Dès que l'on examine une rivière, on y trouve des traces d'herbicides. A un degré moindre, les captages d'eau potable sont également pollués. Diverses mesures permettent d'y remédier. Si les vignerons les négligent, ils risquent de contaminer leur image.
Il faut s'en faire une raison : l'agriculture laisse des traces dans l'environnement. Elle y disperse ses produits de traitement. Et on les retrouve dans les eaux. Les produits qui servent à protéger les vignes ne sont pas plus discrets que les autres. Ils participent à la contamination des sources et des rivières. Depuis que les DDASS (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) et les services régionaux de la Protection des végétaux y regardent de près, ils découvrent quantité de matières actives. Les plus fréquentes sont la simazine, le diuron et la terbuthylazine. Le désherbage est donc l'intervention la plus polluante. Il marque principalement les rivières. Qu'elles coulent en Anjou, dans le Beaujolais, l'Hérault, le Mâconnais ou le Muscadet, toutes charrient les trois matières actives.Les captages d'eau potable sont plus préservés. Dans certaines régions, ils sont indemnes. Les DDASS de l'Aude, des Bouches-du-Rhône et de la Gironde n'ont aucun souci du fait des désherbants utilisés par les vignerons. Dans le Bordelais, la plupart des nappes sont protégées grâce à leur profondeur. Quelques-unes sont superficielles et légèrement contaminées. Leurs eaux sont diluées avec les précédentes. Elles arrivent au robinet pratiquement décontaminées. On le voit, la géologie est déterminante. Si elle protège les ressources souterraines de Gironde, elle expose celles de la Côte-d'Or. La côte de Nuits et la côte de Beaune reposent sur un calcaire faillé où les eaux circulent rapidement. Les pluies s'infiltrent sans avoir le temps de s'épurer. Elles entraînent des pesticides que l'on retrouve dans les résurgences au pied des vignobles et qui alimentent plusieurs communes.Ces pollutions ne pourront plus être négligées comme par le passé. A la demande des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, dans toutes les régions se constituent des groupes de travail chargés de les surveiller et de les réduire. Par ailleurs, ces pollutions alarment les médias. Télés, radios et journaux en profitent pour examiner sous leur plus mauvais jour les pratiques agricoles modernes. Il en ressort des titres fracassants où l'on apprend, en autres, que le terroir de la France ' fout le camp ', emporté sous une flopée de pesticides. Peut-on prendre le risque d'une telle contre-publicité? La Champagne estime que non et cesse temporairement d'utiliser les matières actives qui posent des problèmes.Peut-on diminuer la pollution, sans pour autant abandonner le désherbage chimique, ce que peu de vignerons sont prêts à faire? Certainement. Les vignerons de Vosne-Romanée (Côte-d'Or) ont obtenu des résultats, mêmes s'ils ont été contrariés par un accident. L'abandon des matières actives que l'on trouve dans les sources est une solution à l'efficacité prouvée. Elle n'est pas la seule. L'herbe contribue elle aussi à assainir l'eau. Elle retient les fines particules de terres entraînées par les fortes pluies. Or, les désherbants se fixent sur ces sédiments et gagnent les rivières en même temps qu'eux. Voilà pourquoi, en Champagne, on commence à dire ' qu'avoir des vignes un peu sales, c'est être propre pour l'environnement '. Voilà pourquoi en Muscadet, le mot est de ' laisser reverdir les tournières '.Le retour au travail du sol est une autre solution. Elle a le bon goût de la tradition. A ce titre, elle fait passer l'amertume d'une modernité défaillante et séduit les acheteurs. Pourtant, elle n'est pas sans inconvénient. Elle impose des interventions fréquentes après lesquelles les sols sont fragilisés vis-à-vis de l'érosion. Elle aussi cause des inversions de flore. Il suffit d'en discuter avec les vignerons expérimentés pour s'en convaincre. ' Le liseron, c'était la plaie de l'époque du travail du sol, rappelle Jean-Marie Ponsot, de Vosne-Romanée. Les trois quarts des vignes en étaient envahies. Le désherbage chimique l'a supprimé. 'Malgré ses défauts, la majorité des vignerons tient à le conserver, ne serait ce que pour l'entretien des rangs. Depuis l'an dernier, leur choix s'élargit. Une nouvelle génération de molécules arrive sur le marché. Elles sont plus propres que celles qui rendent service depuis des années. Sont-elles pour autant sans risque? Vis-à-vis de la vigne, il est sûr que non. Certaines d'entre elles l'intoxiquent bien plus que la simazine lorsqu'on les applique après le débourrement. Quant à leur comportement dans l'environnement, quoiqu'en disent les firmes, il n'y aura aucune certitude tant qu'elles n'auront pas été utilisées à grande échelle.Tous ces changements ne serviraient à rien si l'on ne jetait pas un autre regard sur un geste que trop de vignerons considèrent encore comme anodin. Ce geste consiste à vider son pulvérisateur sans se soucier du devenir du fond de cuve. Il n'est pas anodin, mais irresponsable. Outre son caractère polluant, il menace de jeter la suspicion sur toute une profession. A condition d'y renoncer et d'accorder des espaces à la flore spontanée, les traces de la viticulture dans l'environnement s'allégeront jusqu'à apaiser les esprits les plus inquiets.