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Reculer les premiers traitements

La vigne - n°87 - avril 1998 - page 0

Au nord comme au sud, quelques vignerons ont commencé à lever le pied sur les traitements précoces, sans pour autant subir plus d'attaques d'oïdium que leurs voisins.

Les essais réalisés ces dernières années dans le Midi montrent que les traitements précoces, sur les cépages ne présentant pas de symptômes de drapeaux, n'améliorent pas significativement l'efficacité de la lutte.' Il n'est pas indispensable de traiter systématiquement tous les cépages dès le débourrement. En 1997, j'ai fait l'impasse sur les traitements précoces pour le merlot, la syrah, le cabernet et le chardonnay. J'ai commencé directement avec trois IBS encadrant la floraison. Pour le carignan, j'ai appliqué un premier soufre mouillable au stade 3-4 feuilles, suivi d'un deuxième un mois après. Durant la floraison, j'ai intercalé un poudrage en plus des trois IBS, sur carignan mais aussi sur cabernet et chardonnay. Enfin, j'ai fini par deux soufres mouillables sur tous les cépages ', explique Gilbert Cazals, technicien à la chambre d'agriculture de l'Aude, qui exploite avec sa femme un domaine à Arzens.Avec huit traitements pour le carignan et cinq ou six pour les autres cépages, il n'a pas été débordé, malgré la forte pression de la maladie. ' J'ai observé quelques grains feutrés dans toutes les parcelles mais sans aucune incidence ni sur la maturation, ni sur le rendement ', précise-t-il.Bien qu'il n'y ait pas encore de modèle d'évaluation des risques, il est possible de positionner certains traitements contre l'oïdium en fonction des observations réalisées. ' Je passe toutes les semaines dans chaque parcelle pour observer l'état phytosanitaire, avant de décider du programme de lutte. En précoce, je ne traite le carignan que lorsque je vois apparaître des symptômes de drapeaux. Si quelques ceps seulement sont touchés, il est encore temps d'intervenir ', estime Didier Auboire, responsable technique du château Beauferan, qui regroupe 72 ha dans les coteaux d'Aix.Il s'appuie sur l'observation depuis 1989 et n'a été débordé qu'une seule fois par l'oïdium. ' Nous avons pris un retard de trois jours par rapport à la date de traitement prévue car le personnel a dû se mettre en urgence à l'embouteillage. Du coup, nous avons perdu 10 t de raisins sur une parcelle de 4 ha ', souligne t-il.En 1997, il a fait en moyenne deux traitements contre l'oïdium et n'a pas eu de dégâts significatifs, malgré la forte pression. ' Sur carignan, j'ai appliqué un IBS dès que j'ai vu apparaître les premiers drapeaux, suivi à six jours d'un soufre mouillable; j'ai refait un deuxième IBS lorsque le stade H des boutons floraux séparés a été atteint à 40 % ', précise-t-il. Sur ugni blanc, un cépage réputé assez sensible, il n'a appliqué qu'un soufre mouillable au stade H, qui lui a permis en même temps de contrôler l'érinose. Sur grenache, en revanche, il a surveillé de près quelques vignes situées en coteaux, où l'oïdium revient régulièrement par tâches, et a réalisé deux traitements.' Je tiens compte du cépage, du passé sanitaire de chaque parcelle et surtout des conditions climatiques. Lorsqu'il y a de la rosée ou des brouillards matinaux, je n'hésite pas à avancer les observations pour ne pas prendre de risques ', ajoute Didier Auboire.La réussite d'une telle stratégie passe par une observation méthodique, une prise de décision rapide et une application impeccable, qui nécessite un personnel compétent et disponible ainsi qu'un matériel bien réglé. ' C'est un peu stressant car nous ne connaissons pas tout des facteurs de risque mais cela fonctionne et, au final, le coût de la protection phytosanitaire est divisé par deux ', constate-t-il.La plupart des vignerons du Midi continuent à traiter régulièrement dès le débourrement, sans tenir compte de la sensibilité des différents cépages. ' Une fois le pulvérisateur prêt, je ne m'arrête plus, je traite toutes les parcelles ', souligne un vigneron du Var. D'autres maintiennent le premier traitement au soufre après débourrement pour lutter contre l'érinose et l'excoriose mais se disent prêts à espacer ensuite les interventions en attendant la floraison. ' Un soufre mouillable ne coûte que 100 F/ha mais multiplié par 20 ha et deux passages, cela fait 4 000 F. Ce n'est pas négligeable mais il faut le mettre en balance avec les risques de perte de récolte, qui peuvent chiffrer rapidement ', ajoute l'un de ses collègues.Dans les vignobles de Bourgogne ou de Champagne, une partie des vignerons a reculé le premier traitement du stade 3-4 feuilles au stade 7-8 feuilles, en s'appuyant sur les résultats des essais de la Protection des végétaux. ' Je raisonne la lutte contre le mildiou, qui reste le risque principal ici, et je la couple avec la lutte contre l'oïdium. En 1997, j'ai réalisé douze traitements, en commençant à la mi-mai seulement. Je ne traite pas en précoce contre l'érinose car ce n'est pas un risque majeur. Je ne cherche pas à avoir des vignes impeccablement propres mais plutôt à obtenir des raisins de qualité, avec un rendement ajusté au plus près de la limite de 10 000 kg/ha ', souligne Brian Geoffroy, vigneron à Vertus (Marne), qui fait partie du réseau Magister.' Je ne traite après débourrement que les parcelles où il y a de l'excoriose. Sinon, je démarre au stade 6-7 feuilles et je tiens la cadence jusqu'à la fermeture de la grappe, en encadrant la floraison par deux IBS. Le soufre ne revient pas très cher, ce n'est pas là qu'il faut faire des économies. En revanche, il serait possible de supprimer un IBS dans certains cas mais sur quels critères estimer le risque? ', s'interroge Pierre Gouges, de Nuits-Saint-Georges (Côte-d'Or), qui pratique la lutte raisonnée depuis des années.

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