L'hébergement collectif des travailleurs saisonniers est soumis à de nombreuses contraintes. Ces dernières sont légitimes pour des longs travaux. Elles le sont nettement moins pour de courtes durées, comme les vendanges.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? L'arrêté du 1er juillet 1996 sur les modalités d'hébergement des travailleurs saisonniers a laissé perplexe plus d'un vigneron. Une chambre de 9 m² minimum pour un premier occupant et 7 m² par vendangeur supplémentaire... De nombreux citadins signeraient pour avoir un tel espace! Comme souvent, cette réglementation partait d'une bonne intention : garantir des conditions de vie décentes aux saisonniers. Mais comme toujours, les réglementations unilatérales n'ont pas pris en compte certaines spécificités, telles les vendanges, et se révèlent parfois inapplicables.' Un arrêté sur le logement des saisonniers agricoles peut se comprendre dans les régions qui employaient auparavant de la main-d'oeuvre locale qui, maintenant, n'existe plus, estime un vigneron. Pour la viticulture, cette réglementation n'était pas nécessaire car nous avons une vocation d'accueil des vendangeurs depuis longtemps. Nos structures sont adaptées. ' Si personne ne conteste l'obligation d'être strict sur l'hygiène et un certain confort de vie, peu de vignerons sont en mesure d'être aux normes sur tous les critères. Or, pour une à deux semaines de vendanges, une mise en conformité n'est pas envisageable économiquement. D'autant que le logement est souvent gratuit - c'est le cas dans le Beaujolais ou en Champagne - ou très accessible : 4,86 F/nuit en Alsace.L'arrêté prévoit que si la durée du séjour n'excède pas 12 jours, des dérogations peuvent être envisagées par l'inspecteur du travail agricole. Pour un travail inférieur à un mois, l'inspecteur du travail peut autoriser le logement sous tente, avec certaines conditions d'équipement. La position syndicale des différents vignobles est à peu près similaire. Certes, l'arrêté est inadapté et les négociations avec les préfets, l'inspection du travail et les ministères sont fréquentes. Mais globalement, les administrations locales sont compréhensives quant à l'inadéquation des exigences pour les vendanges. Les contrôles existent (19 dans la Marne en 1997) et sont souvent réalisés intelligemment. Reste qu'aucun vigneron n'est à l'abri d'un inspecteur zélé!Comme le précise un vigneron du Beaujolais, ' globalement, cela se passe plutôt bien avec l'Administration. Mais nous restons toujours sur le qui-vive. Il n'est pas satisfaisant de fonctionner avec des dérogations qui dépendent du bon vouloir des inspecteurs. Il serait préférable d'avoir un arrêté applicable sans dérogation possible. Quelle perte d'énergie et d'argent pour réglementer six à sept nuits! 'L'objectif des syndicats de vignerons vise donc à apporter plus de souplesse à cet arrêté. Le syndicat des vignerons de Champagne a de nouveau abordé le sujet avec le ministre de l'Agriculture début juillet.Cet arrêté, à l'instar de nombreux autres, génère des dérives plus graves que les dérapages qu'il voulait contrecarrer. Les ' vendanges à la grande journée ' se développent : les vendangeurs ne sont ni logés ni nourris. S'ils ne sont pas de la région, ils dorment dans des tentes ou des caravanes, souvent au bord des routes et dans des conditions d'hygiène rarement optimales. Le recours aux gens du voyage connaît aussi un petit essor. En Champagne, ils seraient environ 2 000 sur 80 000 vendangeurs. Des chômeurs commencent aussi à s'organiser. Ils forment un groupe et propose à un vigneron de vendanger ses vignes à tâche en s'occupant eux-mêmes de leur repas et de leur logement. Ces chômeurs habitent souvent les villes proches des vignobles.A l'heure actuelle, la tendance reste à une prise en charge totale des vendangeurs. Dans le Beaujolais, ce taux serait de plus de 90 % pour un total de 40 000 vendangeurs. En Champagne, 70 à 75 % des vendangeurs seraient logés et nourris. Ces deux régions où la machine à vendanger est interdite, disposent d'une marge de manoeuvre assez réduite. En effet, elles ne bénéficient pas d'une main-d'oeuvre locale suffisante, contrairement à d'autres régions comme l'Alsace. Quand aux vendanges tardives, elles n'entrent pas vraiment dans le cadre de l'arrêté puisque les vendangeurs viennent des villages voisins.Les vignerons restent sur leurs gardes face à cet arrêté déconnecté des réalités du terrain. Pour certains, cela menace le côté convivial et festif des vendanges. Dommage, à l'heure où les confréries et autres fêtes viticoles retrouvent de l'ardeur!