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Les vignerons rassurés sur leur fertilité

La vigne - n°90 - juillet 1998 - page 0

Une étude épidémiologique lourde : 976 questionnaires dépouillés, 4 500 km parcourus en 1996 pour des collectes de sperme. Les premiers résultats viennent d'être présentés : aucune différence significative de fertilité entre les populations exposées et non exposées aux produits phytosanitaires n'a été démontrée.

L'inquiétante baisse de la fertilité, constatée ces dernières années, fait depuis 1995 l'objet d'un projet de recherche européen. Plusieurs pays se sont répartis des travaux sur des facteurs de risques potentiels : le plomb, le benzène, le polystyrène et autres plastiques, et les produits phytosanitaires, étudiés en France et au Danemark.Dans l'Hexagone, le vignoble alsacien est passé le premier sous le microscope des chercheurs de l'Inserm et de l'hôpital de Strasbourg. Ils ont collaboré avec les MSA du Haut et du Bas-Rhin pour la première partie de l'étude, qui est rétrospective, par le biais de questionnaires transmis à 1 326 vignerons. Les couples étaient interrogés sur le délai nécessaire pour concevoir leur dernier enfant (temps entre l'arrêt volontaire de la contraception et le début de la grossesse) et sur l'exposition du mari aux pesticides pendant cette période. Sur les 362 questionnaires utilisables, les réponses ont permis de distinguer un groupe de 142 vignerons qui se déclaraient exposés aux pesticides pendant la période où ils essayaient d'avoir un enfant et un groupe de 220 personnes non exposées.Le traitement des réponses n'a pas montré d'augmentation du délai nécessaire pour concevoir sur la population exposée. Le deuxième volet de l'étude, en collaboration avec 31 volontaires, est fondé sur des analyses de sperme et de cheveux avant et après la campagne de traitement. La population témoin était constituée de 25 vignerons exposés et 6 qui ne l'étaient pas. Les médecins n'ont pas relevé de différence significative entre les caractéristiques du sperme (volume de l'éjaculat, nombre de spermatozoïdes) avant et après la campagne, ni avec la population témoin.L'étude danoise, qui portait sur trois populations (agriculteurs traditionnels, biologiques et ouvriers de serres), aboutit aux mêmes conclusions, bien que les matières actives utilisées soient différentes. Voilà donc des résultats rassurants pour la profession alsacienne qui s'était engagée dans ce pari, conscients des risques pour leur image de marque si la conclusion avait été opposée... Une constatation annexe, qui achèvera de les satisfaire, est que la population de vignerons volontaires surpasse, en nombre moyen de spermatozoïdes par éjaculat, celle des donneurs de la banque de sperme. Sur ces derniers, principalement des hommes du milieu urbain (Strasbourg et Mulhouse), la production de spermatozoïdes baisse depuis une vingtaine d'années.Les médecins gardent pourtant quelques réserves. D'abord parce qu'un certain nombre des produits utilisés ont été retrouvés, parfois deux ou trois mois après utilisation, dans la matrice des cheveux qui capte les substances du sang et de la lymphe.Les médecins ont mis l'accent sur la vinclozoline (antibotrytis, matière active du Ronilan par exemple) dont on a déjà prouvé l'action perturbante, du fait de sa similitude avec certaines hormones sexuelles. Ensuite, pour l'interprétation des résultats, il faut tenir compte des limites de l'étude : la population test n'est pas forcément très représentative. Ne s'agit-il pas de personnes déjà sensibilisées à la nocivité des produits phytosanitaires, qui traitent de façon raisonnée et limitent les pratiques à risque? Par ailleurs, en Alsace, on traite moins que dans d'autres régions viticoles françaises, dans lesquelles les résultats seraient peut-être différents. Ensuite, vu le nombre de matières actives utilisées (64 dénombrées dans les questionnaires), seul l'effet global est pris en compte alors que certains produits pourraient avoir des effets individuels notables. Les modes de contamination, encore mal connus, restent également à étudier.Ce type de travaux sera reconduit mais cette fois-ci, les chercheurs pensent s'intéresser à une population beaucoup plus exposée, telle que les ouvriers des bananeraies qui utilisent moins de matières actives mais en plus grande quantité et sur lesquels des cas de stérilité ont déjà été constatés, au Costa Rica par exemple.

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