Sur les vignes chlorosées, il convient d'identifier les causes de la chlorose afin de mettre en oeuvre des mesures préventives. En complément, les apports au sol sont plus efficaces que les pulvérisations foliaires.
Pour s'y être frottés, les vignerons des Charentes, de Champagne et du Val-de-Loire savent que la chlorose peut être grave pour la vigne. Dans les cas les plus importants, les feuilles se dessèchent, la croissance et l'aoûtement sont perturbés. La production de raisins et l'accumulation des sucres peuvent être affectées. Cette chlorose est le plus souvent induite par un taux de calcaire élevé dans le sol (plus précisément, un taux de bicarbonate élevé), qui freine l'absorption du fer par les racines. Ce blocage peut d'ailleurs avoir lieu à plusieurs niveaux de la plante : sur le poil absorbant, dans les vaisseaux du bois, à l'entrée de la feuille.Pour limiter les risques de chlorose, la première mesure est de pratiquer une analyse de sol avant plantation et de choisir un porte-greffe adapté. Mais pour lutter contre une chlorose installée, il faut comprendre son origine.René Morlat, de l'Inra d'Angers, explique : ' Il y a deux types de chlorose. La ' chlorose des années humides ' est la plus fréquente. Elle apparaît sur des sols minces, où l'excès d'eau provoque une mise en solution accrue des bicarbonates du sol, qui bloquent l'absorption du fer. La ?chlorose des années sèches? est liée à des situations particulières : les horizons superficiels ne sont pas chlorosants, voire décarbonatés, mais les horizons profonds sont très chlorosants. On rencontre ce deuxième cas dans les vignobles de Chinon et de Saumur '.Ces deux configurations sont prises en compte dans les préconisations. ' Nous déconseillons l'enherbement dans les parcelles chlorosées car il a pour conséquence, d'une part, de réduire la zone de sol prospectée par les racines et, d'autre part, de favoriser l'exploitation des zones profondes les plus chlorosantes ', explique Claude Landron, du GDDV d'Anjou.En revanche, dans les Charentes où l'excès d'eau intervient beaucoup dans la chlorose, l'effet bénéfique de l'enherbement a été constaté. ' Les parcelles manifestant le plus de symptômes sur notre réseau d'observation sont celles plantées sur un sol très calcaire, celles où une erreur de choix de porte-greffes a été faite et, ensuite, des parcelles très vigoureuses au sol travaillé, explique Vincent Dumot, de la station viticole du BNIC. On constate souvent que les parcelles enherbées sont moins atteintes, sans doute parce que l'herbe améliore la structure du sol, le drainage, limite le tassement et réduit la vigueur de la vigne. '.En Champagne, la chlorose vraie se manifeste sur des terrains de craie, celle liée aux années humides sur des sols argileux ou de calcaire dur. Le CIVC reste réservé sur la technique de l'enherbement, qui ne convient pas à tous les sols et risque d'appauvrir les moûts en composés azotés. Sur craie, les amendements organiques peuvent réduire durablement la chlorose en améliorant la circulation du fer dans le sol.Pour lutter contre la chlorose, on a le choix entre des apports au sol et des apports foliaires de fer. Au sol, on dispose de deux types de produits : sulfate de fer et chélates de fer. Dans les chélates, le fer est associé avec un agent complexant, qui le rend moins sensible aux blocages dans le sol. Des formulations différentes sont proposées : granulés utilisables secs, conseillés en hiver, poudres et granulés solubles utilisables à partir du débourrement, généralement apportés à des doses de 30 kg/ha. Denis Renaud, de la Cave à Epernay, constate : ' 30 % du vignoble reçoivent des apports de chélates au sol, dont 80 % sont faits sous forme soluble, avec des coutres ou des pals rotatifs injecteurs. Le reste est épandu sous forme de granulés '.' Nous conseillons d'appliquer une dose d'attaque la première année, une demi-dose l'année suivante et, en cas de forte régression, une interruption du traitement ', ajoute un technicien de la Caval d'Angers. S'ils ont une efficacité reconnue, les chélates de fer restent un traitement très coûteux (Coût des fournitures en viticulture et oenologie recense des prix par hectare compris entre 2 000 et 9 000 F. Les distributeurs annoncent 3 000 F en moyenne...).Toutefois, une étude de la station viticole a démontré que le traitement au sulfate de fer pouvait s'avérer aussi onéreux, du fait de l'application (voir tableau). ' Cet exemple n'a pas valeur de loi, avertit Vincent Dumot. La comparaison est d'autant plus ardue que sur le terrain, les produits utilisés et les modes d'apport sont très divers. ' Le sulfate de fer est donc intéressant pour sa rémanence (à dose de 10 t/ha tous les cinq ou dix ans, selon le CIVC). Mais son point faible est la difficulté d'application.Les apports au sol ont toutefois un effet pernicieux. ' En lui fournissant du fer facilement assimilable, ils maintiennent la vigne dans un état de vigueur que le sol ne permettrait pas; les besoins sont donc accrus l'année suivante et on rentre dans un cercle vicieux. Mieux vaudrait soigner le sol, en fonction des causes de la chlorose ', explique André Perraud du CIVC.Les techniciens sont unanimes sur le fait que les apports foliaires sont à réserver à des chloroses d'intensité moyenne. Sur des affections graves, ils seront d'une efficacité limitée. Le CIVC estime, quant à lui, que l'efficacité espérée des chélates au sol est de 75 % au maximum et que celle des foliaires ne dépasse pas 35 %. Les traitements foliaires seront de toute façon plus efficaces en préventif et appliqués lors de journées à taux d'hygrométrie élevée. L'idéal est de commencer les applications avant les symptômes et de les poursuivre pendant la phase de croissance. Mieux vaut toutefois les suspendre pendant la fleur.