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Petit polluant, grosse frayeur

La vigne - n°99 - mai 1999 - page 0

L'ochratoxine A est identifiée dans les vins depuis 1996. Personne ne s'était vraiment soucié de ce contaminant jusqu'à ce que des Finlandais et des Hollandais se chargent d'alerter les consommateurs.

Quelques exportateurs ont senti le vent du boulet. Le tir est parti des Pays-Bas, d'une organisation de défense des consommateurs appelée Consumentenbond. Il visait les vins français, espagnols et italiens. Il était destiné à faire éclater au grand jour leur contamination par l'ochratoxine A, substance libérée par des moisissures, toxique pour les reins et soupçonnée d'être cancérigène.Le Consumentenbond a fait analyser vingt bouteilles en provenance de ces trois pays. Il a laissé passer quelques temps avant de diffuser ses résultats. Suffisamment pour soulever de franches inquiétudes. On le soupçonnait de vouloir faire un ' coup ' en clamant haut et fort qu'il fallait cesser de boire des vins contaminés. Au lieu de cela, il publie, le 1er avril, un communiqué de presse qui ne donne aucune consigne.Selon certaines sources, on doit cette réserve aux pressions des ambassades de France et d'Italie. Des diplomates auraient pris contact avec l'association. Ils lui auraient fait comprendre qu'elle n'avait aucune autorité à établir un niveau de contamination admissible. D'éminents scientifiques se sont penchés sur la question bien avant elle. Ils n'y ont pas encore apporté de réponse définitive. Pour l'instant, ils n'ont fixé que des doses provisoires tolérables pour les hommes. Pour les aliments, il n'existe pas de limite maximale de contamination admise sur le plan international. La Commission du Codex alimentarius, l'organisme de l'ONU (Organisation des nations unies) habilité à fixer ces limites, ne s'est penchée que sur les céréales, pour lesquelles elle recommande de ne pas dépasser 5 microgrammes/kg.Pour le vin, il n'existe rien d'équivalent. En l'absence de normes émanant des autorités sanitaires, des importateurs ont fixé les leurs. ' Un client nous a demandé de lui certifier que nos vins ne dépassaient pas 0,3 microgramme/l, témoigne un négociant méridional. C'est comme s'il introduisait une nouvelle contrainte dans un cahier des charges. 'La limite citée est issue d'un calcul simple, qui repose sur un avis du Comité scientifique de l'alimentation de la Commission européenne. L'avis date de septembre 1998. Le Comité avait alors recommandé d'éviter d'ingérer plus de 5 nanogrammes/kg de poids corporel et par jour d'ochratoxine A (5 milliardièmes de gramme). Pour une personne de 60 kg, cela revient à ne pas avaler plus de 0,3 microgramme/jour. Il y aura peu de risques que cela se produise si un litre de vin n'en contient pas davantage. Voilà le type de raisonnement qui conduit certains opérateurs à fixer leurs propres normes.Les Hollandais se sont inspirés des Européens, plus nordiques qu'eux. Dès l'an dernier, l'administration nationale finlandaise de l'alimentation (NFA) prélevait des bouteilles. En décembre, elle publiait les résultats de son travail dans un communiqué de presse, annonçant que la moitié des vins était contaminée. Le détail de ces analyses indiquait que les vins italiens étaient davantage contaminés que les vins français.Les résultats hollandais sont très semblables. Ils montrent à nouveau que la moitié des vins est contaminée et que les vins italiens le sont davantage que les français. Leur publication a suscité une vague de correspondance entre les importateurs des Pays-Bas, les vignerons et les négociants français lesquels, pour la plupart, découvraient l'existence de l'ochratoxine A dans le courrier de leurs clients.Les Finlandais et les Hollandais ont porté sur la place publique un problème peu connu. En 1996, des Suisses avaient montré que des vins renfermaient de l'ochratoxine A. Cette substance avait déjà été identifiée sur les céréales qui sont, de loin, sa principale source d'apport. Sa présence dans les vins fut une surprise. Elle fut confirmée par des analyses conduites en France, en Espagne et en Allemagne.Ces multiples études montrent que le problème est avant tout méditerranéen et rouge. Les vins de cette couleur sont plus touchés que les rosés, les blancs et les effervescents. Les bordeaux et les bourgognes ne sont qu'exceptionnellement contaminés, alors que les vins du Midi le sont assez fréquemment. ' Au maximum, nous avons trouvé 1 microgramme/l dans les échantillons français, détaille Bernard Médina, du laboratoire de la Répression des fraudes à Bordeaux. Pour les vins qui renferment de l'ochratoxine, la teneur moyenne est de 0,2 à 0,3 microgramme/l. Mais la moyenne générale est extrêmement basse. 'A ces niveaux, les risques qu'encourent les consommateurs semblent extrêmement faibles. Rappelons que le Codex alimentarius propose la limite de 5 microgrammes/kg pour les céréales.Dans un proche avenir, l'Union européenne devrait fixer une norme pour les vins. C'est l'intention que lui prêtent bon nombre de Français proches du dossier. Selon ces sources, la norme pourrait être de 2 ou 3 microgrammes/l. Une telle limite ne poserait aucun problème commercial, si l'on en croit les résultats d'enquêtes disponibles à ce jour. Logiquement, le problème de l'ochratoxine A devrait donc s'atténuer. A moins que des éléments nouveaux sur sa toxicité ne relancent l'inquiétude des organisations chargées de veiller sur la santé des consommateurs.

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