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Les mécanismes de la coulure

La vigne - n°99 - mai 1999 - page 0

Par coulure, on désigne à la fois la chute des fleurs et celle des baies dans les deux ou trois semaines suivant la floraison. Plus ou moins important selon les cépages les années ou les régions, ce phénomène reste encore mal compris et donc difficile à contrôler.

Le nombre de baies restant sur une grappe est toujours inférieur au nombre de fleurs présentes au départ sur l'inflorescence. Le rapport de ces deux chiffres permet de calculer le taux de nouaison. Il peut varier de 10 à 50 %, voire 60 %. D'une façon générale, il semble que les cépages à petites inflorescences ont des taux de nouaison plus élevés que les variétés à grosses inflorescences. Cette chute d'un certain nombre de fleurs et de petites baies est un phénomène normal permettant à la plante d'adapter sa production à ses capacités.Une coulure accidentelle peut intervenir en plus du processus naturel et affecter considérablement les volumes produits. Certains cépages, comme le grenache, le merlot ou le muscat Ottonel, sont particulièrement sensibles à la coulure, contrairement à d'autres comme le cabernet sauvignon ou le riesling. La sélection clonale a permis d'atténuer ces manifestations, car seuls les plants les moins sensibles ont été retenus. Actuellement, les problèmes persistent essentiellement sur les parcelles âgées ou atteintes de court-noué. A l'Inra de Colmar, des travaux sont en cours afin de préciser à quoi est liée cette sensibilité variétale et, éventuellement, de déterminer le, ou les, gènes impliqués. Jusqu'à présent, on ne peut pas expliquer précisément ce qui déclenche la coulure. Il est donc difficile de prévenir efficacement le phénomène. Une chose est certaine : les conditions de croissance au moment de la floraison sont déterminantes. A cette période du cycle de développement, les besoins en glucides de la plante sont élevés et la surface photosynthétisante exportatrice assez réduite. ' La plante vit grâce à l'hydrolyse du dépôt d'amidon constitué les années antérieures. Si la période subit un temps couvert ou pluvieux, le bilan glucidique devient désastreux ', écrit François Champagnol, dans son ouvrage de référence sur la physiologie de la vigne. Il existe en plus une compétition entre la croissance des rameaux et l'approvisionnement des baies en formation.On comprend donc que tous les facteurs favorisant la vigueur peuvent accentuer la coulure des cépages sensibles. La chambre d'agriculture de la Gironde recommande de ne plus apporter d'azote aux vignes dans les trois semaines précédant la floraison. Un essai mené par l'ITV et la chambre d'agriculture du Gard en 1997, montre que l'enherbement augmente le taux de nouaison et le poids de récolte du fait de son effet limitant sur la vigueur. Les conditions de mise en réserve d'amidon les années précédentes ont aussi leur importance.Par le biais du réseau d'observation des vignobles septentrionaux, Eric Duchêne, de l'Inra de Colmar, a pu comparer le comportement du pinot noir dans trois régions différentes (Alsace, Bourgogne, Champagne). ' Les taux de nouaison varient. Ce qui explique le mieux cette variabilité, ce sont les conditions de croissance dans les quinze jours précédant la floraison ', constate-t-il.Les effets du rognage sur la coulure ne font pas l'unanimité. L'objectif est de limiter la croissance des rameaux. Mais la difficulté, pour le moment, vient du fait qu'on ne sait pas quantifier les effets de cette intervention sur la coulure. De plus, selon que le rognage intervient au début, au milieu ou en fin de floraison, les résultats obtenus diffèrent. L'Institut rhodanien et le GDA du Vaucluse ont effectué des observations sur le grenache, pendant trois campagnes, afin de préciser l'incidence d'un rognage sévère sur la coulure. Des parcelles particulièrement coulardes ont été choisies et on a pu constater qu'un rognage sévère en pleine floraison augmente le rendement de façon significative. Cependant, cette opération affecte la teneur en sucre et en polyphénols des baies. Il importe donc de rester prudent par rapport à cette démarche, car dans cet essai, si le rognage sévère limite la coulure, il ne va pas dans le sens de l'amélioration de la qualité. Michel Broquedis et son équipe de l'université de Bordeaux 1 travaillent sur les polyamines, molécules qui font partie des régulateurs de croissance. Elles agissent sur la multiplication et la différenciation cellulaire, l'initiation florale, l'allongement du tube pollinique lors de la fécondation... Ils ont observé que les tissus des cépages coulards contiennent moins de polyamines que ceux des autres cépages. Cependant, le taux de nouaison ne semble pas proportionnel à la concentration de ces composés dans la plante.Michel Broquedis a cherché à préciser l'incidence d'applications de polyamines sur le taux de nouaison (voir infographie), en menant des expérimentations pendant quatre ans avec des cépages plus ou moins coulards. On retrouve les mêmes résultats tous les ans, quelle que soit la sensibilité des cépages. D'autres hormones (acide abscissique et éthylène) agissent comme inhibiteurs de croissance. L'équilibre hormonal entre inhibiteurs et promoteurs de croissance intervient sur le taux de nouaison. Ainsi, l'application d'un composé inhibant l'action de l'acide abscissique et maintenant le taux d'éthylène à un niveau peu élevé, permet d'améliorer le taux de nouaison, car la balance hormonale est favorable aux polyamines. Actuellement, on comprend mieux les effets des différentes hormones végétales sur la coulure. Mais les mécanismes de biosynthèse de ces composés ainsi que les phénomènes d'inhibition et de stimulation font encore l'objet de travaux.Des essais ont aussi été menés en pulvérisant de la crème d'algues pour stimuler la synthèse de polyamines dans la plante. L'équipe de l'université de Bordeaux 1 a obtenu de bons résultats, avec une floraison plus homogène et un taux de nouaison plus élevé. D'autres chercheurs et techniciens restent plus réservés sur le sujet. Enfin, tous insistent sur l'importance de ne pas perdre de vue l'objectif principal, à savoir la qualité de la récolte. Il ne s'agit donc pas d'augmenter à tout prix le taux de nouaison, mais d'essayer de limiter les baisses de récoltes trop importantes.

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