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Oïdium : il y a bien deux maladies

La vigne - n°96 - février 1999 - page 0

Lors d'un colloque, l'Inra a confirmé qu'il y avait deux oïdiums. D'autres intervenants ont décrit chacune des deux maladies et en ont tiré des conséquences quant à la protection du vignoble.

On le savait déjà : l'Inra de Bordeaux avait annoncé, dès l'an dernier, qu'il y avait deux oïdiums. L'un se conserve dans les bourgeons, l'autre sous forme d'organes sexués dénommés cléistothèces. Le premier provoque les drapeaux, le second finit par s'attaquer aux grappes. Au printemps, les cléistothèces qui ont survécu à l'hiver libèrent une multitude de germes, les ascospores, qui infectent les feuilles. Partant de ces spores, le champignon plante son mycélium, puis il constitue progressivement et discrètement la base d'où il partira à l'assaut des grappes.Au départ, l'Inra était resté prudent, n'allant pas jusqu'à parler d'espèces différentes. Le 7 janvier dernier, lors d'un colloque organisé par Sopra, Christophe Délye, un chercheur de la station girondine, a franchi ce pas : ' Il y a deux groupes très distincts de souches, a-t-il annoncé. Leur différence génétique est extrêmement importante. L'espèce est en voie de séparation ou déjà séparée en deux sous-espèces d'oïdium '.Pour se débarrasser des drapeaux, Georg Hill, de l'institut de Geisenheim (Allemagne), conseille d'intervenir précocement. A l'appui de ses recommandations, il cite un essai réalisé en 1994 sur le cépage kerner. Trois applications de penconazole (Topaze) avant la floraison l'ont assaini : l'année suivante, il n'émit aucune pousse malade. Il en fut tout autrement sur la même parcelle, traitée avec le même fongicide, mais à quatre reprises à partir du début de la floraison : des pousses oïdiées apparurent à nouveau en 1995.' Pour nettoyer le mycélium au niveau des bourgeons, il faut appliquer un fongicide efficace en préfloraison. Le soufre est-il un tel fongicide? Cela reste à prouver ', a précisé Georg Hill.A cette interrogation répondent des faits établis depuis plusieurs années en France. Dans les vignobles méditerranéens, les IBS sont plus performants sur les drapeaux que le soufre. Malgré cela, quelques conseillers furent longtemps réticents à recommander leur utilisation en début de saison. Ils redoutaient d'être amenés à enfreindre les restrictions d'utilisation dont sont frappés ces produits et qui visent à empêcher l'apparition de souches résistantes.Leurs craintes sont levées pour deux raisons. La première : l'homologation de fongicides appartenant à de nouvelles familles chimiques. Depuis lors, on peut varier les plaisirs. La seconde : le faible risque de voir surgir des souches drapeaux résistantes aux IBS. Cela tient au fait qu'une fois installées dans les bourgeons, elles semblent disparaître du vignoble pour n'y réapparaître qu'au débourrement suivant. Elles ne seraient donc exposées aux traitements que pendant une courte période. La sélection des individus les moins sensibles devrait s'opérer lentement. De plus, les souches drapeaux ne semblent pas pouvoir obtenir d'armes de leurs cousines qui s'attaquent aux grappes. Ces dernières détiennent bien des gènes de résistance aux IBS. On pourrait imaginer qu'elles les cèdent aux drapeaux au cours d'un croisement sexué. Mais, apparemment, de telles unions ne se produisent pas. ' Nous n'avons pas réussi à croiser des souches ascospores avec des souches drapeaux ', a indiqué Christophe Délye. Ces divers éléments balaient les hésitations relatives à l'utilisation des IBS sur les pousses oïdiées.Revenons-en au kerner. Depuis qu'il a été assaini, il l'est resté. Georg Hill n'a vu que des pousses normales, bien qu'il ait abandonné la protection précoce. L'oïdium présent a bien été détruit et il n'en est pas venu d'ailleurs. Les souches causant les drapeaux seraient-elles peu voyageuses? Bernard Molot, de l'ITV de Nîmes, le pense. ' L'inoculum extérieur a un rôle nul ou très faible dans l'épidémie (...). Celle-ci provient essentiellement des foyers présents dans la parcelle. De la même façon, l'inoculum émis par la parcelle est très probablement peu dommageable (...) dans les parcelles avoisinantes ', lit-on sous sa signature dans les actes du colloque.L'autre oïdium voyage. Les premières infections démarrent à la suite de la germination des spores (ascospores), libérées par les cléistothèces. Or, elles sont véhiculées par le vent. A partir d'un point initial, l'attaque se propage à la vitesse moyenne de 30 cm/jour. Agnès Calonnec, de l'Inra de Bordeaux, a annoncé ce chiffre, résultant d'observations faites en 1997. Pour y parvenir, elle et son collègue, Philippe Cartolaro, ont suivi très minutieusement le développement de la maladie depuis les spores qu'ils ont déposées sur une pousse au stade 4 à 5 feuilles. Leurs observations les amènent également à décrire le caractère explosif de l'oïdium à partir de la floraison, caractère que les vignerons ont tous en tête. En 1997, il a fallu plus de 40 jours pour que 10 % des feuilles soient contaminés. C'est la phase discrète. Puis il a suffi de 20 jours pour passer de 10 à 70 % de l'attaque finale. C'est la phase explosive. Lorsqu'on n'y prend pas garde, elle ne semble précédée d'aucun signe annonciateur. En fait, il n'en est rien. L'oïdium qui détruit les grappes s'y prépare longuement à l'avance.Il y a donc deux maladies distinctes, tant sur le plan génétique que sur celui du comportement. Il faut les combattre séparément. ' Le service de la Protection des végétaux conseille un traitement précoce sur les parcelles où l'on trouve des drapeaux, expliquait Laurent Collet, spécialiste de l'oïdium au sein de cette administration. Ailleurs, nous insistons pour recentrer la protection entre le stade boutons floraux séparés et la fermeture des grappes. 'Selon ce schéma, on commence, de préférence avec un IBS au stade 3 feuilles étalées, afin d'assainir les pousses oïdiées. S'il n'a pas pleinement atteint son but, on renouvelle ce premier traitement 14 jours plus tard. Sinon, on attend le stade boutons floraux séparés pour reprendre son pulvérisateur. Et l'on protège alors tout le vignoble quels que soient les cépages et les parcelles. Ces préconisations s'imposent peu à peu, même dans le Midi où l'on a longtemps dit qu'il fallait un traitement précoce dans toutes les circonstances. Cependant, elles connaissent quelques exceptions et sont sous le coup d'une incertitude.Henri Guillemont, de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, a rappelé qu'en Languedoc-Roussillon, il fallait protéger les muscats et le chardonnay jusqu'à la véraison. Michel Clerjeau, de l'Inra de Bordeaux, a souligné l'incertitude. Qu'en serait-il du résultat d'une protection qui ne démarrerait qu'au stade boutons floraux séparés alors que les ascospores (les spores contenues dans les cléistothèces) seraient libérées bien plus tôt? ' Les traitements au stade 3 à 5 feuilles pourront s'avérer utiles dès lors que l'on aura affaire à une épidémie précoce, a-t-il estimé. C'est au viticulteur, en fonction du contexte et du passé de sa parcelle, de savoir s'il a intérêt à commencer plus ou moins tôt. '

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