Les activateurs peuvent aider à prévenir ou à résoudre certains cas de fermentation languissantes. Mais cela n'en fait pas des remèdes universels à tous les problèmes.
Sur les millésimes 1996 et 1997, nous avons rencontré peu de problèmes fermentaires. Les analyses des moûts ont montré qu'ils étaient naturellement bien pourvus en azote. Existe-t-il un lien? Sûrement mais cela ne doit pas être la seule explication et nous manquons encore de recul dans nos observations pour affirmer quoi que ce soit ', constate Bertrand Daulny, responsable du centre technique de l'interprofession du Centre-Loire.En Bourgogne et en Touraine, si les fermentations se sont bien déroulées en 1997, des difficultés ont encore été rencontrées en 1996. L'acidité des moûts est avancée comme l'un des facteurs responsables. ' Pour soigner un mal, il faut en connaître la cause, rappelle un oenologue. Or, l'une des caractéristiques des arrêts de fermentation, c'est qu'il n'existe pas un mais plusieurs facteurs. Une fois les problèmes cernés, on arrive en général à les résoudre. Mais parfois on ne trouve aucune explication car rien ne manque dans le moût. Dans ce cas, il ne sert à rien d'ajouter des activateurs. 'Les activateurs de la fermentation alcoolique se répartissent en deux catégories : les véritables activateurs et les désinhibiteurs. Dans le premier groupe se trouvent la thiamine, qui est un facteur de croissance des levures, le phosphate diammonique, le sulfate d'ammonium, le sulfite d'ammonium et le bisulfite d'ammonium qui sont autant de sources d'azote. Les désinhibiteurs agissent, eux, en fixant des inhibiteurs de la fermentation alcoolique que sont les acides gras à chaîne moyenne (C8, C10, C12). Des écorces de levure peuvent remplir ce rôle. Les levures inactivées ne sont pas explicitement autorisées par le règlement communautaire et en ce sens devraient être considérées comme interdites. Mais certains les assimilent à des écorces de levures. Les préparations disponibles dans le commerce sont souvent composées de plusieurs des éléments cités ci-dessus en proportions variables. ' A mon avis, ce n'est pas très judicieux dans la mesure où ces différents produits ne sont pas forcément à apporter au même moment, considère un oenologue. La thiamine, par exemple, doit être apportée au début de la fermentation. L'azote, en revanche, doit être ajouté à mi-fermentation. '' Les activateurs de fermentation ne sont efficaces que si le moût est carencé car ils répondent à un problème précis. La difficulté est que l'on ne le sait pas à l'avance. Il y a donc deux attitudes : celle qui consiste à prendre les devants et à ajouter des activateurs ' au cas où ', celle qui revient à intervenir en curatif une fois la fermentation arrêtée ou très ralentie, ce qui est assez difficile. Aucune des solutions n'est véritablement satisfaisante ', reconnaît un oenologue. En attendant la découverte d'un marqueur fiable de la fermentescibilité des moûts, on s'appuie sur les antécédents d'un domaine ou d'un cépage, sur les caractéristiques d'un millésime pour décider l'apport ou non d'activateurs.OEnologue en Alsace, Arnaud Immele observe des arrêts de fermentation assez fréquents sur les cépages blancs aromatiques. ' Des débourbages sévères sont nécessaires pour assurer la finesse aromatique. Pour agir en préventif, l'aération, suivie d'un ajout d'azote à mi-fermentation, donne des résultats intéressants. En curatif, l'apport d'écorces de levures est assez satisfaisante car le débourbage appauvrit le moût, non seulement en azote mais aussi en éléments susceptibles de fixer les inhibiteurs. 'Tous les oenologues interrogés confirment que l'ajout d'azote à l'encuvage ne sert à rien. On constate aussi que l'oxygénation du moût au début de la fermentation - par injection dans la cuve plutôt que par pompage pour éviter la formation de mousse - permet de résoudre bien des problèmes.' Depuis deux campagnes, nous suivons de près les arrêts de fermentation. L'analyse des moûts ne fait apparaître ni carence en azote, ni concentration anormale en acides gras à chaîne moyenne dans le cas de moûts bloqués. L'enquête montre par ailleurs que les pratiques oenologiques de base ne sont pas souvent respectées. Par exemple, deux tiers des vignerons n'aèrent pas les moûts. Lorsque survient un arrêt de fermentation, plusieurs facteurs interviennent comme le manque d'aération et/ou le non respect du protocole de réhydratation des levures sèches activées en termes de température, de durée, de quantité de sucre dans le milieu. On trouve aussi des problèmes liés à la non adaptation des techniques à un nouveau matériel. Quand on passe à un pressurage pneumatique par exemple, on obtient un jus plus clair. Il faut réduire le temps du débourbage. Et si le débourbage est trop sévère, il vaut mieux remettre des bourbes fines que des activateurs de croissance ', explique Christine Monamy, de l'interprofession bourguignonne.Des travaux réalisés par Michel Feuillat, à l'institut Jules Guyot à Dijon, montrent l'intérêt d'activateurs d'origine levurienne qui, ' contrairement aux sels ammoniacaux actuellement autorisés, cumulent l'effet de supplémentation par apports d'azote assimilable, de polysaccharides et d'acides gras à longue chaîne et l'effet détoxifiant avec la présence de levures inertées et de cellulose '. Il a aussi été démontré que les levures inertées présentes dans les préparations testées n'apportaient aucun nutriment dans le milieu, se contentant d'adsorber des inhibiteurs. Pour le moment, ces produits ne sont pas commercialisés mais l'OIV (Office international de la vigne et du vin) a émis un avis favorable.