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Engouement et incertitudes

La vigne - n°91 - septembre 1998 - page 0

Les dosages de polyphénols se répandent dans les vignobles pour le suivi de la maturité des cépages rouges : des vignerons commencent à découvrir leur intérêt. Toutefois, ces méthodes ont encore besoin d'un peu de rodage.

Le choix de la date optimale de récolte est un enjeu important qui conditionne tout l'équilibre du futur vin. L'équilibre entre sucres et acidité est utilisé depuis longtemps comme outil de décision, mais la mesure du potentiel polyphénolique se développe pour les cépages rouges. Lors de la maturation, tanins et anthocyanes s'accumulent dans la pellicule; leur concentration augmente, atteint un plateau, puis chute. Cette chute est indicatrice de la maturité phénolique.' La maturité en sucres n'est pas toujours atteinte en concordance avec la maturité phénolique, explique Daniel Granes, ancien oenologue à Brignoles (Var) et actuel directeur de l'ICV (Institut coopératif du vin) de Narbonne (Aude). Lorsque les deux maturités sont décalées, il faudra faire un compromis : vendanger en surmaturité phénolique ou avant que la maturité phénolique soit atteinte. Ce décalage est soumis à un effet terroir et un effet millésime. 'On peut recenser cinq méthodes de dosage du potentiel polyphénolique total et des anthocyanes (voir infographie). Elles ont pour objectif de suivre l'évolution des quantités de polyphénols totaux et d'anthocyanes extractibles. Seule la méthode d'extraction diffère. Le but est de se rapprocher le plus près de la valeur extractible par la vinification, avec le protocole le plus rapide possible. Pour Vincent Dupuch, de la chambre d'agriculture de Gironde, la période de récolte optimale correspond au début de la chute du taux d'anthocyanes (voir La Vigne de juillet-août 1997, page 30). Ces méthodes sont longues, du fait du prélèvement et des macérations, et coûteuses (plus de 200 F par analyse).La méthode développée par le professeur Glories, de la faculté d'oenologie de Bordeaux, tente en plus d'apprécier deux éléments qualitatifs : l'extractibilité et la maturité des pépins (voir La Vigne de septembre 1995, page 36). L'extractibilité est un indice qui reflète la fragilisation des pellicules lors de la maturation. Quant à la maturité des pépins, elle représente la part des tanins extraits des pépins : plus la maturité progresse, plus cette part diminue.Les laboratoires oenologiques sont de plus en plus nombreux à réaliser ce type de dosages. Par exemple, l'ICV étudie la maturation d'un réseau de parcelles du Gard, du Lubéron et du Var. ' Nous suivons des parcelles de référence avec les principaux cépages (grenache, cinsault, syrah) et sur bandol, mourvèdre, explique Alain Bourgeois, oenologue au centre de Brignoles. Elles sont situées dans des zones de maturité homogènes. Quatre prélèvements au minimum sont faits par parcelle. Les résultats de ces contrôles nous servent à orienter notre conseil auprès des caves. Par exemple, en 1997, le potentiel en anthocyanes était insuffisant pour faire des macérations en rouge. Nous avons conseillé de vinifier le grenache en rosé. L'extractibilité nous donne un élément pour adapter la durée de la macération. Les vignerons craignent généralement d'obtenir un rosé trop coloré : si l'extractibilité est faible, nous pouvons conseiller de faire une macération pelliculaire plutôt qu'un pressurage direct, ce qui apporte plus de gras au vin. '' Les résultats des contrôles de maturité nous permettent de dégager des grandes tendances, ajoute Daniel Granes. Par exemple, en 1997, la majorité des parcelles de syrah suivies avaient atteint le plateau anthocyanique aux environs de 11,5 ° potentiels. Nous ne pouvions pas suivre le potentiel en anthocyanes chez tous nos adhérents; en revanche, le suivi des évolutions des degrés et des anthocyanes nous permettait d'estimer que la majorité des parcelles de syrah atteignaient le plateau anthocyanique vers 11,5° potentiels. 'Au château La Nerthe, à Châteauneuf-du-pape (Vaucluse), la méthode Glories est en place depuis 1993, sur dix-sept parcelles. ' Le suivi des tanins et des anthocyanes est facilement perturbé par le mistral qui concentre les baies ou la pluie qui les dilue. En revanche, la part des tanins de pépins constitue un bon indicateur, tant pour la récolte que pour la vinification. En 1994, par exemple, les conditions sanitaires nous ont obligés à récolter alors que les pépins n'étaient pas mûrs : nous savions que nous courions le risque d'extraire des tanins astringents et verts. 'Cette année, les polyphénols étaient le thème d'une journée technique, pour le cinquantenaire de l'ITV : le centre de Gaillac (Tarn) y a exposé ses travaux sur les dosages de polyphénols. Leur but était de faire le point sur les différentes méthodes. Les cinq méthodes d'extraction et d'analyse ont été testées sur les mêmes parcelles de cépages locaux afin de voir si les résultats obtenus étaient comparables. La première des conclusions était que, quelle que soit la méthode, la teneur en anthocyanes est le paramètre le plus intéressant à suivre.En effet, entre véraison et maturité, les variations du potentiel de polyphénols totaux observées sont faibles, à peine supérieures aux variations dues au dosage... Les mesures obtenues par les cinq méthodes sont globalement mieux corrélées pour les anthocyanes que pour les polyphénols totaux, dont l'estimation est plus aléatoire. Pour le potentiel en anthocyanes, les valeurs initiales varient de 450 à 1 800 mg/kg selon les méthodes!L'influence du cépage est grande. Par exemple, si les différentes méthodes donnent des profils d'évolution des anthocyanes comparables sur syrah et fer servadou, ce n'est pas le cas pour le duras (cépage gaillacois). Par ailleurs, les valeurs mesurées au point récolte sont corrélées à celles retrouvées dans le vin pour les cépages fer servadou, cabernet sauvignon et cot (en conditions de vinification homogènes). En revanche, aucune méthode d'analyse ne permet de relier potentiel initial de la vendange et potentiel final des vins pour les cépages négrette, syrah et duras.Jean-Luc Favarel, de l'ITV de Gaillac, ajoute : ' Nous devons continuer à collecter des références! Ce qui est valable dans un laboratoire bordelais ne l'est pas en Midi-Pyrénées : c'est à chaque laboratoire de constituer son expérience sur la méthode qu'il aura choisie et de se créer une base de données locale afin d'exploiter au mieux les données fournies par les analyses des baies... Il faut également tenir compte des spécificités de chaque cépage. Pour certains, tels que la négrette, le duras ou la syrah, il faudra adapter la méthode. '

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