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La chauffe sous contrôle

La vigne - n°96 - février 1999 - page 0

Deux tonneliers souhaitent apporter à leurs clients une garantie quant au niveau de chauffe demandé. Demptos cherche à maîtriser le procédé en mesurant les températures. Seguin-Moreau contrôle la chauffe a posteriori à l'aide d'un nez artificiel qui identifie les arômes.

La chauffe constitue une étape incontournable de la fabrication des barriques. D'un point de vue mécanique, elle assouplit le bois et permet d'effectuer le cintrage qui donne aux fûts leur forme définitive. La chauffe agit aussi sur le potentiel aromatique du bois et les arômes produits varient selon le bois et l'intensité du brûlage. Le choix se raisonne en fonction du vin qui sera abrité dans les fûts, du résultat attendu, de la durée de l'élevage... Traditionnellement, la chauffe s'effectue sur des braseros, alimentés avec des chutes de bois de chêne provenant des différentes étapes de fabrication. On a cherché à reproduire le rendu d'une chauffe traditionnelle en utilisant d'autres sources de chaleur comme le gaz, l'électricité ou le rayonnement infrarouge. Comme le montre l'infographie, c'est ce dernier système qui donne le résultat le plus proche du système traditionnel d'un point de vue aromatique. La parfaite maîtrise du rayonnement permet aussi de garantir le niveau de chauffe et une parfaite reproductibilité d'une barrique à l'autre.Mais si on se rapproche de la chauffe traditionnelle, on ne parvient pas au même résultat. Les tonneliers cherchent donc à mieux contrôler cette étape de la fabrication qui reste un travail d'artisan. Jusqu'à présent, on se reposait en effet sur la seule expérience du tonnelier pour faire la différence entre une chauffe faible, moyenne ou forte. Sans remettre en cause ce savoir-faire, deux entreprises souhaitent apporter davantage de garanties à leurs clients. Demptos travaille à la maîtrise du procédé, Seguin-Moreau au contrôle du résultat obtenu.' Lors de la chauffe, les tonneliers utilisent plusieurs critères d'évaluation, comme la couleur de l'intérieur de la coque et la température de surface extérieure qu'ils évaluent au toucher ', explique Nicolas Vivas, chercheur pour la tonnellerie Demptos, en Gironde. Les travaux de recherche se sont appuyés sur ce constat. La mesure de la couleur n'a pas été retenue car on enregistre d'importantes variations entre les lots de bois et au sein d'un même lot. Il semble donc difficile d'estimer l'homogénéité du niveau de chauffe par colorimétrie. Le travail de recherche s'est donc orienté vers le suivi des températures. Au fur et à mesure de la chauffe, la masse du bois monte en température. Le chercheur a ainsi pu mesurer des températures repères sur la surface externe de la coque, correspondant aux différents stades de la chauffe. Pour une chauffe ouverte, on mesure, par exemple, 60°C en chauffe faible et 90°C en chauffe forte.Un patch thermosensible étalonné pour le cintrage, les chauffes faible, moyenne, moyenne plus et forte, a été mis au point. Au fur et à mesure que la somme des températures augmente, les différents repères changent de couleur de façon irréversible. Le patch se colle à mi-hauteur d'une douelle et permet de suivre en continu le niveau de chauffe. Mais il n'existe pas de patch universel qui conviendrait à toutes les situations.' Pour le moment, nous développons l'utilisation du patch sur notre site bordelais. Il faudra ensuite l'adapter pour les autres implantations car le niveau de chauffe varie. En Bourgogne, par exemple, la chauffe est un peu plus saisie, moins lente qu'à Bordeaux. On chauffe donc moins la masse du bois. En Californie, on ne fait que des chauffes moyenne plus, forte et forte plus, pour réduire l'impact agressif du chêne américain..., constate Nicolas Vivas. Ce système va nous permettre d'offrir à nos clients une garantie sur la maîtrise du procédé de chauffe traditionnelle. 'Vicard cherche, quant à lui, à maîtriser la chauffe traditionnelle en contrôlant de façon électronique l'alimentation de chaque foyer et donc la hauteur de flamme. La mise au point du système est en cours.Chez Seguin-Moreau, on a préféré apporter une garantie sur le résultat de la chauffe plutôt que sur le procédé. Pascal Chatonnet est chercheur pour Seguin-Moreau à la faculté d'oenologie de Bordeaux et responsable du laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde); il s'est appuyé sur l'identification des molécules aromatiques du bois de chêne selon les niveaux de chauffe. Des analyses physico-chimiques ont permis de constituer une base de données de référence. Un nez électronique a ensuite été mis au point. Il est constitué de plusieurs capteurs, chacun identifiant une molécule volatile. La combinaison des différents signaux enregistrés à un instant précis donne une ' signature ' qui peut être comparée à la base de données (voir infographie). Bien entendu, il en existe plusieurs, selon le type de bois (américain ou européen) et de grain.' On peut ainsi contrôler une barrique à chauffage a priori inconnu pour vérifier que son degré de brûlage correspond à celui qui était commandé. Cela permet d'éliminer les accidents de chauffe qui restaient difficilement détectables auparavant ', indique Pascal Chatonnet. Dans la pratique, la mesure est effectuée après le chauffage, au rythme d'une toutes les 2,30 min. L'utilisation de ce système de contrôle en continu pendant la fabrication semble envisageable mais assez délicat à mettre en oeuvre.

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