L'élaboration de cuvées au nom d'un lieu-dit permet de différencier et d'étoffer une offre. Il faut respecter des règles précises et, somme toute, logiques pour avoir le droit d'imprimer des noms géographiques, autres que les appellations, sur les étiquettes.
Le recours aux noms de lieux-dits est l'une des façons de désigner des cuvées. Elle consiste à pousser la logique de l'appellation jusqu'à sa source puisque l'on descend à l'échelle de quelques parcelles, toutes situées au même endroit. Il existe d'autres manières de désigner des cuvées. On peut les qualifier de ' prestige ', faire des premiers et seconds vins. On entre là dans une logique de hiérarchisation. Une troisième option consiste à concevoir des étiquettes dédiées à la célébration d'événements. Le but de la manoeuvre est de générer un surplus de vente à l'approche de l'événement, en répondant à l'envie d'une partie des consommateurs de déboucher, le moment venu, les bouteilles adéquates.Les cuvées de prestige ou commémoratives s'élaborent sans contraintes réglementaires particulières. Chacun est libre d'y mettre les vins qu'il veut. Le producteur ou le négociant doivent simplement trouver l'approbation de leur clientèle. Il n'en est pas du tout de même des vins que l'on désigne de noms de lieux-dits.La répression des fraudes l'a rappelé, lors d'affaires récentes : il existe des règles strictes d'élaboration et de déclaration. Il faut que le vin provienne effectivement de l'endroit désigné et pouvoir le prouver. Dans ce but, on mentionne, lors de la déclaration de récolte, la production de la parcelle (ou des parcelles) située dans le lieu-dit que l'on prévoit de revendiquer. Ensuite, on vinifie, on loge et on élève séparément les vins. ' Il est essentiel que la récolte soit vinifiée séparément ', insiste Alain Françaix, de la Direction générale de la répression des fraudes, à Paris.Le nom imprimé sur les étiquettes doit figurer au cadastre en vigueur. Il ne peut pas désigner une zone géographique sans délimitation, ni être tombé en désuétude. En Alsace, quelques opérateurs avaient pris l'habitude d'utiliser des mentions telles que ' côtes du Haut-Koenigsbourg ', ' côtes de Rouffach ', ' vallée noble ' ou ' val Saint-Grégoire '. Ils ont dû y renoncer à la suite d'une intervention des services régionaux de la répression des fraudes. Par ailleurs, il ne peut y avoir de mélange, ni d'apports extérieurs. Cela peut paraître évident, mais une coopérative du Sud-Ouest est poursuivie pour avoir vendu des volumes conséquents de ' domaine du clos du moulin-à-vent ' alors que ce clos était à peine planté de vignes. Il n'est qu'un cas où l'on ne peut pas utiliser un nom pourtant bien délimité : lorsqu'il est porté par une appellation de la même région ou lorsqu'il en est proche. On peut alors être soupçonné de vouloir induire les acheteurs en erreur, en faisant passer le lieu-dit pour l'appellation.Ces règles sont simples. Elles relèvent des mêmes principes que ceux de l'appellation d'origine contrôlée. A condition de les respecter, on peut préciser l'origine d'un vin sur l'étiquette. Sauf en Bourgogne, la taille des caractères n'est pas réglementée. ' Pour éviter toute confusion, notamment avec des marques, nous invitons les vignerons à imprimer, prenons un exemple : ' lieu-dit Les trois fontaines ', si tel est son nom, ajoute Alain Françaix. Une autre option est de préciser dans le texte de la contre-étiquette que Les trois fontaines sont un lieu-dit. ' Et tant qu'à faire, autant décrire le lieu, ses propriétés viticoles et les caractères des vins qui en sont issus. La contre-étiquette peut, en effet, servir à montrer que l'on se situe dans une logique de différenciation plus que de hiérarchisation.Ceux qui développent des cuvées provenant de lieux-dits cherchent avant tout à étoffer leur offre et proposer une diversité de goûts. La contre-étiquette est l'une des voies pour l'expliquer. L'autre, bien plus directe, est la discussion. Lors des dégustations, il faut présenter le style de chaque cuvée. Il doit être perceptible et se reproduire à chaque millésime; faute de quoi, les clients risquent de s'y perdre et de ne voir dans une floraison de noms géographiques qu'une poudre aux yeux visant à instaurer une diversité imaginaire.