Selon un chercheur suisse, dans les zones où la maturation d'un cépage est assurée, il ne sert à rien de le laisser développer beaucoup plus de 1 m² de feuilles par kg de raisin produit.
C'est une étude remarquable. On en ressort avec des idées claires sur le rapport entre la surface foliaire d'une vigne et le degré de maturité de sa récolte. Que les deux soient liés, le fait est établi depuis bien longtemps. On sait que les feuilles captent la lumière pour produire, entre autres, des sucres. Mais dès lors qu'il s'agit de préciser les choses, notamment en quantifiant le lien, c'est une autre paire de manches.François Murisier, de la station de recherches de Changins (Suisse), a relevé les siennes. Il a repris quantités d'essais faits depuis 1982 pour en tirer une synthèse. Sa conclusion est la suivante : il faut 1 à 1,2 m² de feuillage pour faire mûrir correctement 1 kg de raisin. Il déduit cette fourchette de l'observation de quatre cépages : chasselas et gamay principalement mais aussi merlot et pinot noir. ' On retrouve la valeur de 1 m² dans des études australiennes et italiennes. Il semble donc que l'on ait affaire à une constante ', commente François Murisier.Sa conclusion n'aurait pas d'intérêt pratique si son calcul de la superficie foliaire était compliqué. Heureusement, ce n'est pas le cas. Le travail du chef de la section viticulture et oenologie de la station suisse est concret. Il opte pour un critère tout à fait simple : la surface externe du couvert végétal, dont la mesure est à la portée de tous. Pour calculer celle d'une vigne palissée, il suffit de connaître la hauteur du feuillage (H), la largeur de rognage (l) et l'écartement entre les rangs (E). La surface foliaire par mètre carré de sol est égale à (2 H + l)/E. Ainsi une vigne plantée à 2 m, ayant une hauteur de feuillage de 1 m et présentant une largeur de 30 cm, dispose-t-elle de 1,15 m² de feuillage par m² de sol. Elle est apte à porter 9,6 à 11,5 t de raisin par ha. Inversement, une vigne plantée à 2 m et produisant 10 t de raisins par ha doit avoir une hauteur de feuillage comprise entre 0,85 m et 1,05 m si son épaisseur de rognage est de 30 cm. Dans le premier cas, on aura 1 m² de feuillage/kg de raisin. Dans le second, on aura 1,2 m² de feuillage/kg.Lorsque, dans une parcelle donnée, le rapport feuille/fruit est insuffisant, on peut l'augmenter en relevant la hauteur de rognage ou en diminuant la charge par l'éclaircissage. Les deux opérations aboutissent au même résultat.La fourchette annoncée par François Murisier vaut tant que les années sont favorables. Dès qu'elles sont froides et pluvieuses, il faudrait un rapport plus élevé pour compenser le manque de soleil et de chaleur. En cours de saison, si le besoin s'en fait sentir, on peut relever le rapport en supprimant des grappes après la nouaison. En revanche, il est pratiquement impossible de le modifier de manière conséquente en intervenant sur la hauteur de rognage; cela ferait sortir les sarments hors de l'espace palissé et ils ne seraient plus tenus.Une autre façon de se couvrir des risques liés aux années déficitaires est de prendre une marge de sécurité en optant, dès l'installation d'une parcelle, pour un rapport supérieur à 1,2. Pour ce faire, il faut retenir d'emblée une grande hauteur de palissage.De l'avis de François Murisier, c'est ce que font les Alsaciens. Ils palissent haut car leur riesling se trouve à la limite nord de sa zone de maturation. Il est donc exposé à traverser des saisons tardives, ce qu'il réussit d'autant mieux qu'on lui laisse plus de feuilles. A l'Inra de Colmar, Christophe Schneider estime que c'est nécessaire. Selon ce chercheur, le riesling et le gewurztraminer exigent, en Alsace, des rapports feuilles sur fruits d'au moins 1,2 à 1,4 pour achever de bonnes maturations.En revanche, il n'y aurait pas d'intérêt à relever le rapport feuille sur fruit d'un cépage dont la maturation est assurée dans le terroir où il se trouve. A faire cela, ' on pousse à la vigueur ', prévient François Murisier. A faire l'inverse, on favorise la chlorose et on risque l'épuisement des souches. Il y aurait donc un optimum à respecter et il se situerait, en règle générale, dans la fourchette de 1 à 1,2 m² de feuillage par kg de raisin.