Dès les débuts du Moyen Âge, plus souvent encore après l'an mil, les établissements religieux et les grands féodaux ont constitué de magnifiques domaines plantés en vignes. Le clos de Chenôve est l'un des fleurons des ducs de Bourgogne.
La Bourgogne est aujourd'hui connue par ses deux côtes : de Nuits et de Beaune. C'est oublier que jusqu'au XIXe siècle, on parlait aussi de la côte de Dijon. Au sud, elle commençait à Couchey, continuait par Marsannay et Chenôve jusqu'à la ville, qu'elle débordait au nord sur une quarantaine de kilomètres puisqu'elle se prolongeait jusqu'à Selongey, petit vignoble au débouché de la vallée de la Venelle. Seule l'appellation Marsannay est aujourd'hui reconnue, elle s'étend sur Couchey et Chenôve. Du clos de Chenôve, rebaptisé en clos du Roy quand l'Etat ducal disparaît en 1477 avec la mort de Charles le Téméraire, il ne reste plus qu'une dizaine d'hectares de vignes. Il faut dire qu'à Dijon même, le Montrecul, vignoble autrefois réputé, ne compte plus que quelques hectares.En 1364, quand Philippe le Hardi reçoit la Bourgogne en apanage, le principal joyau de son domaine viticole est constitué par le clos de Chenôve, à 5 km au sud de sa capitale. Il compte alors 150 journaux de vignes (le journal, constitué de 8 ouvrées de 4,285 ares, représente 34,28 ares), à peu près 50 ha. Il comprend aussi un bâtiment reconstruit au XVe siècle, qui abrite deux grands pressoirs à levier qui existent toujours.Comme toutes les vignes de qualité, le clos escalade le coteau et on distingue trois climats successifs : dessus, dessous et montant. Sur le cadastre du XIXe siècle, outre le clos du Roi, figurent toujours le dessus et le bas du clos.L'ensemble, comme le nom l'indique, était clos d'un mur de pierres sèches qu'il fallait souvent réparer (on en reconstruit 850 m de long sous Philippe le Hardi), ce qui n'empêchait pas que l'on bouche tous les trous avec des épines ' pour que les gens et bêtes n'y puissent faire dommage '.Les ceps étaient plantés en foule et provignés à peu près tous les dix ans; ils montraient une végétation touffue, sans direction apparente, ce qui n'empêchait pas qu'ils fussent séparés par des chemins accessibles aux charrettes.Des dizaines d'ouvriers, réguliers ou occasionnels, s'affairaient pour effectuer les différentes façons, sous la direction d'un closier. Au printemps pour la taille, à l'automne pour la vendange, il fallait recruter de la main-d'oeuvre à Dijon même. La taille demandait 1 065 journées d'ouvriers. Comme dans tous les vignobles de l'époque, il fallait faire la chasse aux insectes qui, au printemps, pondaient sur les feuilles et dont les larves dévoraient la vigne. En juin 1383, 223 journées d'hommes, de femmes et d'enfants sont nécessaires pour ' ôter les urebers (les urbers ou attelabes de la vigne), ôter et ardoir (brûler) les feuilles enroulées sur lesquelles ils avaient laissé leur semence '.Les vendanges se font généralement autour de la Saint-Denis (9 octobre) et durent une bonne semaine. Auparavant, il a fallu remettre en état les pressoirs et les cuves, préparer les tonneaux fabriqués avec les merrains de la forêt d'Argilly, qui appartient au duc.En 1359, il faut 432 journées de vendangeurs, 86 journées de hotteurs et 19 charrettes pour venir à bout du travail. Parfois, dès la fin du mois d'août, on vendange des raisins verdelets pour faire le verjus nécessaire à la cuisine du prince. On fait aussi quelques tonneaux de vin cuit pour l'usage de la duchesse et on conserve des grappes dans un solier (grenier) pour faire du vin de paille.Bon an mal an, ce clos de 50 ha ne produit que 300 à 700 hl de vin, soit des rendements paraissant ridicules mais qui sont ceux de l'époque, de 6 à 14 hl/ha. Le duc et sa maison consomment l'essentiel de ce vin, à Dijon d'abord, dans ses résidences princières de la région ensuite. Le vin est aussi vendu à Paris, à Gand et Tournai (Belgique), ou donné au roi de France et aux grands personnages qu'on veut honorer, comme les ducs d'Anjou et de Berry, le connétable de France, le maréchal de Bourgogne, sans oublier les hôtes de passage.Hélas, ce vin ne tient guère et il est rare qu'on le conserve deux ans. Bien souvent, dès le printemps, il est vendu aux taverniers ' à détail et en menu '. L'heure des grands vins de Bourgogne n'a pas encore sonné.