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Intérimaire, tâcheron, entrepreneur de travaux : déléguer le travail des vignes

La vigne - n°97 - mars 1999 - page 0

Pour assouplir l'organisation du travail et gérer au mieux les coûts, les vignerons font toujours appel à des employés permanents, mais ouvrent leurs vignes à des travailleurs occasionnels, à des entrepreneurs ou à des sociétés d'intérimaires. Avec un effet pervers : la précarité des salariés.

La saisonnalité des travaux viticoles implique le recours à une main-d'oeuvre occasionnelle. Or, l'emploi des saisonniers est de plus en plus cadré et le personnel plus difficile à trouver... et à garder! Ces deux contraintes placent la main-d'oeuvre parmi les points les plus délicats à gérer. Le recours à du personnel temporaire ou extérieure touche principalement les travaux manuels de la vigne. Dans la majorité des cas, les vignerons établissent un contrat à durée déterminée (CDD) saisonnier, qui prend fin une fois les travaux terminés. Le travail est payé selon le nombre d'heures travaillées avec, à la fin du contrat, 10 % d'indemnité de précarité et 10 % de congés payés. Ce CDD induit une exonération des charges sociales de 58 % si sa durée est inférieure à 110 jours (voir tableau p. 33). L'employeur peut aussi signer un CDD classique, qui oblige d'indiquer dès la signature la date finale du contrat. Il est peu utilisé en viticulture, tributaire des conditions climatiques.Les salariés peuvent être rémunérés à l'heure ou à la tâche - ou au prix fait dans le Bordelais - qu'ils soient permanents (CDI) ou temporaires. Le paiement à la tâche consiste à rémunérer le salarié pour un travail précis : le nombre d'heures nécessaires pour cette tâche et sa rémunération minimale sont fixées par la convention collective ou par accord entre les deux parties en cas d'absence de convention. En règle générale, le salarié se voit confier tous les travaux de l'année sur un nombre d'hectares donné. Il s'agit alors d'une embauche définitive. Il peut aussi cumuler le statut de tâcheron pour un ou deux hectares et être payé à l'heure le reste du temps. En Bourgogne, la convention collective indique qu'un hectare nécessite 480 heures de travail (manuel) annuel. Il faut ensuite ajouter les heures de travaux mécaniques, non comprises dans le contrat.Le paiement à la tâche fait l'objet de certaines critiques, notamment de la part de l'inspection du travail qui y voit, à juste titre, une façon de rémunérer les salariés les moins vifs à un salaire horaire inférieur au Smic. ' C'est vrai qu'il pourrait y avoir une dérive défavorable aux salariés, témoigne un vigneron bourguignon. Toutefois, les deux parties sont d'accord sur le nombre d'heures qu'exigent la taille ou tout autre travail. La décision n'est pas unilatérale. Et avec la difficulté de trouver des salariés permanents comme temporaires, le rapport de force n'est pas nécessairement favorable à l'employeur. Il faut absolument replacer ce mode de fonctionnement dans son contexte. 'Pour réduire les coûts et être plus libres dans leur emploi du temps, les vignerons apprécient la formule du travail à la tâche. Toutefois, le fait de rémunérer à la tâche ne change en rien les obligations de l'employeur. En effet, depuis 1983, le tâcheron est un salarié à part entière et non un travailleur indépendant, malgré la ténacité des coutumes. Il répond au critère du lien de subordination, c'est-à-dire que son travail est soumis à la surveillance directe de l'employeur.' Auparavant, on confiait un nombre d'hectares à une personne avec un salaire calculé d'avance en fonction du nombre de pieds, rappelle Arnold Brum, responsable des questions sociales à la FNSEA. Peu importait le temps mis pour effectuer cette besogne. Maintenant, le travail à la tâche ou au prix fait est devenu un mode de paiement et non plus un type de contrat, comme c'était le cas avant. ' Le véritable paiement au résultat - sans prise en compte du temps de travail - n'est de mise qu'avec les prestataires de services, comme les entrepreneurs agricoles. Cette différence est importante car la personne payée à la tâche doit travailler pendant les heures ouvrables de l'entreprise qui l'emploie et non quand il le souhaite, comme le ferait un indépendant. En cas de contrôle de l'inspection de travail, un vigneron dont un tailleur travaille le samedi, alors que les jours ouvrables de son exploitation sont compris entre le lundi et le vendredi, est en infraction. En effet, chaque entreprise doit avoir ses horaires de travail affichés. Il est toutefois possible de travailler le samedi si la semaine comporte deux jours de repos.En outre, ce salarié ne peut en aucun cas faire appel à sa famille ou à des amis pour l'aider dans les vignes. Il aurait alors le statut d'entrepreneur agricole. Il est pourtant encore fréquent qu'un couple de tâcherons prenne 4 ha de vignes chacun et travaillent ensemble sur les 8 ha. Ou que l'un des deux fasse 6 ha et l'autre 2 ha. En cas de contrôle de l'inspection ou de la MSA, c'est le vigneron qui est responsable. Il est supposé savoir ce que font ses salariés. Toujours ce fameux lien de subordination!D'où l'importance de recruter des tâcherons ou prix faiteurs sérieux, notamment quand les vignes sont éloignées. Le nouveau contrat de tâche champenois comprend une clause à ce sujet. En signant, le salarié s'engage à travailler seul. Néanmoins, en cas de contrôle, c'est l'employeur qui sera sanctionné. Ce dernier pourra toutefois renégocier le paiement du salarié pour non respect de ses engagements.Avec le département de l'Yonne, la Champagne fait partie du nombre restreint des régions viticoles à disposer d'un véritable contrat de tâche. Il peut être à durée indéterminée, le tâcheron étant alors embauché pour effectuer l'ensemble des travaux viticoles. Le contrat de roie, en revanche, est un contrat saisonnier conclu pour une roie (tâche) précisément définie. En plus de l'engagement de travailler seul, le contrat de tâche inclut une autre nouvelle clause : le suivi des travaux.Ces dernières années, des vignerons ont constaté que leurs tâcherons venaient tailler en février-mars pour bénéficier de meilleures conditions climatiques. Certains commençaient leurs travaux trop tard et, réalisant qu'ils ne pourraient pas être finis à temps, se mettaient en congé maladie. Le vigneron ne disposait alors d'aucun recours.Désormais, un quota minimal de surface est fixé mensuellement et l'état d'avancement des travaux est établi chaque mois par l'employeur et le salarié. En cas de retard ou de travail non effectué, les heures non réalisées sont soustraites de la fiche de paie. Un temps complet comprend entre 4 et 4,2 ha. Pour le palissage, la surface est diminuée en raison de la rapidité nécessaire pour ce travail. En compensation, le tâcheron fait des ' heures de régie ' payées à l'heure.

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