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Réguler le rendement et diminuer l'entassement

La vigne - n°97 - mars 1999 - page 0

La suppression de jeunes rameaux est un moyen de réguler la charge et d'éviter le développement de grappes excédentaires non prévues à la taille.

Afin de prévenir toute confusion de langage, ce qui est désigné ici par ébourgeonnage est la suppression de jeunes rameaux excédentaires se développant sur les bras de la souche, ou des double-bourres se développant sur les bois de taille, ou les bourgeons du bourillon. En éliminant des rameaux fructifères, on diminue la production de la souche.Par exemple, la Sicavac de Sancerre a obtenu une diminution de la charge de 2,5 à 1,95 kg/souche en éliminant les pousses secondaires d'une parcelle de gamay. Cette baisse de rendement s'accompagne d'une élévation du degré et d'une accélération de la maturité; dans l'exemple précédent, le degré était passé de 10,7 à 11,2. C'est une technique qui peut donc s'utiliser sur des vignes productives ou lors d'années généreuses.' L'ébourgeonnage est intéressant pour limiter le rendement. Il y a moins de conséquences sur la vigueur qu'une taille sévère. En éliminant 20 % des inflorescence, on obtient 20 % de grappes et de récolte en moins. Selon les cas, les gains de degré sont compris entre 4 et 7 dixièmes. Si on taillait de façon à obtenir la même charge, le nombre de bourgeons laissés à la taille serait inférieur : chaque bourgeon aurait une vigueur supérieure et donnerait plus de grappes. En ébourgeonnant, on n'observe pas de phénomène de compensation sur le nombre de grappes par rameau ', explique François Langellier du CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne).Outre la baisse de rendement qui résulte de l'élimination d'une partie des grappes, l'ébourgeonnage se traduit par une diminution de l'entassement du feuillage. ' Cela supprime presque un tiers de l'épaisseur de la végétation ', estime un vigneron qui pratique cette technique.Les équipes suisses de la station fédérale de Changins se sont intéressées à ce problème. Elles ont laissé 6, 8, 10 ou 12 rameaux par souche sur un essai de chasselas en guyot. Entre les différentes modalités, la surface foliaire totale progresse. Mais dès la modalité 6 bourgeons, l'entassement du feuillage empêche déjà que toute la surface soit exposée. Sur les modalités à nombre de bourgeons supérieur, la surface foliaire exposée ne progresse donc pas, c'est l'entassement qui s'accroît. Le poids de raisin par cep, en revanche, augmente avec le nombre de bourgeons. Tout ceci explique donc la différence qualitative observée : les modalités non ébourgeonnées à nombre de rameaux élevés ont une production de raisin supérieure, sans surface foliaire exposée supplémentaire.Par ailleurs, sur vignes ébourgeonnées, la végétation est plus aérée, moins entassée, garantissant une humidité moindre et un microclimat moins favorable aux maladies. D'autre part, les traitements phytosanitaires pénètrent mieux dans l'épaisseur du feuillage et jusqu'aux grappes. ' Je gagne un traitement antibotrytis par rapport aux vignes non ébourgeonnées ', déclare un vigneron. Le CIVC, sans le quantifier, avait observé que les parcelles ébourgeonnées étaient moins atteintes par le mildiou. Les équipes suisses, elles, n'ont pas constaté de différence d'attaque de pourriture entre les différentes charges en rameaux.Ebourgeonner avant la floraison pour améliorer la qualité de la vendange comporte toutefois un risque, surtout dans les régions où la coulure est fréquente. Certains vignerons préfèrent limiter le rendement par éclaircissage à la véraison, où l'estimation du rendement futur est plus précise.Toutefois, comme le rappelle Philippe Lesne, de la Sicavac de Sancerre, l'ébourgeonnage s'intègre mieux que l'éclaircissage à l'agenda du vigneron. En juin, autour de la floraison, le vigneron dispose de plus de temps qu'en juillet, où il faut faire traitements et rognages.Autre inconvénient, l'ébourgeonnage est une pratique coûteuse en main-d'oeuvre. De l'avis des vignerons et techniciens interrogés, il faut compter 5 heures par hectare. C'est une moyenne car la sortie des bourgeons indésirables est plus ou moins abondante selon la vigueur de la parcelle, les millésimes et les cépages. Gamay, merlot et clairette auraient des sorties particulièrement abondantes et échelonnées, plus difficiles à maîtriser.Le CIVC estime le temps de taille à 110 heures, alors qu'un ébourgeonnage sévère et la taille de l'année suivante prennent à eux deux 120 à 125 heures. L'ébourgeonnage augmente donc les temps de travaux de 10 à 20 %, soit 10 ou 15 heures de plus par hectare. Jean-Paul Jobert, viticulteur à Saint-Germain sur l'Arbresle (Rhône), ajoute : ' Vite fait, l'ébourgeonnage prend 30 heures par hectare; lorsqu'il est sévère, on y consacre près de 50 heures. Mais il permet de gagner un temps considérable l'année suivante : tailler des vignes non ébourgeonnées me prend 80 h/ha alors que sur vignes ébourgeonnées, le temps de taille descend à 35 h/ha. Cela me laisse plus de souplesse en hiver pour lutter contre l'eutypiose. Le relevage se trouve également facilité : en effet, après ébourgeonnage, la vigne pousse plus vite et, de ce fait, le relevage peut se faire en une seule fois. ' Le temps de vendange manuelle est également allégé, grâce à la meilleure accessibilité des grappes.Les personnes interrogées arrivent à la même conclusion : mieux vaut réguler les rendements en amont par une fumure raisonnée, le choix de clones peu productifs et de porte-greffes peu vigoureux.

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