Les uns après les autres, les verriers français sortent des bouteilles dotées de bagues californiennes. Elles renouvellent le packaging du vin et réveillent l'intérêt du consommateur.
En 1991, la célèbre winerie américaine Robert Mondavi s'adresse à Saverglass, une verrerie française spécialisée dans le flaconnage de prestige. L'entreprise, installée depuis 1887 à Feuquières (Oise), est chargée de concevoir une bouteille permettant aux Américains de tirer parti de la législation qui interdit l'usage des capsules plomb-étain. En 1992, Saverglass livre en Californie 66 000 bouteilles à bague Flange (mot anglais signifiant collerette), créées à partir de la bourguignonne traditionnelle. Elles seront habillées d'une nouvelle manière. Leur bouchon, visible par transparence, est recouvert d'une pastille. A sa base, une bande de papier style cigare entoure le col.Le succès est immédiat outre-Atlantique. Robert Mondavi généralise la nouvelle présentation à l'ensemble de sa gamme de vins de cépages. Compte tenu des volumes nécessaires, les verriers américains s'approprient très vite le marché. Dans le même temps, Saverglass met au point une bague inspirée par celle développée pour Mondavi : la Carnette, qui plaît bien en Israël et en Afrique du Sud.La bague californienne est avant tout un choix d'image, même si quelques adaptations et réglages des chaînes d'embouteillage sont nécessaires. Les cotes des nouvelles bouteilles étant le plus souvent identiques à celles des cols traditionnels, le remplissage et le bouchage ne posent pas de problèmes particuliers. Toutefois, l'utilisation de capsules thermorétractables est pratiquement indispensable. Ce sont les seules qui épousent parfaitement le renflement de ces bagues, dont le diamètre varie de 33,5 à 35,5 mm selon les fabricants et dont la hauteur oscille entre 6 et 8 mm. Quant au prix, il est sensiblement équivalent à celui des bouteilles traditionnelles.Au coeur de la Gascogne, les vignerons de la coopérative de Buzet-sur-Baïse assurent 96 % de la production de l'appellation Buzet. Il y a huit ans, ils ont lancé la marque ' Lys de Buzet ' qui représente aujourd'hui 10 % de la production de la cave et dont le quart est exporté. ' Un vin au bouquet frais et jeune, explique Philippe Malet, responsable du marketing. La bouteille est l'une des composantes de l'image. Depuis deux ans, la bague Flange et la silhouette particulière de la bouteille, fabriquée par Saverglass, ont entraîné un regain d'intérêt pour notre vin. 'Même son de cloche chez Ginestet, maison de négoce bordelaise. Vincent Bonhur, responsable du marketing, reconnaît que le succès de la gamme Anthologie, lancée en 1997 pour le centenaire de la société, est en bonne partie du au flacon fabriqué, en exclusivité jusqu'en juin 1998, par Saint-Gobain Emballage. Une innovation inspirée de la bague Mondavi. Forte de quatre appellations (Bordeaux, premières côtes de Blaye, Lussac Saint-Emilion et Médoc), Anthologie est le fruit d'une étude de marché très poussée révélant l'intérêt du consommateur pour les vins d'' esprit californien ', au packaging novateur. Bordeaux oblige, la bouteille est un remarquable compromis entre modernité et tradition. Mais sur les rayons, sa hauteur dépasse de deux bons centimètres les bordelaises habituelles : une originalité peut-être suffisante pour que l'objectif initial d'un million de cols vendus en trois ans soit déjà dépassé. Les Français devraient acheter 500 000 bouteilles Anthologie en 1998 et les marchés d'Amérique du Nord et d'Asie sont en pleine phase de conquête. Pour adapter sa chaîne à la nouvelle bouteille (4 500 unités/heure), Ginestet a dépensé environ 120 000 F. L'obligation d'utiliser des capsules thermorétractables a nécessité l'installation de cloches à chaleur progressive qui évite toute déformation des mentions imprimées.A Graville, dans un quartier du Havre, Tourres & Cie, verrier depuis 1841. Cette société familiale emploie 250 personnes et réalise 267 millions de francs de chiffre d'affaires. Proportionnellement à sa taille, c'est le premier exportateur français. Le verrier havrais étudie régulièrement de nouvelles bagues pour ses clients étrangers.Céline Maigret, chef de produit, souligne que ' la demande de bagues Flange, California ou Mondavi est croissante ', même si le volume de cette production reste encore modeste. Tourres & Cie a ainsi créé une bague spécifique, dénommée Anzac. Plus épaisse et de diamètre plus important que la Flange, elle confère à des modèles standard, de type Bordelaise ou Bourgogne tradition, une touche ' haut de gamme ' appréciée par les clients en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Israël. En effet, dans ces pays, il est possible de capsuler les bouteilles en collant une simple pastille sur le bouchon, à la place de la capsule de surbouchage et de la Marianne obligatoires en France.' Chez nous, observe Céline Maigret, ces nouvelles bagues ne peuvent intéresser que les grandes entreprises vinicoles. Celles capables de supporter les investissements indispensables pour pouvoir remplir, boucher et capsuler des bouteilles à bague large. 'BSN, pour sa part, crée une bouteille Cépage qui existe en version bordelaise de 300 mm de haut et bourguignonne de 296 mm. Elle possède une bague de 34 mm de diamètre. Elle assure une spécificité visuelle forte aux nouveaux vins de plus en plus demandés par les consommateurs.