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Un vin blanc sec d'Espagne prend son envol

La vigne - n°87 - avril 1998 - page 0

Pour les vins de qualité, l'Espagne est plutôt un pays de rouges. Quelques blancs se hissent à leur hauteur. L'appellation Rueda (5 700 ha), dans le nord-ouest du pays, fait partie de ces avant-gardistes. De nombreux investisseurs y croient.

A quelques dizaines de kilomètres de Ribera del Duero, appellation de rouge en plein boom (voir ' La Vigne ' de mars 1998), une autre appellation tout aussi dynamique existe : Rueda. On produit ici essentiellement des vins blancs secs. 5 712 ha sont en production : à 46 %, ils sont plantés de verdejo, un cépage autochtone qu'on ne retrouve nulle part ailleurs et qui donne sa spécificité au blanc local; le palomino fino représente 26 % des surfaces (en perte de vitesse); le viura (cépage de la Mancha) 21 % et 7 % pour le sauvignon. Le chardonnay n'est produit qu'à titre expérimental. Nous sommes ici à 200 km au nord de Madrid, sur le plateau de la Meseta, à 600-700 m d'altitude, le long du fleuve Duero (qui devient le Douro au Portugal, où l'on trouve les vins de Porto). Le climat est continental, la pluviométrie réduite et les sols, ocres, plutôt faibles en matière organique. Les quatre cinquièmes des parcelles sont menés en gobelets mais, comme partout, pour des impératifs de mécanisation, les vignes palissées sont en progression. 15 % des surfaces sont par exemple vendangées à la machine. La densité de plantation varie de 1 200 à 3 000 pieds/ha. Les rendements oscillent entre 7 000 et 9 000 kg/ha.' Investir dans la viticulture ne peut être qu'une stratégie à long terme. Au début des années soixante-dix, notre entreprise familiale, Marques de Riscal, implantée en Rioja depuis des décennies, voulait produire du blanc de qualité. A l'époque, nous avions exploré plusieurs vignobles espagnols. Rueda a été choisi pour son potentiel de développement ', explique Pedro Aznar, sous-directeur technique de Vinos Finos de Castilla, filiale de Marques de Riscal, à Rueda. Il y a ici 150 ha de vigne, ce qui représente 50 % des besoins de l'entreprise, une trentaine de fournisseurs fidèles apportant le reste des raisins.' Nous avons connu toute l'évolution de la région. Au début, on produisait des blancs cuits et lourds, on arrachait même du verdejo! D'ailleurs, si ce cépage avait été d'origine française, il serait mondialement connu. Maintenant, les bodegas se sont équipées et notre stratégie va clairement vers des blancs fruités, aromatiques, passés sous bois ou non, et à boire jeunes ', ajoute-t-il. Les vins sont d'une bonne tenue et gouleyants. Ils ont parfois fermenté en barriques, certains essayant même l'élevage sur lie en grand volume. Dans l'appellation, on produit du rueda et du rueda superior, avec respectivement 40 et 75 % minimum de verdejo.En ce qui concerne les chiffres, Rueda a exporté, en 1997, 13 % de sa production soit 1,6 million de bouteilles (en augmentation de 20 % sur 1996). Un bon résultat quand on sait que les blancs espagnols n'ont pas toujours bonne réputation à l'étranger. Au total, l'appellation a commercialisé 13 millions de bouteilles l'an passé (les prix se situent de 12 à 20 FF/bouteille) contre 9,2 millions en 1996. C'est évidemment un record. L'année 1998 pourrait cependant marquer le pas car la récolte 1997 a été très déficitaire à cause du gel : 16 millions de kilos produits contre 26,7 millions de kilos l'année précédente qui était, certes, une année record. ' Le gel est devenu une vraie préoccupation pour nous, explique un responsable de bodega. Du 1er avril à la mi-mai, je ne dors pas. Le 7 mai 1997, la température est descendue à -6°C alors que les pousses avaient déjà 10 cm. Une catastrophe sur les parcelles touchées. ' Maintenant qu'il y a de l'argent et, comme chez les voisins de Ribera del Duero, on réfléchit à des équipements. L'aspersion paraît difficile car les parcelles sont immenses et l'eau peu abondante. La technique des tours antigel (hélices) fait son chemin. Certains pensent même à insuffler de l'air par les tuyaux d'irrigation au goutte-à-goutte!Ni le gel, ni quoi que ce soit d'autre n'ont fait dévier de sa route Productos Naturales y Minerales SA, très grosse entreprise installée à Madrid et spécialisée dans l'extraction des minerais. Depuis huit ans, cette société cherchait à se diversifier dans l'agroalimentaire. C'est finalement le vin qui a été choisi et l'appellation Rueda en particulier. C'est dans la commune de Villaverde de Medina (Valladolid) - où il n'y avait plus un seul pied de vigne! - que le vignoble a été planté et la bodega construite : Castelo de Medina. ' Avec la Galice et la Catalogne, nous produisons ici les meilleurs vins blancs d'Espagne. Pour nous, c'est un investissement total de 1 000 millions de pesetas (40 MF) ', indique Juan Carlos Ortega, le directeur. Ingénieur agronome d'une quarantaine d'années et gestionnaire d'une affaire appartenant à un grand groupe, il jongle allègrement avec les ratios. ' Tout est mis noir sur blanc, tous les frais, tous les coûts de production, tout est rationalisé à la peseta près, pour rendre compte à Madrid. ' Le projet est ambitieux et le travail réalisé spectaculaire : 100 ha plantés depuis 1990 (60 % verdejo, 40 % sauvignon), et 30 ha de rouges à venir, le tout palissé et équipé d'irrigation au goutte-à-goutte. ' En 1990, on trouvait encore des droits de plantation, maintenant, c'est plus dur.Notre première production, 300 000 bouteilles, date de 1996. On doit mettre en place tout le réseau commercial, y compris pour l'exportation ', ajoute-t-il. Ici, le verdejo, cépage présent dans la région depuis le IXe siècle, est considéré comme un bijou qu'il faut travailler. La bodega a également acheté des raisins à l'extérieur, à des prix orientés à la hausse : le sauvignon est à 100 PTA/kg (100 PTA = 4 FF), le verdejo à 95 PTA, le viura à 55 PTA. Pour compléter sa gamme, cette structure envisage de produire des eaux-de-vie, des effervescents et même du vermouth.Au-delà des vingt-sept bodegas inscrites au Consejo Regulador (syndicat interprofessionnel qui gère l'appellation), une coopérative, La Agricola Castellana, située à La Seca, principale commune viticole de l'appellation, tient une place importante.On y trouve, en effet, beaucoup de polyculteurs. Cette coopérative, l'une des plus anciennes d'Espagne puisque créée en 1934, regroupe trois cent quatre-vingts membres dont pas un seul ne vit uniquement de la vigne! Sur 1 800 ha elle emploie quinze personnes. Seulement 20 % de sa production sont vendus en bouteilles, le reste en vrac à d'autres intervenants de l'appellation, car ici comme souvent en Espagne, la mise en bouteilles est obligatoire dans la région de production. Chez les jeunes appellations (rueda l'a obtenue en 1980), cela paraît même évident...' L'apport total est obligatoire, nous rémunérons par variété et en fonction de l'état sanitaire, apprécié sur une échelle de valeur à l'arrivée des tracteurs. Il y a des gens en liste d'attente pour entrer chez nous. Notre difficulté est de décider des investissements pour la cave, beaucoup préféreraient voir leur rémunération augmenter... ', explique Angel Calleja, l'oenologue de la coopérative.

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