La barrique est le siège d'échanges gazeux qui dépendent des conditions de l'élevage. A la suite d'une série d'observations sur site, faites en 1993, et dévoilées récemment, Michel Moutounet, de l'Institut supérieur des produits de la vigne de Montpellier, propose une interprétation de ces phénomènes.
Les cobayes sont deux barriques neuves, contenant un vin de cépages syrah. Les mesures expérimentales commencent six mois après l'entonnage, le temps que la barrique s'imprègne de vin et atteigne un équilibre. D'abord, on suit la consume, au moyen d'une éprouvette graduée surmontant la bonde des barriques. La baisse de niveau dans l'éprouvette donne le volume de la consume. La comparaison de barriques à bonde de verre posée et de barriques hermétiques à bonde frappée, ou à bonde de silicone, montre que la consume est bien supérieure lorsque la barrique n'est pas fermée de manière étanche.On observe également un phénomène surprenant : sur barriques à bonde frappée, le niveau dans l'éprouvette baisse très peu pendant dix à quinze jours et ce n'est que lorsqu'on ouvre le robinet adapté sur la bonde qu'on constate une forte chute du volume, indiquant une consume réelle supérieure à la consume apparente mesurée...Les mesures suivantes concernaient l'établissement d'une pression interne inférieure à la pression atmosphérique dans les barriques hermétiquement fermées. Cette dépression s'installe progressivement et tend à se stabiliser autour du septième-huitième jour. Et son intensité varie d'une barrique à l'autre, de 0 à 180 millibars dans les cas extrêmes. Cette dépression est suffisamment élevée pour avoir une action mécanique sur les barriques.La troisième étape a consisté à observer la barrique ' à la loupe ', en plaçant des capteurs de déformation dans les zones susceptibles de se déformer. En conclusion, les déformations les plus importantes ont lieu à la liaison fond-coque, particulièrement sur la partie supérieure des fonds qui ne subit pas la pression du poids du vin comme la base de la barrique. Elles sont supérieures aux flexions des fonds et des douelles. La zone interdouelle est la moins sujette aux déformations, ce qui paraît logique puisque c'est déjà la plus contrainte à la suite du cerclage. Dans l'expérimentation, on constate que sous une dépression de 135 mbar, la contraction de la barrique résultant de l'ensemble de ces déformations représentait un volume de 190 ml. Lorsque la dépression se crée dans la barrique, elle provoque une ' contraction ' de celle-ci, qui limite l'apparition d'un creux malgré la perte de vin. Ainsi, à consume égale entre une barrique étanche, où s'est créée une dépression, et une barrique à bonde de verre, le creux (donc la surface de contact entre vin et ciel gazeux) est plus important dans la barrique à bonde de verre.Devant ces résultats, Michel Moutounet a supposé que ces zones de déformation privilégiées seraient les plus favorables au transfert, et donc à l'évaporation. Il s'est livré à l'expérience suivante : une barrique a été remplie d'eau, initialement froide (12°C) et portée à 42°C par injection de vapeur. La diffusion de chaleur vers la surface de la barrique a été visualisée par caméra infrarouge (voir photos). La partie supérieure de jonction fond-coque apparaît rouge; c'est la zone de transfert de chaleur privilégié. Toutes les autres parties de la barrique se réchauffent beaucoup moins. Cette observation confirmerait donc que l'évaporation a lieu dans la masse du bois et par des zones de jonction, mais qui sont situées entre fonds et coque, et non pas entre les douelles comme on le pensait...Par ailleurs, si on applique une dépression lors de cette même expérience, cette zone rouge apparaît moins marquée (voir photos). On suppose que la dépression crée des contraintes qui augmentent la résistance au transfert et rend plus difficile l'évaporation au travers de cette zone.Cette dernière observation permet d'expliquer la mise à l'équilibre du système lors de la consume : dans un premier temps, l'évaporation par la jonction fond-coque et dans la masse du bois crée une dépression dans la barrique, mais cette dépression augmente les contraintes sur la zone d'évaporation, qui devient moins perméable, et l'évaporation se ralentit. D'autre part, si on poursuit la comparaison bonde de verre-bonde frappée, une différence remarquable existe dans la composition du ciel gazeux. La bonde de verre freine peu les échanges gazeux, donc la composition du ciel gazeux est proche de celle de l'atmosphère : environ 20 % d'oxygène, ou un taux légèrement inférieur puisque celui-ci est dissout et consommé par le vin. En revanche, dans les barriques à bonde frappée, Michel Moutounet a prélevé et analysé le ciel gazeux et a relevé des proportions d'oxygène comprises entre 5 et 9 %.En résumé, dans les barriques fermées hermétiquement capables de supporter une dépression, le volume du creux est moins important et le ciel gazeux au contact moins riche en oxygène. Lorsqu'on débonde, le creux observé résulte de la 'décontraction' de la barrique: il n'est pas indicatif du contact du vin avec l'air jusqu'à ce moment. Ainsi serait-il possible d'espacer les ouillages sans risque d'oxydation pour le vin. Michel Moutounet précise que si 300 ml s'évaporent en dix jours avec une bonde de verre, on n'obtient une consume équivalente qu'au bout de trente jours avec une bonde silicone.L'utilisation de ces conclusions pour la maîtrise des fréquences de ouillage est malgré tout hasardeuse, puisque le comportement individuel des barriques est très hétérogène : toutes ne développent pas de dépression (défaut d'étanchéité, aptitude limitée à la déformation). Pour appliquer ces observations, il faudrait pouvoir tester la tenue à la dépression de chaque barrique.