ImprimerVers 1810, le département de la Vienne compte cinquante mille petits propriétaires de vignes. Sur 20 000 ha environ, ils récoltent un peu plus de 500 000 hl de vins, blancs et rouges.
Depuis toujours, la région du Poitou se situe à la limite de deux influences. C'est pourquoi on y retrouve aussi bien des cépages connus de la vallée de la Loire que d'autres du Sud-Ouest. En tête des cépages blancs, le blanmansais ou chenin blanc, le plus estimé du pays, le plus cultivé aussi, un cépage vigoureux dont le raisin se conserve longtemps. Son vin est réputé le meilleur des blancs. Pour la distillation, on cultive surtout la vigne folle, notre folle blanche, qui produit en abondance un vin capiteux qui se conserve peu et qui ne trouve guère de débouchés; c'est pourquoi il finit à la chaudière. Viennent ensuite les fiés, jaune et vert, notre sauvignon. Le cépage est cultivé pour la table et pour la cuve. Aux dires des vignerons, il donne un vin délicat, très agréable mais qui se conserve mal. On le boit toujours en coupage avec le chenin, à raison d'un tiers ou d'un quart dans le mélange. On l'utilise même, à raison de 20 %, en mélange avec les vins rouges, pratique courante à l'époque.Il faut compter aussi sur le pineau blanc, appelé aussi morillon blanc, notre pinot blanc vrai, qui donne un vin de garde à la saveur douce. Les vignerons apprécient son port érigé qui permet de le conduire sans échalas. On trouve aussi du fromenteau, ou pinot gris, au vin très estimé mais qui occupe peu de place parce qu'il est mangé par les perdrix. Le vicarne, sans doute pour bicane, donne le plus gros de tous les raisins blancs dont les grappes se conservent bien mais son vin est très médiocre. On utilise les grains écrasés pour soigner les brûlures.Restent des cépages difficiles à identifier et peu utilisés : le verdin qui ressemble au chasselas; le foireau (ainsi appelé parce qu'il s'écrase facilement), qui mûrit de très bonne heure, donne un raisin doux et sucré, un vin très délicat, mais se conserve mal; on coupe son vin avec le chenin; le groseillier, aux grains ronds et à la saveur douce.En tête, par sa qualité, le caussy, appelé jacobin dans le vignoble de Neuville, notre cot. Il donne un vin très alcoolisé qui vieillit très bien en bouteilles et qui a du bouquet. On le mêle souvent au pineau d'Aunis. Avec le moût, les ménagères font un très bon ratafia. En revanche, c'est le breton, notre cabernet franc, qui est le plus cultivé. On le mêle toujours au cot et au pineau d'Aunis. Ce dernier a une excellente réputation mais comme il donne un raisin délicieux, peu foncé, qui casse sous la dent, on lui reproche de trop plaire aux passants, aux chiens, aux abeilles, aux vendangeurs, et de rapporter peu. On mêle son vin à celui du caussy, on y ajoute souvent un sixième de fié; on obtient ainsi le meilleur rouge du département et qui a l'avantage de se conserver longtemps.Sous le nom de bordelais, on cultive aussi le cabernet sauvignon, au rendement important, au vin estimé, mais toujours utilisé en mélange. Par contre, on fait peu de place au blanc meunier, notre pinot meunier. On trouve encore du balzac, notre mourvèdre, cultivé sans échalas; il donne un vin dur, abondant, qui se conserve bien et qu'on coupe avec les cépages mentionnés précédemment. Il existe aussi un vicarne noir, peu cultivé, peu coloré, au vin médiocre, mais auquel on attribue les mêmes vertus thérapeutiques qu'au vicarne blanc.Et puis on trouve des cépages mal identifiés : la vigne rouge, aux grains arrondis et peu serrés, de couleur très foncée, donne un bon vin utilisé en coupage; le lacet, ou noir laçon, aux gros grains espacés, à la saveur fade, produit un vin peu intéressant; le noir doucin donne un vin très foncé; les marchands le recherchent pour sa couleur : avec une barrique de ce vin et une de blanc, ils font deux barriques de rouge ' de bonne couleur '; c'est donc plus ou moins un teinturier. Tel semble être aussi le salais, appelé épicier à Neuville, qui rapporte beaucoup. A ces cépages, il faut ajouter le noir d'Orléans ou noir teint, notre teinturier du Cher, et le négrier, tous cépages médiocres, bons seulement pour la couleur.Ce rapport conclut à la médiocrité générale des vins du Poitou, ce qui nuit à l'exportation et tire les prix vers le bas; il y a trop de cépages, ' le mauvais détruisant le meilleur '. Il faudrait introduire le pinot noir qui donne un vin supérieur mais qui produit peu. On ne dit rien du chardonnay qui réussit aujourd'hui si bien. Depuis, les vins du Haut-Poitou ont relevé tous ces défis.