La dévitalisation des vignes est l'une des armes pouvant être utilisées pour lutter contre le court-noué. Un procédé de plus en plus répandu, tant lors de l'arrachage complet d'une parcelle que pour éliminer sélectivement les pieds atteints.
L'objectif de la dévitalisation est de détruire la totalité des pieds de vignes, depuis les feuilles jusqu'au bout des radicelles. Si la souche est atteinte par le court-noué, on élimine de cette manière une source de contamination. Ce procédé a aussi un effet indirect sur les nématodes qui hébergent et propagent le court-noué. La destruction du système racinaire prive les vers de nourriture; ils meurent donc peu à peu de faim.Ce système est particulièrement intéressant pour assainir les zones profondes du sol où peuvent se trouver des nématodes porteuses de virus. Il est en effet impossible d'extraire les racines des horizons profonds et il semble que les produits de désinfection ne s'y diffusent qu'imparfaitement.Selon les cas, la dévitalisation pourra être complétée ou non par une désinfection du sol avec application de fumigants ou de granulés. En Suisse, où la désinfection est interdite, les vignerons trouvent beaucoup d'intérêt à la dévitalisation. La station fédérale de recherches agronomiques de Changins a d'ailleurs montré tout l'intérêt de cette intervention qui limite considérablement les recontaminations par le court-noué (voir le dossier dans La Vigne n° 61). Ceci est d'autant plus vrai que l'on respecte un délai suffisant de repos du sol. Les essais qui ont porté sur dix ans après la plantation se sont achevés en 1994. Il serait intéressant d'effectuer à nouveau des test Elisa pour voir si l'effet très positif de la dévitalisation continue de se manifester par rapport à la vigne témoin.En Champagne, les services techniques de l'interprofession ont suivi différents protocoles. Il apparaît après dix ans d'expérimentation que les taux de recontamination les plus faibles sont obtenus sur les parcelles qui ont subi une dévitalisation avant arrachage puis une désinfection (par fumigation ou Témik) plutôt qu'une désinfection seule. La dévitalisation seule n'a pas été testée.En Champagne comme en Suisse, du Roundup a été utilisé pour dévitaliser les vignes. D'autres produits peuvent être employés comme le Garlon Inov. Ce dernier, dont la matière active est le triclopyr, n'est pas homologué comme désherbant mais comme débroussaillant et peut, à ce titre, servir à dévitaliser les vignes. D'après certains utilisateurs, cette matière active migre mieux dans la plante que le glyphosate et assure donc de meilleurs résultats. A ce jour, il n'existe cependant pas d'essais comparatifs officiels.Certains estiment que la dévitalisation peut aussi être utile dans la lutte contre la flavescence dorée en faisant chuter le potentiel infectieux de l'environnement, selon le même principe que pour le court-noué. ' On observe parfois des repousses de porte-greffe sur les talus en bord de parcelles. Pour les détruire, on peut utiliser du triclopyr car le produit est sélectif. Les graminées restent en place, ce qui permet de maintenir la terre ', indique-t-on chez Dow AgroSciences.D'autres produits de type désherbant ou débroussaillant pourraient aussi être utilisés pour dévitaliser les vignes, à condition de bien prendre en compte leurs spécificités et l'environnement du terrain. Par exemple, un produit susceptible de migrer dans le sol ne devra pas être appliqué si la parcelle est en pente avec des zones cultivées en contrebas.D'une façon générale, on envisage surtout la dévitalisation sur l'ensemble d'une parcelle avant arrachage. Pourtant, on peut aussi dévitaliser des pieds atteints dans une parcelle en place. Dans le cas de symptômes de flavescence, cela permet d'éradiquer au plus vite la source de contamination.En cas de tâche de court-noué dans une parcelle, on sait qu'en arrachant simplement les souches atteintes et en complantant, les symptômes réapparaîtront très rapidement. Or, dans ce cas, il n'est pas possible de désinfecter. La dévitalisation apporte une alternative intéressante en retardant la réapparition des symptômes. On ne connaît pas précisément la durée du répit faute de recul mais les premières observations, effectuées notamment en Alsace, semblent encourageantes.Pour une bonne efficacité, le produit doit être appliqué immédiatement après la vendange de la parcelle, lorsque le feuillage est encore en activité. Compte tenu de la charge de travail à cette période, la dévitalisation n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre par le vigneron. Certains font donc appel à des entrepreneurs. Alain Keller, entrepreneur de travaux agricoles à Blienschwiller (Alsace), propose cette prestation pour la troisième année. Il utilise du triclopyr et travaille avec des panneaux récupérateurs. Ses clients choisissent ou non de compléter la dévitalisation par une désinfection selon le degré d'infestation des parcelles mais surtout en fonction de leur ' sensibilité écologique '.Il est indispensable de laisser au produit le temps d'agir et donc de ne pas arracher trop rapidement après la dévitalisation. La meilleure solution est d'attendre le printemps suivant pour vérifier que les souches sont bien mortes. En effet, une brusque arrivée du froid à l'automne peut bloquer la migration du produit et réduire son efficacité. On peut alors intervenir ponctuellement sur les souches encore vivantes. Dans les zones septentrionales, lors d'années tardives, les feuilles sont déjà sénescentes au moment de la récolte. Jean Schwach, de la chambre d'agriculture de Colmar, préconise alors de couper les souches à 10-20 cm du sol puis de badigeonner la plaie de taille avec du glyphosate ou du triclopyr.' Il faut ensuite attendre le printemps pour voir si des rejets poussent et, si c'est le cas, intervenir à nouveau. La concentration du produit est un paramètre important. En effet, si la dose est trop forte, on risque de provoquer une nécrose de la plaie de taille et d'empêcher la migration du produit. ' Là encore, des expérimentations permettraient de préciser les choses.L'autre difficulté liée à cette technique vient du respect des vignes voisines. La meilleure solution est apportée par les panneaux récupérateurs mais peu de vignerons en sont équipés pour intervenir sur des vignes en végétation. Si la parcelle concernée est de petite taille et entourée d'autres vignes, il est certainement préférable de travailler avec un pulvérisateur à dos. Sinon, on peut utiliser les rampes de dés- herbage habituelles mais avec des doses plus importantes, de l'ordre de 300 à 400 l/ha pour assurer un meilleur mouillage. Le pulvérisateur à dos devra alors être utilisé simplement pour les rangs de bordure. Dans tous les cas, il est impératif de s'abstenir en cas de vent.Autant de rappels de bon sens qui pourraient sembler superflus mais prennent toute leur importance si l'on en juge par les quelques problèmes de voisinage qui ont pu être recensés ici ou là.