Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1999

Deux études surprenantes

La vigne - n°97 - mars 1999 - page 0

En Champagne, on constate qu'une fertilisation organique normale ne stimule pas la vie microbienne des sols. En Touraine, on observe qu'une double fertilisation déprime significativement la vigne au bout de dix à quinze ans.

On attribue de multiples propriétés à la matière organique. Certaines, comme l'amélioration de la stabilité structurale des sols, sont bien établies. D'autres relèvent davantage des suppositions ou des affirmations. Il en est ainsi de la stimulation de l'activité biologique des sols. Elle a le goût de l'évidence et s'est imposée comme telle dans bien des esprits : les microbes ne se nourrissent-ils pas de débris végétaux? Quant à en conclure qu'elle est l'évidence, voilà un pas que deux études nous incitent à ne pas franchir.Depuis 1991, les services techniques de l'interprofession champenoise suivent un essai implanté dans un site bien pourvu en matière organique (2,5 % au niveau du sol et 1,8 % dans le sous-sol) et divisé en neuf modalités. Un témoin ne voit aucune fertilisation. Quatre parcelles sont couvertes de mulchs d'écorces (peuplier, chêne, résineux ou compost d'écorces et de fumier). Deux parcelles bénéficient d'une fertilisation organique (2,5 t/ha/an d'un amendement d'origine végétale ou 1,25 t/ha/an de fientes déshydratées). Une autre reçoit un engrais chimique. La dernière est enherbée. La fertilisation organique apporte 50 U d'azote. Les vignes fertilisées chimiquement et celles qui sont enherbées bénéficient de la même dose d'azote.En 1994 et 1997, l'Inra de Dijon compte et pèse les vers de terre, découvre que la fertilisation organique n'augmente pas significativement leur nombre, ni leur poids. En 1997, l'institut mesure aussi l'activité des micro-organismes du sol. Elle est strictement égale dans le témoin et dans les deux parcelles fertilisées organiquement. En revanche, elle est bien supérieure sous les mulchs et dans les sols enherbés. C'est également là que l'on dénombre le plus de vers de terre. Ces deux traitements favorisent la vie des sols. Si le premier correspond effectivement à un apport de matière organique, il est bien différent de ceux réputés stimulants que sont les épandages de composts ou de fumiers. Le mulch couvre le sol comme un paillage. Il reste en surface afin de réduire l'érosion. On ne l'incorpore pas à la terre.Contrairement aux organismes du sol, la vigne n'apprécie pas l'enherbement. Sa vigueur et sa production chutent avec l'installation du gazon. Mais en contrepartie, ses raisins résistent mieux à la pourriture. Il s'agit là d'une réaction connue. Bien plus surprenante est celle des vignes fertilisées organiquement. Entre 1991 et 1997, on y relève le taux moyen de pourriture grise le plus élevé de tous les traitements. En chiffres bruts, la différence avec le témoin est importante (+ 19 %), mais l'analyse statistique révèle qu'elle n'est pas significative. Il ne s'agit donc que d'une tendance. Il faudra prolonger les observations pour voir si elle se confirme. A supposer que cela aurait un intérêt, on pourrait imaginer stimuler la vie des sols en forçant sur les quantités de compost ou de fumier. L'Inra d'Angers et le lycée de Fondettes, près de Tours, l'ont fait. Ils ont démarré en 1976. Depuis ce temps, ils appliquent six traitements à une parcelle d'essai : un témoin, une modalité où les sarments sont broyés et quatre autres modalités recevant soit du fumier de ferme, soit du compost de champignonnière à dose simple ou double. La dose simple est calculée de manière à compenser les pertes d'humus du sol par la voie de la minéralisation.Ici, on ne dénombre pas les vers de terre, ni les microbes, on se contente d'observer les vignes. En 1997, celles dont on broie régulièrement les sarments sont les plus vigoureuses. Avec le témoin, elles portent les plus hauts rendements. A l'opposé, les ceps qui bénéficient d'une double dose de fumier de ferme sont les plus chétifs. Ils produisent la plus faible quantité de bois de taille et de raisins. Malgré cela, leur récolte n'est pas plus riche en sucres, ni moins acide que les autres. D'un point de vue statistique, la maturité, jugée au regard de ces deux paramètres, est équivalente quel que soit le traitement.Les ceps recevant une double dose de fumier de ferme (20 t/ha/an) ont donné leurs premiers signes de faiblesse entre 1987 et 1988, soit plus de dix ans après le début de l'expérience. Entre 1992 et 1993, les vignes engraissées d'une double dose de compost (14 t/ha/an) leur ont emboîté le pas. Elles aussi ont commencé à fléchir. Depuis, elles ne cessent de perdre de la vigueur par rapport aux autres. Cependant, dans leur faiblesse, elles n'ont pas encore rejoint celles qui ont décroché les premières. Ces derniers résultats montrent à quel point le temps de réaction de la vigne peut être long. Ils suggèrent que tout excès, fut-il de matière organique, lui nuit. Or, par les temps qui courent, cette matière est affublée de telles vertus que beaucoup auront du mal à admettre qu'elle puisse être soumise à un principe aussi vulgaire.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :