Le pressoir, seul engin d'importance nécessaire jadis au vigneron, est aussi vieux que la vigne cultivée. Pendant deux millénaires, jusqu'en plein XIXe siècle le plus souvent, on a utilisé le grand pressoir à levier qui subsiste aujourd'hui dans les musées.
Jusqu'à la Révolution, le vigneron possède rarement son pressoir, d'une part parce que la banalité de pressoir existe dans la plupart des provinces et qu'il doit utiliser, moyennant redevance, le pressoir seigneurial; d'autre part, parce que l'engin est si coûteux à construire, à cause de sa taille et du bois qui est nécessaire, qu'il est impossible qu'il puisse en posséder un.Les comptes des abbayes et des seigneuries sont remplis des dépenses effectuées pour construire et entretenir les grands pressoirs à levier. On peut encore en voir à Chenôve, au Clos de Vougeot (Côte-d'Or), sur la grande terrasse du Crève-Coeur, à Guentrange, près de Thionville (Moselle), à Mousseaux (Yvelines), sur les bords de la Seine, où la duchesse de La Roche Guyon possédait des dizaines de ces monuments.Très anciens, ces pressoirs ont été maintes fois réparés. Souvent, la vis cassait, la grande roue se déjantait, les jumelles pourrissaient dans les lieux humides, la maçonnerie se disloquait. Aussi est-il difficile de leur donner un âge précis. Même si certaines parties portent des dates très anciennes, même s'ils sont attestés dans les mêmes lieux depuis les XIIe ou XIIIe siècles, il est raisonnable d'avouer que nous les connaissons dans l'état où les ont vus les vignerons du XVIIIe siècle. A cette époque, la construction d'un pressoir à levier coûte de 2 000 à 3 000 livres, une bonne dizaines d'années de salaire pour un ouvrier agricole. Certaines années, les réparations portées dans les comptes représentent 300 à 500 livres. Le pressoir à levier, déjà connu vers le milieu du Ier siècle avant J.-C., est composé d'une table carrée (la maie ou matis) de 2 à 4 m de côté, montée sur un bâti de charpente et de maçonnerie à 1 ou 1,50 m du sol. Sur cette maie, on dépose les raisins foulés (rouge) ou les raisins intacts (blanc). Dans ce dernier cas, on les enveloppe souvent d'une toile pour qu'ils ne giclent pas sous la pression. La maie est inclinée de façon à permettre l'écoulement du jus; une rigole en fait le tour qui s'ouvre d'un côté par un petit canal déversoir, la goulotte. Sous la goulotte est placé le cuveau qui reçoit le jus ou le vin, cuveau appelé barlon en Champagne.La maie est ceinturée par quatre grands montants verticaux, parfois ancrés à 5 m de profondeur; ceux de l'arrière du pressoir s'appellent les jumelles, ceux qui sont le plus près de la vis, les contre-jumelles. Percées de mortaises pour faire coulisser des aiguilles horizontales à différentes hauteurs, jumelles et contre-jumelles soutiennent l'arbre ou levier, dont une extrémité repose sur une traverse arrière, tandis que l'autre extrémité est reliée à une vis souvent faite de bois de cormier.Le levier peut mesurer 10 m de long. Il est fait de deux ou quatre poutres de chêne liées ensemble, poutres qui peuvent avoir jusqu'à 70 cm de section. Un tel arbre pèse 6 t; c'est lui qui va presser les raisins sur la maie, par l'intermédiaire de madriers appelés aiguilles, marcous ou marres, qui portent sur le marc. Pour cela, le levier, grâce à un gros écrou de bois fixé à son extrémité, est en prise avec la vis qui le traverse. Cette vis est associée à une grande roue horizontale, de 2 à 3 m de diamètre, située à environ 1 m au-dessus du sol.Grâce à des tenons fixés sur la jante, une douzaine d'hommes peuvent la manoeuvrer sous la direction du prévôt. Pour que la vis ait de la stabilité et ne remonte pas, entraînée par la force exercée, elle est ancrée, par le bas dans une fosse, à une énorme pierre pesant 2 à 3 t qui sert de contrepoids. Cette fosse peut avoir 3 m de profondeur. La vis est généreusement graissée car elle est soumise à un énorme effort de torsion puisque le levier s'abaissant et tendant vers l'horizontale, il a une longueur apparente plus grande.Un tel engin permet d'obtenir 20 à 25 hl à chaque pressée (jus blanc), moins s'il s'agit de marcs rouges déjà égouttés. A Chenôve, l'un de ces pressoirs, remis en service depuis 1987, permet de célébrer à l'ancienne la fête de la pressée.