en barriques, ils se reforment en présence d'oxygène et en bouteilles, ils ne sont pas renouvelés par manque d'oxygène. A la suite de la disparition des complexes bleus, le brun prédomine dans la couleur du vin.