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La doyenne des appellations en pleine mutation

La vigne - n°88 - mai 1998 - page 0

Délimité en 1757, le vignoble du Douro est aujourd'hui en cours de restructuration. Les règles commerciales évoluent elles aussi avec, notamment, l'interdiction depuis le 1er juillet 1996 d'exporter du vrac.

Le vin de Porto, ou porto, est exclusivement produit dans la région délimitée du Douro, qui s'étend sur 250 000 ha, de la frontière espagnole à 100 km à l'est de Porto, le long du fleuve Douro. Seulement 40 000 ha sont cultivés (soit 16 % de la surface délimitée) par 34 500 vignerons. Mais peu d'entre eux commercialisent directement puisque les maisons mettent 95 % des volumes produits en marché.Historiquement, le vin quittait la vallée du Douro dès le printemps pour rejoindre les chais des négociants situés à Vila Nova de Gaia, qui se trouve en face de Porto, de l'autre côté du Douro. Les vins étaient ensuite expédiés par la mer depuis Porto, ce qui explique qu'ils portent le nom de porto et non de Douro. Le site d'élevage, de conditionnement et de commercialisation était ainsi totalement séparé de la zone de production, très chaude et difficile d'accès.Depuis, les choses ont évolué et la plupart des maisons s'intéressent de près au vignoble qui connaît une vague importante de restructuration. ' Il existe une grande dynamique pour passer d'une agriculture de subsistance à une agriculture rentable ', constate Joao Nicolau de Almeida, directeur de Ramos Pinto, maison récemment rachetée par Louis Roederer, qui commercialise environ 1,3 million de litres par an. La majeure partie du raisin provient de ses quatre domaines répartis dans la vallée du Douro.L'image classique du vignoble du Douro, ce sont les terrasses en pierre suivant les courbes de niveau. L'entretien de ces murs et la culture de la vigne dans ces conditions demandent, on s'en doute, beaucoup de main-d'oeuvre. Mais celle-ci est chère et rare. En effet, les salaires augmentent pour se rapprocher du niveau des autres pays européens et les jeunes quittent les campagnes pour les villes.' Pour faire face à cette situation, il existe deux solutions : mécaniser autant que possible pour augmenter la rentabilité et concentrer nos efforts pour produire des vins de haute qualité qui peuvent être vendus à meilleur prix ', résume Christian Seely, directeur de la Quinta do Noval. Fondée en 1715 et rachetée en 1993 par Axa, cette compagnie commercialise environ 1 M de bouteilles par an. Elle a la particularité d'avoir regroupé ses activités, depuis la vinification jusqu'au conditionnement, dans la vallée du Douro.Pour mécaniser, certains suppriment les terrasses et plantent sur la pente quand elle n'est pas trop importante; d'autres mettent en place des terrasses horizontales avec talus naturel (patamares) où sont plantés, en général, deux rangs entre lesquels un tracteur peut passer. Heureusement, certaines maisons, conscientes de la valeur de ce patrimoine, entretiennent une partie des terrasses traditionnelles. En effet, la plupart des négociants achètent du raisin et du vin mais possèdent aussi une ou plusieurs quintas (domaines) dans le Douro.La recherche de la qualité est beaucoup passée par l'étude des cépages. On en compte plus de 80 qui sont habituellement plantés en mélange. Les observations au vignoble et les microvinifications ont permis de mieux cerner les qualités des variétés les plus intéressantes et la plupart des plantations se font par bloc de cépages avec des vinifications séparées. Parmi les variétés rouges les plus qualitatives, on trouve touriga nacional, touriga francesa, tinta roriz...Le rendement est limité à 55 hl/ha mais l'ensemble de la production ne peut pas, en général, être utilisé pour produire du porto. Chaque année, le comité interprofessionnel fixe les volumes qui seront aptes à produire du porto selon les volumes exportés, les stocks et les perspectives de marché. Cette quantité, appelée ' bénéfice ', est répartie selon la classification des vignes.Le classement des parcelles s'appuie sur de nombreux éléments comme l'altitude, la localisation, la nature du terrain, le mode de culture... A chaque paramètre correspondent un certain nombre de points qui sont totalisés. Mis en place à la fin des années quarante, ce système permet de distinguer six classes de vignoble de A à F : la classe A totalise plus de 1 200 points, la classe F se situe entre 201 et 400 points. Les parcelles de classe A peuvent produire davantage de porto que les classes F. Le vin qui n'est pas utilisé pour le porto peut bénéficier de l'appellation vin du Douro.La vinification du porto se déroule dans la vallée du Douro. La fermentation est interrompue après deux à trois jours à 7°Baumé environ par mutage à l'eau-de-vie. Celle-ci doit être d'origine vinique, à 77 % vol., gustativement neutre et agréée par l'Institut des vins de Porto (IVP). D'importants volumes viennent de France. ' Nous disposons donc de peu de temps pour extraire le maximum de couleur. Et cette étape est d'autant plus importante qu'intervient ensuite une dilution de 20 % avec l'addition d'eau-de-vie ', précise Jorge Manuel Pintao, oenologue chez Poças Junior, compagnie portugaise commercialisant entre 2,5 et 3 millions de bouteilles par an.Traditionnellement, les raisins étaient foulés au pied dans des lagares, cuves de granit d'environ 70 cm de hauteur dans lesquelles le contact entre matières solides et jus est très important. Certaines quintas utilisent ce système pour leur vintage. Sinon, la fermentation se déroule dans des cuves en Inox de faible hauteur avec de fréquents remontages.Les portos sont des vins d'assemblages de cépages, de terroirs ou de millésimes. ' C'est une étape fondamentale de la vinification qui permet de pérenniser le style et la personnalité de chaque maison. Cela nécessite un stock important ', explique Joao Pedro Ramalho, oenologue chez Symington, groupe anglais qui met chaque année en marché entre 15 et 16 Ml de porto.Les négociants sont d'ailleurs obligés, par la ' loi du tiers ', de posséder un stock permanent minimum. Ils ne peuvent ainsi commercialiser qu'un tiers de leur stock.Toute bouteille de porto, mise en bouteille au Portugal, doit porter le sceau de garantie de l'IVP. Celui-ci procède à plusieurs contrôles analytiques et sensoriels. Le premier est réalisé avant embouteillage afin de vérifier que les caractéristiques du vin sont conformes à la catégorie demandée. Il existe, par exemple, des critères stricts pour la couleur. Un deuxième contrôle a lieu pendant l'embouteillage où des échantillons sont prélevés de façon aléatoire. Enfin, des analyses sont réalisées sur des bouteilles déjà dans le réseau de commercialisation.Depuis le 1er juillet 1996, le vin de Porto doit obligatoirement être mis en bouteilles au Portugal, dans le Douro, à Porto ou à Vila Nova de Gaia, ce qui interdit l'exportation de vrac. En principe, cette décision est suspensive mais beaucoup espèrent qu'elle deviendra définitive car elle permet aux professionnels portugais de contrôler la qualité et l'authenticité de tout le porto commercialisé dans le monde.

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