L'acide ascorbique, aux propriétés antioxydantes, est utilisé à la mise en bouteilles pour protéger l'arôme des blancs et rosés. Sur raisins, l'ajout n'est autorisé qu'à titre expérimental mais présente un intérêt.
L'acide ascorbique, ou vitamine C, est présent à l'état naturel dans le raisin, mais à faibles doses (50 mg/l), et on n'en retrouve jamais dans le vin. Il est utilisé comme additif depuis longtemps, en raison de ses propriétés réductrices et en complément du SO2. Il réagit très rapidement avec l'oxygène pour donner de l'acide déshydroascorbique, forme oxydée qui se dégrade rapidement. En captant l'oxygène disponible, il évite l'altération de toutes les substances oxydables du vin. Mais l'acide ascorbique est à utiliser avec précautions. En effet, la réaction entre l'acide ascorbique et l'oxygène libère de l'eau oxygénée, qui est un oxydant puissant. Des chercheurs australiens ont fait l'expérience d'ajouter de fortes doses d'acide ascorbique sur des vins de colombard exempts de SO2. Ils ont pu observer un brunissement significatif, témoignant de l'oxydation des composés phénoliques présents dans le vin blanc. En éliminant les composés phénoliques du vin par un traitement spécifique, ils ont pu doser jusqu'à 4 mg/l d'eau oxygénée après l'addition d'acide ascorbique. Ce sont toutefois des situations expérimentales où le vin ne comporte aucun SO2, ce qui et rare dans la pratique. L'acide ascorbique est traditionnellement ajouté afin de protéger le vin de l'aération consécutive à la mise en bouteilles. Généralement, les vins prêts à la mise contiennent une quantité suffisante de SO2 libre (20 à 30 mg/l) pour pouvoir ajouter 6 à 8 g/hl d'acide ascorbique. D'abord, il peut contribuer à lutter contre la casse ferrique dans le cas, de plus en plus rare, d'un vin trop riche en fer. Il réduit la forme ferrique (Fe3+), responsable des casses, ou empêche l'oxydation de la forme ferreuse (Fe2+). Mais il est principalement ajouté pour protéger les vins blancs et rosés aromatiques. Jean-Christophe Martin, de l'ICV (Institut coopératif du vin) de Béziers, explique : ' L'acide ascorbique présente un réel intérêt. Il conserve la fraîcheur des arômes lors de la mise en bouteilles. Par ailleurs, nous avons eu le cas de vins blancs qui prenaient une teinte ' plombée ' à la mise, due à l'oxydation de certains composés phénoliques. L'ajout de SO2 était inefficace mais l'acide ascorbique constituait un bon traitement préventif. ' L'acide ascorbique est également décrit comme un ' améliorant gustatif ', permettant de limiter la durée de la ' maladie de la bouteille ', phase pendant laquelle les vins se goûtent mal.Les vinificateurs australiens ont également développé l'utilisation de l'acide ascorbique sur raisins, afin de protéger de l'oxydation les moûts de raisins blancs ou rouges destinés au rosé. Une première stratégie consiste à protéger le raisin à la benne par un ajout d'acide ascorbique. Les doses préconisées varient de 4 à 10 g/hl. La technique la plus couramment employée est le saupoudrage au fond de la benne, qui protège les jus écoulés; l'idéal étant de répartir la dose en deux ou trois fois lors du remplissage de la benne. Des essais sur plusieurs cépages blancs ont été menés en Italie, au Brésil et en Espagne, par la société Spindal, fabricant de produits oenologiques. Il en ressort que l'arôme des vins traités à 10 g/hl d'acide ascorbique, associé à 5 g/hl de SO2, est souvent décrit comme ' plus frais, plus citronné et souvent plus intense '. Par ailleurs, les teneurs en composés d'oxydation, dont l'éthanal, sont plus faibles. Les vins traités semblent ne jamais développer de goûts de réduit. Et ils auraient également une proportion de SO2 combinée inférieure aux vins témoins, peut-être en relation avec la baisse de la teneur en éthanal, qui est le principal composé responsable de la combinaison du SO2 dans les vins finis. Le département recherche et développement de l'ICV, à Montpellier, a également réalisé des essais en minivinification afin de préciser le rapport SO2/acide ascorbique le plus favorable. La modalité 3 g d'acide ascorbique + 4 g de SO2 a été retenue. Des comparaisons entre vinifications témoins et traitements à l'acide ascorbique ont été menées. Sur les cépages blancs testés (sauvignon, chardonnay, ugni blanc et vermentino), la dureté finale des vins se trouve amoindrie, l'arôme est stabilisé et les goûts de réduit limités. Les essais en rosés sont moins concluants. Un oenologue du Languedoc explique qu'il préfère travailler par fractionnement : ' Certains de mes clients utilisent l'acide ascorbique pour vinifier des vins blancs frais et aromatiques. Il est particulièrement intéressant pour le sauvignon, le chasan, le muscat et le grenache blanc qui sont sensibles à l'oxydation. Sur chardonnay ou sur marsanne, il aura moins d'incidences. Comme il assure une protection limitée dans le temps, nous conseillons de fractionner la dose à chaque contact avec l'oxygène : 3 g à la benne, 3 g en sortie de pressoir, 3 g au soutirage, 3 g à la mise. En vinification, l'utilisation concerne à peine 10 % des caves. ' Cependant, les oenologues interrogés ne sont pas unanimes. ' L'acide ascorbique peut faire plus de mal que de bien au moût, en particulier sur des vendanges peu acides : à des pH supérieurs à 3,30, il faut l'utiliser avec la plus grande prudence car le SO2 est moins actif ', explique un oenologue de la région narbonnaise. ' En 1997 où les pH étaient très hauts, le brunissement oxydatif était fréquent sur les moûts blancs et l'acide ascorbique était sans effet. Des années comme celle-ci, un ajout complémentaire d'acide tartrique à la benne de l'ordre de 30 à 40 g/hl est souhaitable ', ajoute l'un de ses collègues. Des questions subsistent donc sur l'utilisation de ce produit et à un éventuel élargissement de son autorisation.