Le cuivre s'accumule dans les sols et devient toxique pour les plantes, les microbes et les vers de terre.
Il y a quelque temps, des journaux s'étaient faits l'écho de propos alarmistes. Il n'y a pas plus de vie dans les sols viticoles bourguignons que dans ceux du Sahara, avaient-ils écrit. Les traitements phytosanitaires avaient empoisonné microbes et vers de terre. Les tracteurs les avaient écrabouillés. Le manque de fertilisation organique les avait affamés. Que les esprits inquiets se rassurent, il n'en est rien. ' Nous avons été agréablement surpris de voir à quel point les sols sont actifs ', explique Rémi Chaussod, de l'Inra de Dijon.En 1997, il prélève un peu de terre dans une quarantaine de parcelles, à la demande du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne). Il mesure le poids des microbes (biomasse microbienne) dans chacun de ces échantillons et découvre qu'ils abondent. D'autres analyses montrent que tous les sols dégradent les pesticides, les empêchant de s'accumuler. Tous détériorent la matière organique, libérant ainsi de l'azote minéral et du gaz carbonique.Rémi Chaussod mesure également les teneurs en cuivre. Ce n'est pas par hasard. Il sait que cet élément est toxique. Et il le confirme. Au-delà de 150 mg/kg de terre, la biomasse microbienne diminue de moitié dans ses échantillons. Cela n'affecte aucune des fonctions essentielles que doit remplir un sol pour conserver sa fertilité. Le carbone et l'azote organiques continuent d'être minéralisés. Les pesticides sont toujours dégradés. Même les parcelles les plus polluées n'ont pas été stérilisées. Rémi Chaussod l'attribue à leur nature argilo-calcaire qui les protège. ' Dans les sols sableux et acides, le cuivre est potentiellement plus toxique pour les microbes ', estime-t-il.Ce fongicide est le seul des produits de protection de la vigne qui exerce de tels méfaits. ' Les autres molécules n'ont pas d'impact mesurable, si l'on en juge par nos critères d'évaluation de la vie microbienne des sols ', ajoute Rémi Chaussod. Loin d'avoir une action dépressive, elles stimulent quelques espèces qui s'en nourrissent. Ce fait est bien établi pour des herbicides tels que le diuron et la simazine qui, dans les milieux calcaires, sont dégradés d'autant plus vite qu'on les emploie depuis plus longtemps.Que le cuivre présente des inconvénients, personne ne l'ignore. A dose élevée, il intoxique la plupart des plantes. La vigne ne doit son salut qu'à la profondeur de son enracinement. Il est néfaste pour les vers de terre ainsi que pour la flore et la faune aquatiques.La quantification de son incidence sur les microbes ne fait qu'ajouter une pièce à un dossier qui prend un poids nouveau, maintenant que l'agriculture se doit d'être durable. Combien de temps pourra-t-on l'employer avant que ses effets ne deviennent insupportables? Cette question ne peut pas être éludée parce que le cuivre s'installe pour toujours dans les sols et que l'on ne sait pas les décontaminer. Cependant, on sait le contenir par des amendements organiques et le redressement du pH des sols acides. Il se lie à la matière organique. Elle le rend insoluble et réduit ainsi sa toxicité. Cette liaison est-elle immuable ou, au contraire, se rompra-t-elle un jour? ' Nous ne connaissons pas la stabilité des complexes organo-métalliques, admet Rémi Chaussod. Il y a deux hypothèses : celle d'une bombe à retardement et celle d'un plateau. ' Soit le cuivre se retrouvera à l'état libre tôt ou tard, soit il se stabilise durablement. En raison de cette incertitude, il faudra surveiller de près les sols pollués.En l'état actuel des connaissances, aucune mesure d'urgence ne s'impose. ' Je suis hostile au discours catastrophiste qui dit qu'il faut tout arrêter car on pollue tout, affirme Rémi Chaussod. Il ne faut pas mettre trop de cuivre aujourd'hui pour pouvoir continuer à l'utiliser demain. Un apport par an me paraît parfaitement possible. ' Mais on peut aussi, par précaution, s'en passer. Ce choix est l'affaire de chaque vigneron.