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Le boisé discret

La vigne - n°91 - septembre 1998 - page 0

De toutes les régions productrices d'effervescents, seule la Champagne vinifie des vins de base en fûts de chêne. Une règle prime : le boisé doit être discret.

Dans le monde des vins effervescents, l'Inox a fait une entrée massive et réussie. Le bois fait actuellement figure d'exception culturelle. Seuls quelques irréductibles continuent à l'utiliser pour la fermentation alcoolique de leurs vins de base et pour la malolactique, quelquefois. Ils se trouvent uniquement en Champagne. Dans les régions productrices de crémant, on a cessé d'utiliser ce matériau.Alors, pourquoi cet abandon? Le goût du consommateur a évolué vers des vins légers, moins corsés, plus faciles à boire et à apprécier à tout moment. La complexité et la vinosité apportées par le bois lui paraissent plus difficiles à apprécier. Les Champenois cherchent actuellement à faire passer le message de la pluralité. Dans ce contexte, quelques maisons continuent à cultiver cette différence et à vinifier sous bois avec des méthodes précises, qui donnent des vins intéressants appréciés des connaisseurs.Pour la quasi-totalité des élaborateurs, le bois neuf est absolument à proscrire. Le champagne est mis en bouteilles en général au printemps suivant la vendange. Il n'a donc pas le temps d'amalgamer, de digérer les composants phénoliques assez durs apportés par le bois neuf. Pour y remédier, les producteurs ont recours à deux solutions.La maison Krug achète des fûts neufs champenois de 205 l qui se font, dans un premier temps, avec les rebèches et les lies. Une fois qu'ils ont perdu de leur puissance, ils sont utilisés pour la fermentation des cuvées de la maison. Ce travail délicat d'appréciation et de contrôle est confié au chef de cave.La maison Bollinger, quant à elle, achète des fûts bourguignons de 228 l ayant déjà été utilisés dans les grands crus de Bourgogne blanc, comme Meursault ou Puligny. Gérard Liot, le chef de cave, ne vinifie sous bois que les raisins de qualité ' qui le méritent '. Il pense que le bois n'apportera rien à un raisin manquant de maturité ou souffrant d'un excès d'acidité. La qualité doit être parfaite au départ. L'oxydation ménagée lente et constante apportée par le passage en fûts rend, par la suite, le vin plus résistant à cette oxydation, ce qui assure plus de longévité, lui donne plus d'arôme et de complexité. Gérard Liot affirme que l'Inox permet de gérer au mieux la fermentation malolactique. Ainsi, le ' Spécial cuvée ' (le brut sans année) est-il un assemblage de vins ' avec malo et sans malo '. En revanche, les millésimes, têtes de cuvées et vins de réserve, sont vinifiés sous bois sans malo.La maison Alfred Gratien, à Epernay, élabore 150 000 bouteilles uniquement vinifiées sous bois dans des fûts champenois de 205 l. Le chef de cave, Jean-Pierre Jaeger, ne pratique pas la fermentation malolactique afin de donner plus de structure et de corps à ses vins, selon lui.Chez Roederer, les vins de réserve et de liqueur sont gardés dans des grands foudres de chêne de 60 hl. C'est là qu'ils prennent l'infime touche boisée caractéristique de la maison rémoise.On le voit, les pratiques sont diverses. Elles restent souvent guidées par l'expérience. Il en est ainsi de la durée de séjour en fûts. Elle s'apprécie à la dégustation. Elle peut n'être que d'un mois et ne se prolonge jamais après le printemps. Et au sein de cette diversité, le bâtonnage reste une exception.

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