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La conduite en lys

La vigne - n°88 - mai 1998 - page 0

La surface de feuillage est le point faible des vignes larges. Elle est insuffisante pour que rendement et maturité élevés soient conciliables. Le lys, avec ses deux étages de végétation, semble être une façon de lever cet obstacle. Les premiers résultats de ce nouveau mode de conduite sont très encourageants.

Pour l'instant, il s'agit surtout d'une idée. Elle a germé dans l'esprit de professeurs d'agronomie français, italiens et portugais. Elle n'a pas encore pris corps, sauf dans quelques parcelles. Les vignes conduites en lys se comptent sur les doigts de la main. Une à l'Inra de Montpellier, une autre en Corse près d'Aléria, une autre encore dans la région du Vinho Verde au Portugal. La première est trop récente pour livrer des résultats. Les deux autres, en revanche, en fournissent déjà. Et ils méritent que l'on s'y attarde. Au Portugal (voir ci-dessus) comme en Corse, le lys est nettement supérieur au mode de conduite traditionnel auquel il est comparé.Son nom vient de sa ressemblance, certes un peu vague, avec la fleur emblématique des rois de France. Pour la voir, il faut se placer dans le prolongement d'un rang. La partie supérieure de la végétation est conduite dans un plan de palissage normal. Démarrant à la mi-hauteur, la partie basse retombe librement de part et d'autre. On l'aura deviné, ce nouveau mode de conduite ne satisfait pas à des impératifs décoratifs. Il a pour but d'augmenter la surface foliaire des vignes plantées à 2,50 m et plus. Une façon plus simple et plus conventionnelle d'y parvenir serait de palisser plus haut. Mais très vite, les machines sont dépassées. D'où l'idée d'exploiter l'espace qui se trouve entre le sol et le niveau où les vignes sont établies, en y laissant retomber des sarments. Elle n'est pas vraiment nouvelle. Nos professeurs se sont inspirés de modes de conduite traditionnels. Cependant, ils y ont apporté leur propre touche en séparant nettement deux étages au sein d'un même cep. Le premier est un cordon d'où sort la végétation qui s'allonge librement et finit par retomber. Le second, situé 25 à 30 cm au-dessus du premier, est soit un cordon, soit un long bois. Les pousses qu'il émet sont palissées. L'écartement entre les deux étages permet l'éclairement et l'aération des grappes. Elles bénéficient d'un microclimat particulièrement sain.Sans doute est-il à l'origine des résultats enregistrés par Laurent Bourde, le responsable des essais de modes de conduite au Civam de Corse. Après deux campagnes d'observation, il est ravi. ' Ce système nous paraît très qualitatif ', dit-il. L'an dernier, les ceps - des niellucios, un cépage noir local - conduits en lys ont porté les raisins les plus intéressants. Ils étaient plus riches en sucres, en anthocyanes et en polyphénols que les autres. Leurs jus titraient la plus forte acidité totale. Ces raisins sont meilleurs que ceux récoltés sur les ceps palissés de manière classique et à deux hauteurs différentes : 1,50 m et 2,30 m (en partant du sol). Les écarts ne tiennent pas à des différences de rendement. Ils sont équivalents dans les trois modalités (lys, 1,50 m et 2,30 m) : de l'ordre de 10,5 tonnes de raisin par hectare, en données corrigées. La faible maturité sur le palissage bas s'explique aisément. De tous les ceps, ceux écimés à 1,50 m ont la plus petite superficie de feuillage : 5 700 m²/ha. Il est normal que leurs grappes mûrissent moins bien que les autres. Les lys offrent 1 000 m²/ha de plus alors qu'ils sont, eux aussi, portés par un palissage de 1,50 m de haut. Avec 7 500 m²/ha, les pieds écimés à 2,30 m ont le feuillage le plus étendu. Malgré cela, ils ne portent pas les fruits les plus mûrs comme on pouvait s'y attendre. Si ces résultats devaient se confirmer, on pourrait ' augmenter la qualité sans avoir à modifier le plan de palissage, assure Laurent Bourde. 70 % des vignes replantées au cours des dix dernières années l'ont été à 3 m d'espacement et avec 1,50 m de hauteur de palissage. ' Plutôt que d'arracher les vieux piquets ou d'y fixer des rehausses, il suffirait d'établir un second cordon au-dessus du premier, comme l'a fait notre interlocuteur. Ces modifications sont minimes. Au Civam de Corse, elles se sont d'abord soldées par une augmentation de 20 % des rendements. Cette hausse fut enregistrée en 1996, l'année du changement. Il avait alors fallu conserver une très longue baguette, celle qui allait donner le bras supérieur du cep. En 1997, la transformation se traduit par un bond qualitatif. Alors que la hauteur de palissage est de 1,50 m dans les deux cas, le lys est supérieur au mode de conduite classique : 11,5 % vol. d'alcool probable contre 10,3 % vol., 652 mg d'anthocyanes/l contre 458 et un indice de polyphénols totaux (IPT) de 72 contre 54.Les vins n'ont pas encore été rigoureusement dégustés par un jury. Ils devraient l'être prochainement. Laurent Bourde espère qu'ils confirmeront les premières impressions laissées à ceux qui ont déjà eu l'occasion de les goûter de manière informelle.

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