La découverte des incidences oenologiques et agronomiques du cuivre n'a pas altéré la confiance que lui accordent les vignerons.
Il est difficile de se séparer d'un allié tel que le cuivre. Il a rendu trop de services pour qu'on l'abandonne brutalement. Et il en rendra encore, ne serait-ce que pour lutter contre la nécrose bactérienne. C'est sûrement pour cela qu'il se maintient malgré les inconvénients récemment mis à jour. On aurait pu penser le contraire. On aurait pu croire qu'en apprenant son incidence négative sur les sols, la maturation et les arômes de certains vins, la plupart des vignerons allaient s'en séparer rapidement. Il n'en est rien. 10% des traitements mettent en oeuvre de la bouillie bordelaise, de l'oxychlorure ou de l'hydroxyde de cuivre. Cette proportion n'a pas chuté avec la découverte de leurs incidences oenologiques.En contrepoids de méfaits que peu d'entre nous ont constaté par eux-mêmes, pèse une masse de propriétés réelles ou supposées. Elles sont ancrées dans les mémoires. Outre son efficacité antimildiou et antibactérienne, le cuivre est crédité d'une activité contre l'oïdium, le black-rot, les pourritures acides et grises. Il est réputé favoriser la cicatrisation des plaies causées par la grêle, l'aoûtement des bois et l'épaississement des peaux de raisins. En plus des firmes qui le produisent et le vendent, bien des conseillers se chargent de rappeler ses multiples atouts. Certains le font d'autant plus ardemment qu'ils sont irrités de voir des oenologues et des environnementalistes se mêler de la protection du vignoble. Car au-delà des débats techniques et des enjeux commerciaux, la place du cuivre alimente une lutte d'influence. Elle oppose deux écoles : celle de Bordeaux et celle de Montpellier. Dans ce jeu, ce sont paradoxalement les Montpelliérains qui défendent la bouillie bordelaise. Ce sont eux qui mettent en avant l'étendue de ses propriétés. Les Bordelais pointent ses inconvénients oenologiques. Et nos voisins du nord de l'Europe insistent sur son pouvoir polluant des sols. Alors, faut-il l'abandonner? Des vignerons l'ont déjà fait sans rencontrer d'obstacle majeur. Les services techniques de l'Interprofession champenoise estiment qu'il est inutile lorsqu'en fin de saison, la pression de mildiou est faible. Les autres organismes publics sont bien plus prudents. A Sancerre, vignoble où règne le sauvignon, la Sicavac ne décourage pas les vignerons de l'utiliser. Elle conseille de se contenter d'un seul traitement en été. Par ailleurs, ceux-là même qui ont mis à jour ses effets les plus préjudiciables pour la production de grands vins lui ont trouvé une porte de sortie. Dans ses derniers travaux menés avec l'Inra, la faculté d'oenologie de Bordeaux a montré que les traitements n'atteignant pas les grappes n'avaient pas d'incidence sur les arômes, ni sur la maturation. Il suffit de ne pas les viser pour bénéficier des atouts du cuivre sans pâtir de ses inconvénients oenologiques. Pas plus que ces organismes, nous ne pousserons le plus vieux des antimildious dans les orties. D'autres que nous se chargeront de le faire. Ce sont les firmes qui viennent de lancer de nouveaux fongicides. Dans les années cinquante, les produits de contact avait provoqué un premier recul du cuivre. Vingt ans plus tard, les pénétrants et les systémiques lui portaient un second coup. Gageons que les matières actives récemment homologuées seront à l'origine d'un troisième repli. Finalement, la seule question qui vaille est la suivante : les vignerons qui veulent se passer du cuivre peuvent-ils le faire? Force est d'admettre que oui, à condition que leurs parcelles soient indemnes de nécrose bactérienne.