Les foires aux vins d'automne constituent un rendez-vous incontournable pour la filière du vin. Elles représentent souvent 30 à 40 % du chiffre d'affaires annuel du rayon des vins, grâce à une offre élargie à de nombreux produits de petits domaines.
Elles débutent début septembre, se terminent fin octobre et durent environ quinze jours : les foires aux vins d'automne font de plus en plus d'adeptes chez les consommateurs, les distributeurs et les vignerons. L'offre est croissante, avec une place plus importante pour les vins des régions traditionnellement moins bien représentées. L'inflation du prix des vins bordelais renforce cette tendance, déjà perceptible à l'automne dernier.Les foires aux vins bénéficient d'une belle réputation. Il n'est donc pas ' déshonorant ', pour les réfractaires à la grande distribution, d'y participer. Elles sont même l'occasion d'aborder ce circuit de distribution méconnu et parfois diabolisé. D'autant que les acheteurs et les chefs de rayon n'adoptent pas nécessairement la même attitude pour les foires aux vins que pour leur rayon permanent (' fond de rayon '). En effet, la fidélisation de la clientèle représente le premier objectif d'une foire aux vins. C'est d'ailleurs pour cette raison que les enseignes développent, la veille, une soirée réservée à leurs meilleurs clients. Ces derniers ont ainsi accès avant les autres aux vins intéressants et peuvent déguster.La politique des chefs de rayon consiste donc à proposer une offre large avec des prix attractifs. ' Nos marges ne sont pas très élevées lors des foires aux vins, précise le chef du rayon liquide d'une grande enseigne nationale. Elles se vont de 5 à 15 % alors que dans l'année, ce rayon dégage une marge comprise entre 20 et 30 %. ' Un responsable de secteur ajoute : ' Les foires aux vins, c'est uniquement une opération d'image. Mais en interne, cela nécessite énormément de travail avec, à la clef, un réel risque d'échec '. Conclusion, les négociations sont en général moins difficiles que d'ordinaire. Friands de vins de propriétaire, les distributeurs sont obligés de composer. Le rapport de force devient alors équilibré.Il existe plusieurs façons d'aborder les distributeurs pour participer à une foire aux vins. La plus courante, pour les vignerons dont le volume est suffisant, consiste à passer par un intermédiaire spécialisé dans ce circuit. ' Cette démarche permet d'optimiser les compétences de chacun, explique un producteur angevin. Tout seul, j'aurais peu de chances d'obtenir un entretien car les acheteurs sont très sollicités. De plus, mon agent connaît tous les acheteurs. Si l'un d'entre eux fait faux bond, il proposera mon vin à une autre enseigne. ' La société de négoce envoie ses propositions aux distributeurs en début d'année, soit six à huit mois avant la foire.' En février, nous faisons nos offres (vins et volumes) aux centrales d'achat, précise Stéphane Kaci, PDG de Vignobles et domaines dans le Rhône. Nous savons fin mai quelles références sont retenues, mais sans connaître les volumes. En juin, les chefs de rayon passent leurs commandes à leur centrale et nous sommes avisés des volumes achetés début juillet. Parfois, nous bloquons 30 000 bouteilles et seulement 3 000 sont commandées. D'autre fois, et c'est encore plus gênant, la commande peut être deux à trois fois supérieure à l'offre première! 'Jacques Balland, chef du rayon liquide chez Leclerc à Saint-Orens (Haute-Garonne), explique les différentes étapes de la sélection de son enseigne : ' Notre centrale, la Socamil, reçoit l'ensemble des fournisseurs pour étudier leurs propositions de prix et d'animations. Cette première sélection retient 2 000 à 2 500 échantillons, qui sont dégustés par la commission ' Dégustation ' composée, entre autres, de sommeliers et d'oenologues. Il reste alors 400 à 450 références parmi lesquelles les chefs de rayon de la région feront leur choix. 'Il est toujours possible de participer à une foire aux vins au mois de juillet-août pour un référencement local. Cela présente l'avantage de pouvoir réajuster ses stocks quand ceux-ci deviennent pesants. Les distributeurs sont également à l'affût de ces ' coups ', les producteurs étant alors obligés de faire un effort sur les prix. Un vigneron isolé peut lui aussi tenter sa chance mais uniquement sur un ou deux magasins. Il entre alors dans le petit pourcentage du référencement local. Cette part varie selon les enseignes et peut atteindre 10 % de l'offre.' Je conseille aux petits producteurs de se faire connaître dès janvier ou février s'ils travaillent sans intermédiaire, précise le chef de rayon d'un hypermarché. La meilleure démarche consiste à nous envoyer une offre, accompagnée d'un échantillon par bouteille proposée. Pour avoir des chances d'être remarquée, cette offre doit présenter quelque chose qui la démarque. Cela peut être une médaille, une citation dans un guide ou une revue, ou encore un mode de culture particulier. Il faut absolument un plus qui aide à vendre. ' Il faut aussi proposer un volume minimum aux distributeurs. Pour un gros hypermarché (plus de 10 000 m²), 1 000 bouteilles semblent être le seuil minimal. Pour un petit magasin, le volume minimal peut être de 50 à 100 bouteilles.Les parutions sur catalogue font aussi l'objet de négociation. Mais là encore, la règle du jeu des foires est particulière. ' Le vin ramène déjà beaucoup moins de budget (NDRL : de participation financière aux prospectus et animations) que les autres références puisque notre marge s'effectue sur les vins eux-mêmes, témoigne un chef de rayon. Ce n'est pas le cas pour les références basiques et incontournables où notre marge est quasiment nulle. Sur ces produits basiques, notre bénéfice s'effectue grâce aux animations, prospectus et tête de gondole. ' Les grandes enseignes nationales demandent en général 2 à 3 % de budget sur le prix net. Les intermédiaires le savent et les intègrent dans leurs propositions.A l'interface entre les vignerons et les distributeurs, les grossistes perçoivent une réelle évolution des mentalités de part et d'autre. ' Les distributeurs sont de plus en plus connaisseurs, témoigne l'un d'entre eux. Ils intègrent des oenologues et des sommeliers dans leurs équipes. La négociation ne se fait donc plus uniquement sur les prix et le dialogue devient plus professionnel. Les vignerons sont conscients des parts de marché croissantes de la grande distribution et font preuve de plus d'ouverture. D'autant que les distributeurs sont de bons payeurs, à soixante-quinze jours après enlèvement. Cette sécurité n'est pas négligeable. '