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Le contrat de complant au IXe siècle

La vigne - n°97 - mars 1999 - page 0

Pendant plus d'un millénaire, le contrat de complant a régi les destinées de la vigne dans le pays nantais, associant bailleur et planteur dans la constitution du vignoble.

A l'époque carolingienne (IXe siècle), un mode de mise en valeur original se développe en France pour les nécessités de la plantation des vignes : il associe le bailleur, propriétaire d'immenses domaines en friche, et des preneurs sans terre, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la population augmente. Ainsi naît le contrat de complant (complanter, c'est planter avec le propriétaire, ce n'est pas planter pour lui). Un vigneron reçoit gratuitement une terre inculte; à charge pour lui de la défricher, de la planter (le cépage peut être imposé par le propriétaire qui peut aussi fournir les marcottes ou les boutures) et de la mettre en état de produire dans un délai de cinq ans.Ce temps écoulé, la terre est partagée en deux parties égales, le bailleur choisissant la moitié qui lui plaît. Il peut exploiter cette portion directement, la confier à un vigneron à tâche ou à la journée, ou la donner en fermage. L'autre moitié reste au preneur qui obtient la propriété de la plantation, et donc un droit de jouissance sur le fonds; mais il ne devient jamais totalement propriétaire de sa parcelle qui reste au bailleur. Généralement, la concession est établie pour toute la durée de vie du preneur, quelquefois même deux ou trois vies.Le preneur peut vendre la vigne, avec l'assentiment du bailleur qui peut aussi la reprendre au prix convenu; il peut la transmettre par héritage, donation, mais il n'en a jamais la pleine propriété. Pour durer, le contrat précise que la terre doit rester plantée et provignée. Le manque de soins (il suffit de ne pas tailler la vigne pendant un an) est une cause de reprise par le bailleur qui peut alors en jouir en pleine propriété. Pour le preneur, cette concession entraîne de donner tous les ans une part de la récolte au bailleur, part qui peut aller du huitième à la moitié, le plus souvent le quart ou le tiers. D'où le nom de quarts-de-chaume qu'on retrouve en Anjou où le vigneron devait le quart de sa récolte au propriétaire.Ce système, présent dans presque toute la France vers l'an mille (sauf en Gascogne et en Champagne), se transforme très vite dans la plupart des régions. Presque partout, au cours des siècles, le complant perd son sens primitif et évolue vers la pleine propriété, le fermage ou, le plus souvent, le métayage. En revanche, il se maintient en Poitou et dans le comté de Nantes, et c'est dans cette dernière région qu'on le retrouve aujourd'hui.Le preneur, qu'on appelle maintenant le colon, continue à satisfaire aux mêmes charges (part de récolte à fournir et paiement de la moitié de l'impôt foncier), preuve que l'Administration reconnaît bien une propriété partagée. L'abolition des privilèges, au mois d'août 1789, ne change rien au statut du colon et ne dépouille pas le propriétaire, le complant n'étant pas un droit seigneurial.Le phylloxéra, apparu après 1880, met à mal le bail à complant puisque les plantations sont détruites. De ce fait, les colons ne remplissant plus les conditions de la concession, le propriétaire est en droit de reprendre les terres, ce qui semble inadmissible aux vignerons qui n'y voient qu'un cas de force majeure. La loi du 8 mars 1898 permet de sortir de l'impasse. Un délai de quatre ans est accordé aux vignerons pour reconstituer les vignes sur plants greffés. Pendant ce délai, comme ils pratiquent d'autres cultures, ils doivent payer un loyer de 35 F/ha. Le vignoble à nouveau en production, les conditions de bail primitif s'appliquent comme avant, sauf accord particulier entre les parties pour sortir du complant.Vers 1900, dans le département alors appelé Loire-Inférieure, il reste 4 000 ha de vignes tenues à complant par 10 000 familles (au cours des siècles, l'émiettement des parcelles s'est accentué), sur 20 000 ha de vignes au total. Vers 1950, le complant ne concerne plus que 400 ha; en 1975, on compte 200 ha, et sans doute guère plus de quelques dizaines d'hectares aujourd'hui. A la place, on passe des baux emphytéotiques au cinquième et, de plus en plus, des baux de fermage.

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