Ian Pretorius consacre ses recherches à la modification génétique des levures. Il a présenté un aperçu de ses travaux lors de Mondiaviti, conférence qui eut lieu à Bordeaux durant le salon Sitévinitech. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a des idées, ce scientifique de l'université de Stellenbosch, en Afrique du Sud. Si elles aboutissent, les futures levures ressembleront fort peu à celles que nous connaissons. Elles révéleront les arômes du raisin ou produiront des arômes fermentaires bien mieux et bien plus que les souches naturelles. Elle dégraderont l'acide malique. Elles clarifieront les vins, détruiront les protéines qu'ils contiennent et s'attaqueront aux pellicules pour en extraire tout ce qu'elles recèlent. Elles produiront également des antibiotiques qui tueront les bactéries indésirables. Ambitieux programme!Ian Pretorius a introduit dans une souche de levure, un gène qui la conduit à produire une enzyme dénommée bêta-glucosidase. Cette substance révèle les parfums muscatés, initialement présents dans les raisins sous une forme inodore. Les préparations commerciales, dites révélatrices d'arômes, contiennent de telles enzymes, mais elles sont inactivées par les sucres. Elles n'agissent que sur des vins secs. Les levures transformées par le chercheur sud-africain n'ont pas cette faiblesse. L'enzyme qu'elles libèrent ne craint pas la douceur des moûts. Les souches transformées ont déjà accompli des fermentations. ' Nous évaluons les vins actuellement ', a affirmé le scientifique.A une autre souche, il a octroyé la capacité de libérer d'abondantes quantités d'esters volatils. De telles substances sont naturellement produites par les levures. Elles apportent aux vins des notes fruitées et florales. La transformation génétique a consisté à obtenir une surproduction de l'une des enzymes qui interviennent dans la synthèse des esters volatils. ' Nous avons obtenu des brandies (eaux-de-vie de vin) avec la levure génétiquement modifiée. Ils présentent un goût très différent des brandies habituels ', a soutenu Ian Pretorius.Par la suite, il a annoncé qu'au minimum trois laboratoires de son pays détenaient des levures capables de transformer l'acide malique des moûts, soit en alcool, soit en acide lactique, réalisant dans ce second cas ce que font naturellement les bactéries au cours de la fermentation malolactique. Ces souches sont plus classiques que les précédentes. D'autres laboratoires au monde travaillent à leur obtention, dont l'Inra de Montpellier qui y est déjà parvenu.La dernière piste présentée par Ian Pretorius est bien plus originale. Elle consiste à introduire un gène qui commande la synthèse de pédiocine, substance libérée par les bactéries du yaourt et qui empêche tout autre germe de s'y installer. Cet antibiotique naturel n'a, aux dires du chercheur, aucun inconvénient pour la santé humaine. Sa présence dans les vins dès la fin de la fermentation autoriserait une nette diminution des doses de SO2.L'exposé s'achevait là. Son auteur venait de nous dire que dans son pays naissait une nouvelle ère oenologique faite de levures omnipotentes, donnant des vins parfumés et stables. S'agit-il d'une réalité ou d'un effet d'annonce? comme on est enclin à le croire à l'Inra de Montpellier. Quoi qu'il en soit, l'homme possède ou possédera dans un proche avenir, les moyens techniques de remodeler sérieusement les levures à son profit. En fera-t-il usage?