L'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 modifié est au coeur de toute une problématique concernant les droits de plantation dans le cadre d'un bail rural. Une décision de la Cour de cassation de janvier dernier vient encore alimenter le débat juridique.
Si l'on veut s'agrandir, deux solutions existent : acheter des vignes ou planter. Mais on connaît la difficulté de trouver des droits de plantation. L'intéressé est donc parfois porté à utiliser l'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 modifié. Il ressort de ce texte que les droits de replantation de vignes peuvent être transférés en fin de bail rural du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds duquel ils ont été exercés, si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds. Les gens de métier ont présent à l'esprit le conflit généré par l'application de ce texte sous le vocable de ' baux fictifs ', contre lesquels l'Inao a combattu sur tous les fronts. Dans les contentieux ainsi instaurés, on se trouvait en présence de situations ' arrangées ' ou si, effectivement, le preneur avait apporté ses droits de plantation, il était convenu que le bail serait résilié et que la plantation serait effectuée aux frais du bailleur. Ce n'est pas le cas des procès portés devant la Cour de cassation et dont il appartient de tirer leçon. Il est curieux de constater d'ailleurs que ces conflits ne se sont pas manifestés à titre principal. La question fut soulevée à l'occasion d'une autre problématique, la Cour suprême affirmant alors un principe d'application de l'article 35-2 du décret.Il existe un premier contentieux, c'est l'affaire Dethune : un bailleur, au moment du renouvellement du bail, demandait l'insertion d'une clause de reprise sexennale (art. L 411-6 du Code rural). Le preneur avait planté en vignes avec des droits lui appartenant; il soutenait que cette reprise ne pouvait s'exercer que sur des terres nues, autrement dit qu'il avait le droit d'arracher pour reprendre ses droits au cas où la reprise aurait lieu. Cassant un arrêt de la cour de Reims, la troisième chambre civile s'exprimait comme suit : ' Que l'arrêt retient que les droits de plantation, après arrachage, doivent être considérés comme ayant un caractère mobilier appartenant à l'exploitant, en considération de la personne à laquelle ils ont été accordés qu'elle soit propriétaire ou fermier, qu'en statuant ainsi alors que les droits de plantation et de replantation sont attachés à l'exploitation viticole, la Cour d'appel a violé les articles L 411-58 et suivants du Code rural '.A remarquer que sans faire référence au décret de 1935, se fondant seulement sur le texte relatif aux améliorations culturales, il était affirmé implicitement l'application des principes de l'accession prévue par l'article 551 du Code civil : en effet, quelle qu'en soit la nature, les améliorations, donc les plantations, s'incorporent à la chose louée en fin de bail. Dans un nouvel arrêt afférent au problème (Cour de cassation, 7 janvier 1998), la cour suprême explicite d'une manière plus affirmée l'application la théorie de l'accession. L'instance avait trait, à titre principal, à la validité d'une convention de résiliation anticipée de bail. Mais le preneur qui avait planté des vignes dont les droits lui appartenaient, s'appuyant sur l'article 35-2, demandait à ce que le bailleur soit condamné à arracher les vignes dont il ne pouvait tirer parti puisque n'étant pas exploitant agricole, il n'était pas en droit de les exploiter et celles-ci devenaient source de production illicite, même propriété du bailleur. C'était toute la difficulté soulevée lors de l'arrêt Dethune par les commentaires : le bailleur devient propriétaire des vignes mais n'ayant pas de droits de plantation, il ne peut les exploiter licitement.Explicitement, la Cour de cassation, rejetant le pourvoi, n'a pas traité ce problème. Mais elle a raisonné autour de l'article 35-2 : le preneur n'avait pas arraché avant son départ et avait encaissé, sur le fondement des articles L 411-69 et suivants du Code rural, une indemnité pour cette plantation; il n'avait donc plus ' qualité ' pour solliciter, postérieurement à l'expiration du bail, la condamnation du propriétaire à arracher les vignes devenues sa propriété en application de l'article 551 du Code civil. En l'espèce, la Cour de cassation a de nouveau affirmé que les droits de plantation et de replantation sont attachés à l'exploitation et peu importe que le propriétaire de l'exploitation ne soit pas apte à obtenir des droits de plantation; car l'article 35-2 du décret transfère au propriétaire la maîtrise des plants et le droit de les exploiter.Le seul empêchement à ce transfert réside dans la faculté offerte au preneur d'arracher avant son départ mais, postérieurement, il ne peut pas revenir sur le transfert réalisé, surtout lorsqu'il a perçu une indemnité pour plantation. S'il veut conserver les droits de plantation utilisés par lui sur la propriété du bailleur, le preneur ne doit pas ' vendre ' au bailleur les améliorations apportées qui étaient restées sa propriété jusqu'à son départ...Référence : Cour de cassation 7 janvier 1998, BC 98, III, n° 2.