Pour la première fois, un économiste de l'Onivins tente de mettre en place une méthodologie permettant d'estimer la valeur économique totale de notre filière, c'est-à-dire ce que ' pèse ' le vin en France. Un lourd travail. Par ailleurs, d'autres analystes croient déceler une reprise de la consommation du vin dans notre pays : une vraie nouveauté.
Paradoxalement, on connaît plutôt mieux les volumes et les valeurs de nos expéditions de vin hors de nos frontières (statistiques des Douanes) que la réalité des flux commerciaux viticoles sur le territoire national. Pour le marché intérieur, on évalue les quantités commercialisées à partir des statistiques générales de la filière : le suivi fiscal (droits de circulation) permet d'obtenir la consommation taxée en volume; on peut aussi procéder via l'approche récolte + variation de stocks export. Pour l'estimation en valeur, si toutes les entreprises commerciales (caves particulières, caves coopératives, négoce) fournissaient leurs chiffres... ce serait facile. Or, ce n'est pas le cas.Patrick Aigrain, économiste à l'Onivins, s'est attelé à la tâche avec les données de 1995. Ce travail est une première. Il emploie une méthodologie lourde car son but, ambitieux, est d'évaluer les flux commerciaux de la filière vitivinicole française au niveau de la consommation. Il s'appuie sur de nombreuses sources et a échafaudé de multiples hypothèses de travail (notamment pour déterminer le prix réel de vente des vins au consommateur final). Il convient donc de rester prudent dans l'analyse des résultats. Il s'agit d'ordres de grandeur. A ce jour, la première conclusion est intéressante : en 1995, le marché intérieur à la consommation s'est monté à 37 millions d'hectolitres, la valeur des ventes étant, elle, de 94 milliards de francs hors taxes. C'est un chiffre à retenir et dont la décomposition fait l'objet de l'infographie ci-dessus. On apprend aussi que 63 % de ces volumes sont consommés à domicile, ce qui représente 36 % de la valeur totale.Dans un deuxième temps, le chercheur veut aller plus loin : recouvrir la notion de valeur de la filière, c'est-à-dire non seulement la valeur des flux commerciaux mais aussi les différentes ' externalités ' (influence sur le terroir, sur la santé et, par extension, contribution de la filière à l'emploi).Indépendamment de cette étude, mais quelques semaines après sa divulgation, le Cevise (Comité économique des vins du Sud-Est), un organisme basé dans les Bouches-du-Rhône et où l'on réfléchit beaucoup aux données de fond de notre filière, jette un (bon) pavé dans la mare : la consommation de vin reprendrait en France!Après tout, n'est-ce pas la question essentielle à partir de laquelle les acteurs de la filière devraient se positionner : le marché est-il à la hausse ou à la baisse? ' L'événement majeur de la campagne écoulée restera certainement le ' coup d'accélérateur ' sur la consommation de vins en France, explique-t-on au Cevise. Depuis trente ans, elle baissait d'une manière régulière et de façon parallèle à celle des autres pays gros consommateurs (Italie, Espagne et Argentine). Cela tenait au vieillissement inéluctable de la population. 'Ces évolutions sont mesurées par le même indice : la consommation taxée, fournie par l'Administration fiscale (que La Vigne publie mensuellement dans la première page de ' Vos indicateurs '). Il s'agit des volumes soumis au droit de circulation. ' Depuis juin 1997, la consommation française a cessé de baisser. En mars 1998, nous avons un chiffre exceptionnel, ce qui porte l'augmentation à 5,4 % pour ' tous vins ' sur les sept premiers mois de la campagne 1997-1998. C'est historique ', n'hésite-t-on pas à conclure.Les causes? La reprise économique? Il y en avait une en 1988 et 1989 et la consommation de vin avait continué à baisser. En fait, à l'origine de ces bonnes nouvelles, il y aurait la diffusion massive en France, à partir de la fin de 1996, d'informations sur les effets bénéfiques pour la santé de la consommation modérée de vin. Tout le monde a pu constater dans son entourage que le grand public était sensibilisé à cette information. ' Même s'il est encore trop tôt pour savoir si c'est un simple ' décrochement vers le haut ' ou un mouvement plus profond, la preuve est faite que la consommation française peut bouger et qu'il n'y a pas de fatalité à la baisse. Si la filière veut prendre son avenir en main, elle sait qu'elle a les moyens de lutter. ' Un très bel enjeu.