Depuis huit ans, les trente-six vignerons de Blienschwiller (Bas-Rhin), un village alsacien de trois cents habitants, organisent l'opération ' Du cep au verre '. Le grand public peut visiter une vingtaine d'ateliers installés dans les parcelles et dans les caves du village. Ils montrent les différentes facettes du métier de vigneron.
La saga du vigneron pédagogue. Ce n'est pas le titre d'un nouveau film sorti cet été... mais le feuilleton interprété par les vignerons de Blienschwiller depuis huit ans. Nous sommes ici à 30 km au sud-ouest de Strasbourg, sur la route des vins d'Alsace. Ce 13 août au matin, le public arrive : des Alsaciens, des touristes en villégiature, des adultes et des enfants. La vingtaine d'ateliers sont prêts.Sur le coteau surplombant le village, au pied des parcelles, nous trouvons le circuit ' vignes ' : rognage, palissage, greffage, ampélographie, machine à vendanger, taille, préparation du sol, maladies/pulvérisations et travail du sol/fauchage. Sur chacun de ces thèmes, un vigneron explique, par petit groupe, l'utilité des matériels et répond aux différentes questions qui lui sont posées. ' C'est enrichissant. Les questions sont souvent basiques et cela nous oblige à être pédagogue. ' ' Pourquoi les vignes sont-elles si hautes? Dans le Midi, j'ai vu des pieds bien plus petits ', demande un touriste.' Nous montrons nos activités tout au long de l'année, explique un producteur. Nous espérons que les clients s'en souviendront quand ils achèteront des bouteilles plus tard. ' ' Je n'imaginais pas autant de travaux et de machines différentes ', soupire un visiteur. Un peu plus haut dans le coteau, quelques pieds de vigne en ' configuration hivernale ' ont été aménagés : un jeune vigneron explique les subtilités de la taille... à l'aide d'un sécateur électrique. ' Ce n'est pas étonnant qu'il y ait du chômage! ', dit un visiteur. ' Au contraire, nous avons des difficultés à trouver de la main-d'oeuvre ', répond-il du tac au tac. Dialogue fructueux.Un entrepreneur a amené son matériel pour la désinfection des sols. ' Mais si vous injectez du gaz dans la terre, n'en retrouve-t-on pas des traces dans le vin? ' demande, inquiet, un visiteur. Quelques vignerons sont décontractés, d'autres sont moins à l'aise devant un auditoire. Mais la bonne volonté est là. Pour être mieux compris, certains n'ont pas hésité à confectionner des panneaux avec des posters et des courbes, le tout accroché entre deux rangs de vignes : on y apprend, par exemple, que l'Alsace est un vignoble de pointe en ce qui concerne la confusion sexuelle.Beaucoup de questions tournent autour de la protection de l'environnement. ' Que faites-vous pour éviter la grêle ou le gel? ' ' On prie ', s'entend répondre ce monsieur. ' Ne posons pas trop de questions, sinon, nous n'aurons pas le temps de déguster ', ajoute une dame pressée.Pour la partie cave, il faut descendre au village. L'ambiance est champêtre. Le système d'ateliers est le même : pressurage, filtration, mise en bouteilles, élaboration des crémants, étiquetage, montage et démontage d'un fût. Cette partie est plus classique.En revanche, pour toute la partie vignoble, l'idée est plus originale et, à notre connaissance, unique en France. ' Nous voulions aller plus loin qu'une simple fête du vin pour faire connaître notre village et ce, sans engager de dépenses ', explique François Meyer, vigneron et président du syndicat d'initiative local qui mène l'opération. Cela ne s'est pas fait sans friction, certains ne voyant pas l'intérêt d'attirer des visiteurs... sans vendre de vin. Car pendant ces journées, aucun caveau de particulier n'est ouvert à la vente dans le village. Seul un magasin commun est aménagé sur la place. ' Grâce à cette opération, nous travaillons pour le long terme ', analyse un vigneron.A midi, une grande dégustation a lieu dans une salle du village. Tous ces visiteurs sont autant de consommateurs d'aujourd'hui ou de demain. Alors que l'on cherche désespérément un concept fort pour fédérer et réussir la fête nationale de la vigne et du vin, qui a du mal à décoller, on pourrait très bien s'inspirer de l'expérience de Blienschwiller.