La coopérative de Nyons s'est équipée d'un logiciel qui permet de caractériser les parcelles. Cette démarche vise à vinifier ensemble des récoltes aux propriétés semblables pour obtenir une gamme de vins plus large.
Une coopérative doit être gérée comme un domaine, estime Christian Teulade, directeur de la coopérative La Nyonsaise, à Nyons, dans la Drôme provençale. Plutôt que de produire un vin uniforme, autant optimiser les terroirs. Cette stratégie suppose de connaître les caractéristiques de chaque parcelle. Ce nouvel état d'esprit commence à poindre dans certaines coopératives, rompant avec l'attitude parfois passive de ' livreurs de raisin '.La coopérative de Nyons s'est équipée, il y a trois ans, du logiciel Caracterre, mis en place par le syndicat des vignerons des côtes du Rhône. Ce logiciel permet de répertorier les principales données de chaque parcelle : nature du sol, encépagement, porte-greffes, rendement, âge des vignes, type de palissage, état sanitaire, ensoleillement, etc. Sur les 800 ha d'appellation gérés par la coopérative, plus des deux tiers sont caractérisés. ' Avant 1995, nous avions peu investi sur l'amont, reconnaît Christian Teulade. Connaître nos vignobles était une étape indispensable pour optimiser nos outils de vinification et faire de belles cuvées. 'La coopérative en a profité pour mener en parallèle une démarche de certification Iso 9 002 ' car les deux vont de pair '. Trois types de sol se dégagent de l'analyse : terrains marneux, caillouteux ou riches en safre. La caractérisation des sols implique une vinification commune des parcelles à même dominante, pour donner au vin les caractéristiques du terroir plutôt que de les fondre avec les autres.Parvenir à un tel résultat suppose une organisation assez complexe mais surtout une certaine discipline de la part des vignerons. Tous les jeudis des vendanges, le planning des apports des parcelles sélectionnées est établi pour la semaine suivante. Mais il n'est pas nécessairement suivi par tous. Car rester décisionnaire de l'heure de sa récolte reste bien ancré dans les moeurs des vignerons. Pourtant, le succès de la démarche repose, entre autres, sur le respect du calendrier d'apport. En cas de non-respect de cette règle, les vinificateurs sont obligés de mélanger des cuvées et perdent tout le bénéfice de l'opération.' Après trois ans de pratique, une bonne partie des vignerons joue le jeu, estime Christian Teulade. Au départ, certains prenaient nos visites dans les vignes pour des contrôles plus que pour du conseil. Or, adhérer à la caractérisation des vignobles et à tout ce qui en découle reste une démarche volontaire. Les mentalités changent doucement car certains se sont rendu compte que ce suivi pouvait entraîner une réduction des coûts de production par une meilleure gestion des traitements ou une meilleure conduite des sols. 'Une telle démarche engendre généralement des changements plus larges que son premier champ d'action. La coopérative a organisé des achats groupés de réfractomètres ou de fax pour tenir les vignerons quotidiennement informés des conseils des techniciens. De même, un bulletin interne (Trait d'U-Nyons) est édité tous les trois mois. Au sommaire : des informations sur la vie de la coopérative, mais aussi sur les ventes. Histoire de ne pas couper les vignerons de la commercialisation et de la tendance des marchés. L'apport des vendanges selon les sols a permis à La Nyonsaise d'élargir son offre, en proposant des vins plus typés (sols marneux) ou plus gouleyants (sols riches en safre). Cette diversité de vins fidélise la clientèle et apporte une meilleure réponse aux cahiers des charges des négociants.Le vigneron est rémunéré selon le degré de sa vendange, l'activité Laccase et la note visuelle. ' Nous souhaitons sortir du paiement au degré/kg, explique Christian Teulade. Le raisin, ce n'est pas que du sucre et de l'eau. Il contient des arômes, de la couleur, des polyphénols, etc. Le conseil d'administration préfère mettre en place un grand nombre de critères. Cette politique de paiement aura le mérite d'atténuer d'éventuelles erreurs d'appréciation et d'obtenir une évaluation plus précise. L'exemple des coopératives laitières est instructif. Tout comme les visites dans les autres vignobles car certains points sont transférables à notre organisation. Notre objectif, c'est d'être équitable plutôt qu'égalitaire. Un joli raisin doit être mieux payé. Un vigneron qui fait l'effort de remplir son cahier de traitements correctement - ce qui sera bientôt le cas pour les adhérents à la charte de qualité - doit être récompensé. 'La mise en place de la gestion parcellaire des vignes suppose une bonne dose d'énergie de la part du personnel de la cave et du conseil d'administration. Elle exige un travail supplémentaire de saisie, des visites dans les vignes et surtout un effort de pédagogie auprès des adhérents. ' Plus qu'une révolution, il s'agit d'une évolution, année par année, conclut Christian Teulade. Il ne faut pas se complaire dans les décisions faciles à prendre... et à faire adopter. '