Malgré les aides prévues, peu d'entreprises ont choisi de devancer l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail. La signature des accords de branche devrait faciliter les démarches mais des incertitudes demeurent.
La première partie de la loi sur la réduction du temps de travail, fixant les délais de mise en oeuvre et les conditions d'anticipation, a été votée le 13 juin 1998. Depuis, les accords de branche ont été signés et quelques conventions sont mises en place par des exploitations et des négoces (lire La Vigne n° 94, p. 47-48). La deuxième partie concernera notamment la rémunération des heures supplémentaires et devrait être votée en septembre prochain, après consultation des organisations professionnelles. Le ministère s'est, en principe, engagé à respecter le contenu des accords de branche déjà conclus.Il faut préciser que la durée légale de travail fixée à 35 heures ne constitue pas un maximum. Il sera possible d'effectuer davantage d'heures mais le seuil de déclenchement des heures supplémentaires passera de 39 heures à 35 heures. Pour les heures comprises entre 35 heures et 39 heures, le taux n'est pas encore fixé mais le gouvernement s'est engagé à ce qu'il ne dépasse pas 25 %. Actuellement, la durée maximum de travail par semaine reste fixée à 48 heures. L'accord de branche signé par le secteur agricole apporte des précisions quant à la mise en oeuvre des 35 heures. Il indique que la durée annuelle maximale du travail (heures supplémentaires comprises) devra passer de 2 120 à 1 940 heures, voire 2 000 heures dans certains cas. Concernant l'annualisation du temps de travail, les conditions de mise en place ont été précisées. Le volume d'heures modulable s'élève à 300 heures. Il peut être majoré de 50 heures maximum par les conventions collectives. Cela signifie que sur certaines périodes de l'année, on pourra faire travailler plus de 35 heures par semaine sans payer d'heures supplémentaires mais en respectant, bien sûr, les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail. Le volume d'heures effectuées au-delà de 35 heures ne devra donc pas dépasser 300 heures (ou 350 heures). En contrepartie, les salariés travailleront moins sur d'autres périodes de l'année. On doit arriver sur douze mois à une moyenne hebdomadaire de 35 heures. L'annualisation fait partie des points accueillis positivement par les employeurs. En revanche, ce système est moins avantageux pour les salariés car ils ne percevront pratiquement plus d'heures supplémentaires. En effet, ils toucheront le même salaire tous les mois quel que soit le nombre d'heures effectuées.Les modalités de la réduction du temps de travail varient selon les entreprises. Voici quelques exemples parmi celles qui ont anticipé le passage aux 35 heures. Au domaine de l'Orme, dans le chablisien (Yonne), qui emploie neuf salariés, l'accord signé le 1er décembre 1998 prévoit de continuer à travailler 39 heures en moyenne par semaine, avec une durée de travail quotidienne de 7 h 30 à 8 h 30 selon les périodes. Pour compenser, vingt-quatre jours de congés supplémentaires viennent s'ajouter aux cinq emaines déjà existantes. Ces vingt-quatre jours sont à prendre pour moitié à l'initiative de l'employeur, pour moitié selon les choix des salariés en respectant tout de même les périodes de pointe. Les aides couvrent une bonne partie du coût du nouveau salarié.A la cave de la Clairette, à Bellegarde (Gard), qui emploie également neuf salariés, il fallait embaucher. On a donc anticipé pour accéder aux aides et 1,6 emploi équivalent temps plein a été créé (1 temps plein et 1 temps partiel). Dans cette cave, on travaille 35 heures par semaine depuis le 18 décembre 1998. Les salariés peuvent prendre le vendredi après-midi ou le lundi matin. Une dérogation a été obtenue pour la période des vendanges pendant laquelle des heures supplémentaires peuvent être effectuées. En effet, l'une des conditions pour bénéficier des aides est, en principe, de supprimer toutes les heures supplémentaires.Dans le même ordre d'idée, la maison Laroche, à Chablis, a obtenu une dérogation pour les travaux exceptionnels, comme la protection contre le gel, qui seront toujours rémunérés en heures supplémentaires. Cette maison, où l'accord est entré en vigueur le 1er juin 1999, a aussi introduit la notion de travail effectif. Elle a considéré que 35 heures de travail effectif correspondent à 37 heures de présence dans l'entreprise, si l'on prend en compte par exemple les temps d'habillage et de trajet entre le siège de l'exploitation et les vignes, les temps de pause, de casse-croûte...D'une façon générale, les rémunérations sont maintenues sur la base de 39 heures. La maison Bouchard père et fils, à Beaune, compense ainsi la perte de salaire par des primes et des systèmes de plan épargne entreprise afin de préserver les revenus de ses salariés.