Lors de son dernier comité national, l'Inao a indiqué sa volonté de mettre de l'ordre dans les expérimentations en exerçant un contrôle avant et pendant les essais. Tout en reconnaissant qu'il y a parfois eu des abus, techniciens et chercheurs craignent que cette décision freine les possibilités d'évolution.
Il y a des expérimentations qui durent depuis trop longtemps, sur des surfaces trop importantes, sans qu'aucun bilan n'ait jamais été fait et avec des régimes de dérogation qui s'éternisent. Il faut que cela cesse , explique-t-on à l'Inao (Institut national des appellations d'origine). Alors que certains essais se déroulent au grand jour depuis des années sans que quiconque s'en émeuve, l'Institut a soudain décidé de frapper un grand coup. ' Il faut recenser ce qui se fait et apporter les conclusions quand on a les éléments nécessaires. Or, certains organismes de recherche, qui tirent leur existence de la continuité des recherches, ne sont pas toujours prêts à conclure ', estime un responsable de l'Institut.' Certaines expérimentations durent depuis dix, voire vingt ans alors que cinq ans auraient suffi. Dans d'autres cas, la dérogation permettant de vendre en AOC les vins issus de l'expérimentation concerne des surfaces trop importantes et depuis trop longtemps. ' On évoque par exemple, mais sans la citer, le cas d'une appellation dans laquelle des essais sur la densité de plantation ont démarré il y a fort longtemps. Les volumes produits bénéficiaient d'une dérogation afin de conserver l'appellation. Les surfaces concernées ont tant et si bien augmenté qu'aujourd'hui, on estime que 25 % de l'appellation sont plantés à une densité inférieure à celle du décret. Il semble que l'expérimentation se soit perdue en cours de route. L'Inao se serait rendu compte de la situation lorsque le syndicat d'appellation a demandé une modification du décret d'appellation. On peut se demander pourquoi les représentants locaux de l'Institut n'ont pas tiré la sonnette d'alarme plus tôt. Manque de temps ou volonté de ne pas voir?Quoi qu'il en soit, l'Inao a décidé que ce type de situation ne devait plus se reproduire. Les expérimentations devront désormais passer par la procédure suivante. Pour tout projet, l'Inao local devra être contacté et prendra l'avis du syndicat d'appellation. On distingue alors quatre cas. Dans le premier, on estime que l'on ne risque pas de modifier le type de l'appellation, l'expérimentation est validée et l'Inao est simplement associé aux travaux. Ce pourrait être, par exemple, l'utilisation de produits de substitution au SO2.Dans le second cas, on considère que l'on reste dans les conditions de production mais que des modifications importantes sont apportées par rapport au schéma d'élaboration classique. ' La flash-détente rentre dans ce cadre. En effet, avec une extraction plus poussée qu'à l'habitude, on peut modifier le type du vin. On pense aussi aux expérimentations de machines à vendanger dans le Beaujolais. Le décret n'impose pas une vendange manuelle mais la récolte mécanique peut changer les caractéristiques des produits ', indique l'Inao. L'expérimentation fait alors l'objet d'un protocole entre l'Inao et l'organisme de recherche.Le troisième cas concerne les modifications de conditions de production, comme les travaux sur les densités ou les nouveaux cépages. Le projet doit être soumis pour avis au comité régional de l'Inao, puis passer en commission technique et, enfin, obtenir l'approbation du comité national. Les vins produits n'ont pas droit à l'appellation. Le quatrième cas concerne les projets modifiant totalement les conditions de production. On ne peut pas revendiquer l'appellation et il n'y a pas de protocole avec l'Inao. Dans les deuxième et troisième cas, l'objectif des essais est éventuellement de faire entrer la pratique dans les décrets. Une fois par an, la commission technique examinera les résultats obtenus.' Nous devons penser aux consommateurs et faire respecter les appellations. Aussi, si les essais nous paraissent modifier de façon importante les conditions de production, il ne doit plus y avoir de dérogations pour déclarer le vin en appellation sur des surfaces importantes. Il faudra aussi réfléchir, dès la mise en place des essais, à la façon d'en sortir. En effet, si au bout des quinze ou vingt ans accordés, le test n'est pas concluant, il faudra accepter de revenir aux conditions de production classiques. ' Mais qui acceptera de mener des essais sur ses parcelles si on lui enlève le droit à produire en appellation? Or, on sait que les essais au niveau des domaines expérimentaux ne peuvent apporter toutes les réponses. Dans ce cas, on évoque la possibilité de dédommager le vigneron du manque à gagner lié à la perte de l'appellation sur les zones d'expérimentation. Il reste à trouver les budgets.De toute évidence, il y a eu des abus au niveau des expérimentations et des dérogations et il est logique d'y mettre fin. Cette meilleure connaissance des actions menées dans les différents centres de recherche permettra peut-être d'éviter les doublons et les pertes d'information. ' Mais cette main mise de l'Inao sur tous les projets et le principe d'un contrôle à priori sont gênants. Il ne faudrait pas que cela bloque toutes possibilités d'innovations ', remarquent techniciens et chercheurs.En effet, que se passera-t-il pour certaines expérimentations comme l'introduction de nouveaux cépages? L'Inao acceptera-t-il que des essais de ce type soient menés, sachant que si les résultats de l'expérimentation sont satisfaisants, il lui faudra accepter l'introduction de ces nouveaux cépages? Il peut alors y avoir la tentation de refuser ces essais pour ne pas se retrouver dans une situation délicate.