Au Portugal, la levée de liège a commencé en juin. Mondialement, la demande de bouchons étant forte, on espère une bonne récolte pour répondre aux besoins. De leur côté, les bouchonniers français sont de plus en plus présents sur place, au sein d'une filière en voie d'intégration.
Le Portugal est le premier producteur mondial de liège. La levée (écorçage de l'arbre) est un moment fort. En cette mi-juin, les équipes sont au travail, retardé cette année par la pluie du printemps. Cela durera jusqu'en août. C'est autour de Lisbonne et dans le sud du pays (région de l'Alentejo) que se trouvent les forêts de chêne-liège alors que le millier de PMI qui le travaillent (la filière emploie 15 000 personnes) sont basées à 300 km de là, près de Porto, au nord du pays.La filière du liège - et donc le marché du bouchon - n'est pas très transparente : entre ceux qui écorcent l'arbre et les bouchonniers qui approvisionnent les vignerons, les intervenants peuvent être nombreux (pour tout le détail sur le processus de fabrication, voir La Vigne de septembre 1997, p. 50). Mais le professionnalisme gagne du terrain, notamment via l'intégration des étapes et des regroupements d'entreprises. ' Notre réputation n'est pas bonne, surtout en raison des goûts de bouchon, même si beaucoup ne sont pas imputables au liège, reconnaît un bouchonnier local. Nous travaillons pour limiter les risques et devenir irréprochables. ' Vu l'activité, nombre d'usines travaillent en 3 × 8. A lui seul, le groupe Amorin aurait la moitié du marché.' Depuis plusieurs années, la demande mondiale de bouchons en liège augmente de 10 % par saison, explique-t-on chez Silva, entreprise familiale employant une centaine de personnes. Concernant notre approvisionnement en forêt, on constate une hausse moyenne de 20 % par an depuis trois campagnes. La tendance est à la spéculation et à la course pour se fournir. On peut craindre que certains, malgré la loi qui impose six mois de repos pour les planches après la levée, ne les tubent trop rapidement. La qualité pourrait s'en ressentir. 'Avec des programmes d'aide de l'Union européenne, on assure que le Portugal peut doubler sa production de liège d'ici à cinquante ans, ce qui serait rassurant pour l'avenir.' Au niveau du marché, nous ne pouvons répercuter toutes les hausses à la source sur le produit final, nos clients ne comprendraient pas, surtout dans des pays où l'inflation est jugulée ', renchérit un collègue. La solution? Les gains de productivité (trieuses électroniques...) et l'utilisation maximale de la matière première.' Le marché et donc notre métier se diversifient ', explique le bouchonnier bordelais Ducasse qui se rend fréquemment au Portugal. A côté des traditionnels bouchons de liège, on voit maintenant se développer d'autres catégories de produits très techniques. Le colmaté, le bouchon mixte, dénommé aussi ' 1 + 1 ', dont le marché explose en France (le coeur est en aggloméré avec deux disques de liège aux extrémités), le tout aggloméré, ou le ' collé ' : une planche de liège trop fine pour être tubée est coupée en deux et recollée sur elle-même; le bouchon, tout en liège naturel, est composé de deux parties (dans le sens de la longueur).' Les déchets de liège, transformés en granulats, servent aussi pour l'isolation, l'ameublement ou des objets décoratifs dont les pays scandinaves sont friands, ajoute-t-on. Le liège, c'est comme le cochon, rien ne se perd! 'D'après les chiffres de la Fédération française des syndicats du liège, onze milliards de bouchons en liège sont utilisés dans le monde, dont 30 % en France, sur un marché très atomisé. Les bouchonniers hexagonaux sont de plus en plus présents au Portugal : ' Comme toujours, l'idée est de maîtriser notre approvisionnement, explique l'un d'eux, mais malgré tous nos efforts, personne ne peut dire qu'il y arrive à 100 %. ' Au niveau de cette présence, Prêteux-Bourgeois, installé près d'Orléans, a par exemple le bouchonnier Silva comme partenaire local; Trescases (150 MF de chiffres d'affaires), installé au Boulou (Pyrénées-Orientales), construit aussi une usine près de Porto.On investit dans des unités de fabrication mais rarement dans les forêts : savoir qu'il faut attendre 40 ans pour obtenir la première levée de liège ' bouchonnable ' en fait reculer plus d'un (un arbre est écorcé une douzaine de fois durant son existence de quelque 150 ans).' On ne gagne pas sa vie à se battre sur les prix des bouchons bas de gamme, explique Michel Trescases. Or, le marché, français en particulier, s'oriente vers ce segment, même s'il y a toujours un gros besoin pour les produits top. '' Le prix d'un bouchon varie de moins de 10 c (les agglomérés) à plus de 3 F l'unité, ajoute le directeur de Prêteux-Bourgeois. Les marchés sont bien distincts. Le prix des autres matières sèches (bouteilles, étiquettes, capsules) étant peu élastique, beaucoup comptent sur le bouchon pour réduire leurs coûts de production. C'est un tort : c'est le seul produit vivant en contact avec le liquide. '