L'épandage des effluents vinicoles sur la vigne est une pratique peu répandue en France. Une étude menée dans le vignoble nantais a permis de mesurer l'impact de cette pratique sur le sol et la vigne et de définir les conditions de mise en oeuvre les plus adaptées.
Peut-on envisager d'épandre des effluents vinicoles dans les vignes? Si oui, dans quelles conditions? Jusqu'à ce jour, on ne disposait pas de données expérimentales répondant objectivement à ces questions. Dans certaines régions, cette solution est plutôt écartée pour des raisons d'image; dans d'autres, l'obstacle vient des fortes pentes du vignoble et du risque de ruissellement; dans d'autres enfin, on dispose de suffisamment de terres agricoles pour épandre et la question ne se pose pas.Dans certains secteurs cependant, on n'a pas de terres agricoles et seules les vignes pourraient convenir. Or, l'épandage reste l'une des solutions les plus économiques pour les petites exploitations. C'est pourquoi Jean-Louis Brosseau, de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, a mis en place une expérimentation dès 1994 pour mesurer l'impact d'un épandage d'effluents vinicoles sur la vigne. Sur la campagne 1998, Frédérique Jourjon, du laboratoire du Grappe à l'école supérieure d'agriculture d'Angers, a effectué des analyses complémentaires sur le sol et la vigne. La parcelle expérimentale, plantée à 6 750 pieds/ha, est entièrement désherbée; sa pente est de 3,2 %. On étudie quatre modalités : le témoin et des apports de 20, 40 et 60 m³/ha.La première observation a porté sur le ruissellement pour déterminer la dose appropriée. On retient 20 m³/ha car au-delà, un ruissellement se produit. La constitution physico-chimique du sol n'est pas modifiée après quatre années d'épandage. ' On constate uniquement une légère augmentation de la teneur en cuivre du sol, ce qui n'est pas souhaitable compte tenu des excédents déjà présents dans les sols vinicoles. Pour essayer d'y remédier, il faudrait savoir d'où provient le cuivre présent dans les effluents vinicoles, explique Frédérique Jourjon. Un suivi complémentaire sur plusieurs années est nécessaire. 'L'observation de l'activité biologique des sols montre que la biomasse et la diversité écologique des vers de terre augmentent après quatre ans d'épandage. La biomasse microbienne s'accroît elle aussi, proportionnellement aux volumes d'effluents apportés. Au niveau de la vigne, l'apport d'effluents n'influe pas sur son état phytosanitaire, ni sur sa vigueur. L'analyse pétiolaire fait apparaître une légère élévation des teneurs en calcium, magnésium et potassium. Mais cela ne semble pas agir sur la richesse en sucre, ni sur l'acidité du raisin (voir tableau).Les épandages et les observations sur le sol et la vigne vont continuer sur ce site de Loire-Atlantique afin de disposer de données à plus long terme. Il est évident que ces résultats, notamment en ce qui concerne les doses d'épandage, ne sont pas transposables d'un secteur à l'autre. Il faut prendre en compte des éléments spécifiques à chaque parcelle, comme la pente et l'état du sol (travaillé, enherbé...). Certains s'interrogent aussi sur le risque qui existe à épandre des effluents acides sur un sol acide. A cela, Jean-Louis Brosseau répond ' qu'il est possible de neutraliser les effluents à la chaux '.La société BRL-Exploitation, basée à Nîmes (Gard), réalise une étude sur les épandages vitivinicoles dans différentes régions du bassin Rhône-Méditerranée-Corse. Les effluents sont épandus sur des parcelles différentes les unes des autres, portant de la vigne, des oliviers, de la luzerne, des prairies... ' L'étude préalable définit les profils hydrogéologiques et agropédologiques des parcelles. Ensuite, nous réalisons des analyses de sol. Il n'y a pas de suivi supplémentaire lorsque l'épandage a lieu sur la vigne plutôt que sur du maïs ou du blé ', explique François Le Doré, de BRL. Cette étude et celle de Loire-Atlantique montrent que la teneur en cuivre des sols recevant des effluents de cave augmente faiblement mais de façon significative.Comme Frédérique Jourjon, BRL estime d'ailleurs qu'une meilleure connaissance de la teneur en cuivre des effluents vinicoles est nécessaire.En Gironde, une expérimentation d'épandage sur la vigne pourrait être effectuée par la chambre d'agriculture car certains vignerons ne peuvent mettre en place des systèmes coûteux et n'ont pas d'autres terrains à leur disposition que leurs propres vignes. Dans la pratique, l'épandage sur des vignes étroites suppose de mettre une tonne à lisier sur une remorque enjambeuse ou sur un châssis de machine à vendanger. Dans tous les cas, la tonne ne doit pas être trop grande pour une question de stabilité. D'un point de vue réglementaire, les choses ne sont pas claires. Interrogé à ce sujet, l'Inao constate qu'il n'existe pas de règles spécifiques aux zones d'appellations. Dans la pratique, on assimile en général l'apport d'effluents à une irrigation. De ce fait, l'épandage doit être réalisé hors période de végétation. Cela peut poser des problèmes aux vignerons ne disposant pas d'autres terrains.En Australie, au contraire, on utilise les effluents pour pallier au manque d'eau et irriguer le vignoble. Aux Etats-Unis, ' Dans la vallée centrale de Californie, les effluents servent à irriguer et les doses d'épandage sont liées à la cinétique de l'azote. Tant qu'il ne migre pas, tout va bien! Dans les zones de Napa et Sonoma, les effluents sont prétraités avant d'être épandus ', explique Joël Rochard, de l'ITV de Reims (Marne). Mais, là non plus, la réponse de la vigne n'a pas été étudiée.