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Albumine ou gélatines : à chaque vin sa colle

La vigne - n°97 - mars 1999 - page 0

L'albumine d'oeuf enlève davantage de composés phénoliques aux rouges que les gélatines. En revanche, elle élimine moins de colloïdes, responsables du trouble. Il faut la réserver aux vins charpentés qui se sont déjà naturellement clarifiés au cours d'une période d'élevage.

Le collage d'un vin rouge doit assurer trois fonctions principales : clarification, stabilisation et respect, voire amélioration des caractères organoleptiques. Pour réussir cette opération, il faut définir l'adéquation entre un vin et une colle. Cela implique une parfaite connaissance des colles et surtout, dans le cas des rouges, une appréciation poussée de leur structure phénolique.L'albumine d'oeuf et les gélatines sont les deux grands types de colles utilisées pour les vins rouges. L'albumine d'oeuf peut être soit issue de l'oeuf frais, soit obtenue par acidification avec de l'acide acétique puis concentration sous vide et séchage à basse température. Les gélatines sont issues de l'hydrolyse partielle du collagène contenu dans les peaux des animaux.Ces deux catégories ont des caractéristiques chimiques et physico-chimiques très différentes, qui conditionnent les différentes étapes du collage (floculation, sédimentation) et ses conséquences (clarification, stabilisation, action sur les tanins). Des travaux ont démontré que dans les interactions entre les protéines des colles et les composés phénoliques des vins, les acides aminés que sont la proline et l'hydroxyproline étaient des acteurs prépondérants. Or, les gélatines sont beaucoup plus riches en ces acides aminés que l'albumine.L'importance de la masse et de la charge des protéines a également été démontrée. Ce sont là deux autres caractéristiques fondamentales. L'albumine d'oeuf, fraîche ou en poudre, est constituée de trois protéines, dont l'une est largement majoritaire et de masse élevée (66 000 daltons).Inversement, les gélatines sont constituées de nombreuses protéines de masses variables (comprises entre 300 000 et 1 000 daltons). Au niveau des densités de charges de surface, on observe également de grandes différences. A pH 3,5, dans une solution synthétique proche d'un vin rouge, l'albumine d'oeuf aurait une charge élevée qui s'apparenterait à celle d'une gélatine issue d'une hydrolyse chimique modérée. Par contre, il existe des différences importantes entre l'albumine en poudre et l'albumine fraîche. En effet, en termes de charge, 10 g/hl d'albumine en poudre correspondent à 4 blancs/barrique.Ces différences se retrouvent en premier lieu sur les étapes menant à la clarification. Lorsqu'on additionne la colle au vin, la turbidité augmente de façon très importante : c'est la floculation. Après un passage par un maximum, la turbidité diminue. Cette phase correspond à la sédimentation des flocons précédemment formés. La sédimentation laisse le vin de plus en plus clair. Lorsque la turbidité du vin collé est inférieure à celle du témoin, le vin est clarifié.Lors du collage d'un rouge avec une gélatine, la turbidité maximale est en moyenne le triple de celle mesurée avec une albumine d'oeuf. La vitesse de sédimentation des gélatines est également, en moyenne, trois fois supérieure, en valeur absolue, à celle d'une albumine d'oeuf. Cette dernière est donc une colle qui flocule plus lentement, qui a une capacité de floculation bien plus faible et qui induit une sédimentation plus lente que les gélatines en général. Elle nécessite un temps de colle bien supérieur aux gélatines pour une clarification équivalente.En terme de stabilisation de la matière colorante (test au chaud ou au froid), toutes les gélatines n'ont pas les mêmes performances. L'albumine se situe dans une position médiane entre les gélatines les plus performantes et celles qui le sont le moins. Mais l'albumine tend à être aussi compétitive que les meilleures gélatines lorsqu'elle est utilisée pour coller un vin ayant subi un élevage de quelques mois, donc déjà naturellement dépouillé en colloïdes.A présent, si l'on considère l'action des colles protéiques sur les composés phénoliques du vin rouge, en particulier les tanins, on observe là encore des différences. Après collage, l'indice 280 d'un rouge, qui correspond à la teneur en composés phénoliques, diminue de 13 % en moyenne.Cette chute est de 16 % pour l'albumine d'oeuf alors qu'elle n'est que de 12 % pour les gélatines en moyenne. L'albumine d'oeuf est donc plus active sur les composés phénoliques que les gélatines, ce qui va à l'encontre de l'idée reçue selon laquelle c'est une colle douce. Cependant, l'action de l'albumine n'est pas uniforme sur l'ensemble de ses constituants : elle est beaucoup plus faible que celle des gélatines sur la fraction colloïdale.Ces observations confirment que l'albumine doit être utilisée pour des vins ayant subi un élevage assez long afin que les colloïdes susceptibles de précipiter en aient eu l'opportunité. Parallèlement, elle provoque la précipitation de quantités non négligeables de tanins, ce qui nécessite de l'utiliser sur des vins charpentés, ayant une structure phénolique puissante. Les gélatines solides ou liquides ont une plage d'applications plus large en termes de structure phénolique, de cépage, d'âge et d'élevage.

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