Les micro-organismes du sol cachent une extraordinaire diversité. Si certains sont nuisibles, d'autres, au contraire, jouent des rôles clés dans la nutrition des végétaux. Petit zoom sur un monde microscopique et ses différents constituants.
Le sol est un milieu poreux, composé d'une fraction solide, d'éléments en solution et d'une atmosphère gazeuse. La matière organique représente en moyenne 5 % (en poids) de la phase solide du sol. Cette matière organique est elle-même composée de 90 % de matière morte (l'humus au sens large) et de 10 % de matière vivante. La matière organique vivante comprend les racines des végétaux, la faune (vers de terre...) mais aussi les microbes du sol. Si l'importance pondérale des microbes peut apparaître faible, leur rôle est essentiel.Les micro-organismes interviennent au niveau des quatre composantes de la qualité des sols que sont la fertilité, l'état sanitaire, le degré de pollution et la résilience qui est leur aptitude à revenir à leur état initial après une perturbation. Ils influent sur la fertilité de par leur rôle dans les cycles de l'azote, du soufre, du phosphore, du carbone et leur aptitude à structurer les agrégats. Certains micro-organismes peuvent diminuer l'impact des molécules de pesticides en les dégradant. D'autres améliorent l'état sanitaire d'un sol.Dans la terre, on trouve des bactéries, des actinomycètes, des champignons, des algues et des protozoaires. 50 % de la biomasse microbienne environ sont constitués de bactéries. Elles vivent libres ou fixées. Elles peuvent être très actives comme, par exemple, au voisinage des racines. Elles peuvent aussi se trouver prisonnières dans des agrégats quelquefois très anciens et vivre au ralenti. Ces agrégats se sont souvent formés autour d'un débris végétal dont la décomposition a été assurée par les micro-organismes. Ces derniers amélioreraient ainsi les propriétés physiques du sol.Certains micro-organismes vivent en symbiose avec les racines des plantes. Le cas des bactéries qui fixent l'azote dans les racines des légumineuses est sans doute le plus connu. Mais la symbiose la plus répandue est le fait de champignons qualifiés d'endomycorhiziens, qui s'associent avec les racines de nombreuses plantes, dont la vigne, et qui favorisent l'assimilation des éléments peu mobiles comme le phosphore.Le respect de l'environnement est aujourd'hui un souci majeur en agriculture. Pourtant, les traitements phytosanitaires sont indispensables. La vigne n'y échappe pas. Certains micro-organismes sont capables de s'adapter aux pesticides et de réaliser l'essentiel de leur dégradation, lorsqu'ils sont organiques. D'autres rendent le cuivre moins toxique. En ce sens, les microbes participent à l'épuration des sols.Des champignons mais aussi des bactéries du sol sont responsables de dégâts importants. A l'inverse, d'autre améliorent l'état sanitaire du sol. Pseudomonas antimicrobica en est un exemple : certaines souches de cette bactérie sont très actives contre le botrytis.La diversité des micro-organismes dépasse de loin ce que l'on peut imaginer. On estime de 4 000 à 10 000 le nombre d'espèces mais on ne sait en cultiver que 1 à 10 %. Grâce aux techniques modernes de biologie moléculaire, on identifie chaque jour de nouvelles espèces dont la fonction reste mal connue. Cette diversité a un rôle que l'on commence seulement à appréhender. Elle interviendrait au niveau de la résilience d'un sol. Ainsi, si une même fonction est assurée par un grand nombre d'espèces, elle sera moins sensible à une perturbation que si elle était assurée par une seule.La biomasse microbienne est le premier indicateur de la qualité biologique d'un sol. Il s'agit d'une mesure globale du carbone microbien. Elle rend compte du comportement de la totalité de la microflore. La biomasse microbienne peut être exprimée en valeur absolue (en mg de carbone vivant par kg de sol) ou en exprimant le carbone contenu dans la biomasse (en % du carbone total du sol). Cette dernière mesure est plus informative.Les mesures de biomasse microbienne montrent de très larges variations en fonction du sol et des pratiques culturales. Pour un type de sol donné, le niveau est fonction des apports organiques et de l'historique de l'occupation des sols. Les valeurs les plus faibles sont enregistrées dans les vignobles anciens ne recevant pas d'apports organiques. Par ailleurs, on a observé une diminution de la biomasse microbienne lorsque les teneurs en cuivre étaient élevées.Si la production d'un vin de qualité nécessite des conditions de culture plutôt ' stressantes ', la vie microbienne des sols demande le maintien d'un pH et d'un stock carboné corrects. Pour les sols acides, une technique consiste à remonter le pH par chaulage, l'augmentation du pH diminuant la disponibilité du cuivre et donc sa toxicité. Autre possibilité : l'apport d'amendements organiques qui provoquent une détoxification ou une immobilisation du cuivre. Des techniques à base d'enherbement permanent ou temporaire pourraient contribuer à la fois à l'entretien de la réserve humique et à une diminution de la toxicité du cuivre vis-à-vis de la microflore.Il apparaît qu'une bonne gestion de la qualité biologique des terroirs viticoles passe par une meilleure connaissance de la biologie et de l'écologie des sols. Elle passe aussi par une utilisation des traitements phytosanitaires plus raisonnée et plus attentive à leurs effets secondaires. Préserver la qualité des sols doit demeurer une priorité, aussi bien en viticulture qu'en matière de recherche. A Dijon, le laboratoire de microbiologie des sols de l'Inra et l'équipe Géosol de l'université de Bourgogne poursuivent des recherches dans ce domaine.