En juin, paraîtra un guide des bonnes pratiques d'hygiène. Il indique comment appliquer un arrêté qui impose trois obligations aux vignerons : délivrer un produit sain, former les salariés et mettre en place un système de maîtrise de l'hygiène.
En matière d'hygiène, on connaissait déjà les exigences des acheteurs. C'est sous leur pression, notamment celle des Anglo-Saxons, que les caves ont dû se plier aux règles internationales visant à préserver la santé des consommateurs. Prochainement, elles verront un autre acteur se mêler de ces questions : la Répression des fraudes. Pour l'instant, l'hygiène dans les caves n'était pas son souci. Pourtant, tous les vinificateurs et embouteilleurs sont tenus de respecter un arrêté du 28 mai 1997 (relatif aux règles d'hygiène, paru au Journal officiel le 1er juin 1997).Cet arrêté concerne toutes les denrées alimentaires. Il est tellement général que beaucoup de filières ont ressenti la nécessité d'en faire leur propre lecture. Elles ont ainsi rédigé des guides pratiques conformes aux exigences réglementaires. Celui qui se rapporte au vin est sous presse. Il devrait paraître début aux Editions des journaux officiels et marquera l'entrée en application de l'arrêté du 28 mai 1997.Le guide des bonnes pratiques d'hygiène dans les caves ne sera pas d'application obligatoire. Il relève en effet de la ' nouvelle approche '. Cette doctrine a été présentée lors d'une conférence, organisée le 16 avril par les oenologues de la région Paris-Normandie. ' Le principe de base est de responsabiliser le professionnel, expliquait Jean-Claude Thomas, de la Répression des fraudes. Il est entièrement responsable de l'hygiène au sein de son entreprise. 'En vertu de ce principe, l'Administration ne fixe pas de règles précises. Elle ne dit pas s'il faut carreler les murs ou les peindre. Elle demande qu'il soit facile de les laver et de les désinfecter. Elle ne dit pas comment il faut nettoyer les cuves ou les chaînes d'embouteillage. C'est au chef d'entreprise d'en décider. Il doit le faire en ayant à l'esprit qu'il doit remplir trois obligations.Premièrement, son vin ne doit pas mettre en danger la santé. C'est l'obligation de résultat. Elle n'est pas sans poser de problèmes juridiques car ses limites sont floues. Il ne doit pas y avoir de corps étranger dans les bouteilles. Les textes le disent clairement. Mais faut-il aller jusqu'à indiquer que les vins contiennent des sulfites afin de prévenir les personnes qui y sont allergiques? Ceux qui sont pour une lecture stricte de la réglementation estiment que oui. Les autres jugent qu'il suffit de ne pas dépasser les doses permises de SO2. C'est l'option prise par les rédacteurs du guide, validée par les Fraudes.Deuxièmement, il faut former son personnel aux règles de l'hygiène. Encore une obligation vague. L'Administration ne recommande pas de formation particulière et ne précise pas qui doit la délivrer. Le chef d'entreprise peut s'en charger, faire venir des intervenants extérieurs ou envoyer son personnel en stage. ' C'est par le dialogue entre le contrôleur et les employés que l'on verra s'ils sont formés ', a expliqué Jean-Claude Thomas.Troisièmement, il faut mettre en place un système de maîtrise de l'hygiène. On rejoint là les exigences paperassières des acheteurs étrangers car le système préconisé s'inspire des règles internationales codifiées sous la norme HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point). De deux choses l'une : soit l'on suit les indications du guide, soit l'on met en place son propre système dont il faudra prouver la pertinence lors d'un contrôle ou d'un litige. Ceux qui décident de voler de leurs propres ailes devront suivre les cinq étapes détaillées dans l'article 14 de l'arrêté du 28 mai. A moins d'être rodés à la norme HACCP, ils n'y parviendront qu'à grand-peine. Le texte réglementaire n'est nullement pratique.Le guide des bonnes pratiques d'hygiène dans les caves l'est davantage. Il a été présenté lors de la journée du 16 avril dernier. Ses auteurs ont identifié les risques survenant lors de l'élaboration d'un vin. Ils sont au nombre de dix : fuite d'un réfrigérant; sulfitage excessif; contamination par des métaux lourds provenant des matériaux en contact avec le vin; présence de corps étrangers (bris de verre, particules métalliques); utilisation de gélatine issue d'animaux atteints de la maladie de la vache folle; excès d'ajout de ferrocyanure de potassium; pose défectueuse d'un bouchon à vis le rendant blessant; expulsion intempestive du bouchon d'un vin effervescent; contamination par des produits d'entretien ou de maintenance; contamination, lors du transport en vrac, par les produits précédemment transportés.Tous ces risques doivent être maîtrisés. Personne ne dit ' supprimés ' car cela relèverait de la perfection. Or, on le sait bien, elle n'existe pas. Le guide situe les étapes où les risques se présentent. Prenons le cas des corps étrangers qui doivent être totalement absents des vins mis en circulation. Ils peuvent passer au travers d'une filtration de finition ou pénétrer dans les bouteilles lors de leur rinçage, de leur remplissage ou de leur bouchage. A chacune de ces quatre étapes, le guide précise ce qu'il faut faire pour éviter que l'accident survienne. Il indique ensuite les contrôles à entreprendre pour vérifier l'efficacité des mesures préventives que l'on a prises. Il explique comment traiter les lots endommagés. Il détaille les enregistrements à effectuer de toute cette activité.Affinons notre exemple. Pour qu'il n'y ait pas de particules étrangères après la filtration de finition, le guide préconise une maintenance annuelle du matériel et la vérification de l'intégrité des médias filtrants avant chaque filtration. Pour contrôler l'efficacité de la première de ces mesures, il propose de mettre en place un plan de maintenance. Pour contrôler l'efficacité de la seconde, il recommande le mirage. Les vins contaminés doivent être refiltrés. C'est l'une des corrections à entreprendre en cas d'accident. L'autre consiste à revoir les mesures préventives (maintenance, vérification), car elles doivent être insuffisantes. Enfin, il faut tenir à jour des documents de maintenance et un cahier de tirage où l'on note les vérifications régulières que l'on fait. Ouf!Tout cela paraît bien lourd. En fait, la plupart des mesures visant à prévenir les accidents sont déjà prises par tous les vignerons consciencieux. Là où le bât blesse, c'est dans la tenue des enregistrements. C'est un point à ne pas négliger, car en cas de litige ou de contrôle, il faudra prouver que l'on maîtrise l'hygiène. Or, cette preuve est essentiellement conçue comme un documentaire. Il faut donc non seulement tenir des cahiers de sulfitage, mais également de maintenance, de nettoyage ou d'embouteillage. Il faut également conserver les notices garantissant qu'une pompe est prévue pour le contact alimentaire ou qu'un lot de gélatine n'est pas d'origine bovine. Bref, il ne suffit pas de veiller à délivrer un produit sain, il faut également songer à se couvrir en cas de problème.