Les Charentes d'aujourd'hui, c'est le Languedoc d'il y a quinze ans : ou on se restructure ou on déclinera et de nombreux producteurs resteront sur place et se paupériseront. Mais à la différence du Languedoc, on a ici un beau parachute : le cognac, avec des hauts et (aujourd'hui) des bas. Il génère aussi une faiblesse. Comme il se vendra toujours, il empêche certains, confortablement installés, de se poser la seule question importante : comment mettre en place en Charentes une stratégie à long terme de diversification au-delà du cognac? '.Toutes proportions gardées, on a l'impression de ' vivre l'histoire ' ce 24 mars dans un centre des congrès de Cognac (Charente) archicomble. Ce jour-là, trois organismes locaux de formation (maisons familiales de Matha et de Triac, institut rural de Richemont) organisent un colloque sur ' La diversification de la production viticole en Charentes '. ' Il y a dix ans, il n'aurait pas eu lieu, le principe même aurait dérangé ', explique le président de la commission des débouchés divers de l'interprofession.Plantons le décor : sur plus de 10 millions d'hl de vins blancs produits dans les deux départements (80 000 ha), moins de la moitié est distillée pour élaborer du cognac lors de la campagne 1996-1997. Que devient le reste dans un vignoble où les rendements non limités (cépage à double fin) sont souvent très élevés? En 1996-1997, plus de 1 Mhl vont sur le marché des vins de table et des vins de pays, 1,3 Mhl pour les jus de raisins et 52 000 hl pour le pineau. Le reste est distillé : distillations préventive (733 000 hl) et obligatoire (932 000 hl), les ' autres ' utilisations représentant 2,1 Mhl.Les diversifications, qui ont un marché, sont davantage perçues comme des opportunités que répondant à de véritables stratégies de développement de l'économie viticole locale. ' Nous en avons pourtant besoin, tant sur le plan régional que national, estime un responsable. Les gens sont mûrs, la crise est sévère. Le cognac sera toujours notre fer de lance mais il faut des productions complémentaires pour assurer des revenus plus réguliers. ' Mais la diversification planifiée a un prix : pour planter de nouveaux cépages ou équiper les caves, la région souffrant d'une carence manifeste en la matière. A l'écoute des coûts financiers que cela peut représenter, des frémissements parcourent la salle...' La diversification est une question de mentalité, commente un vigneron qui vend sa propre production de pineau, de vin de pays et de cognac depuis des années. Ici, les producteurs sont surtout des fournisseurs de matière première pour les grandes maisons. Une fois la récolte rentrée, c'est calme. Se lancer dans la vente directe, c'est travailler plus : faire de la bouteille, trouver des clients, les livrer. Il n'y a plus d'horaires et peu de temps pour les loisirs. ' Combien sont prêts à s'y lancer? ' Vendre soi-même, c'est souvent un plaisir mais aussi une sécurité. On n'attend pas qu'un négociant veuille bien de votre récolte. Dans les vignobles où la vente directe est développée, les producteurs ont moins de problèmes que nous. 'Les Charentes sont parmi les vignobles français où l'on trouve le moins de producteurs commercialisant leurs vins : ' Ils sont 500 sur un total de 8 500 producteurs; ce chiffre était de 750 avant les belles années 1989-1990-1991. Certains ont abandonné leur démarche avec la reprise du cognac. Depuis le retour de la crise, le mouvement a repris, essentiellement tiré par le pineau ', explique-t-on à l'interprofession. ' Bien que le vin ait toujours eu mauvaise réputation ici, il y a un créneau à prendre pour le vin de pays : nous sommes une région touristique et ailleurs en France, ce sont des produits qui marchent ', ajoute un producteur.S'il n'y a pas diversification, l'autre solution pour que la région retrouve son équilibre serait l'arrachage. Même à 100 000 F/ha, la pratique a été un échec dans un passé récent. ' Si on avait fait la diversification avant, on aurait limité les dégâts. ' Le temps n'est plus aux regrets.